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15 raisons pour lesquelles d'Ayrton Senna nous manque

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 01/05/2014 à 01:00 GMT+2

Chez Ayrton Senna, disparu il y a vingt ans, les qualités étaint aussi énormes que les défauts. Le tout formait un ensemble souvent fascinant et insaisissable.

Eurosport

Crédit: Eurosport

Un virtuose du tour de qualification

Ayrton Senna aurait sans doute porté plus haut son total de pole positions (65) s'il n'avait connu un destin tragique. De sa première à Estoril en 1985, à sa dernière à Imola en 1994, il a fasciné par cette aptitude à synthétiser tout ce qu'il fallait d'engagement pour extraire tout ce que sa mécanique pouvait. "Le moment magique, c'était la pole position, se souvient le photographe Paul-Henri Cahier. Senna se préparait alors qu'il ne restait que quelques minutes dans la séance - à l'époque ça durait une heure et il fallait sortir plusieurs fois -. C'était un moment stratégique et il était le maître de l'exercice. Il attendait, quand il y avait peu de monde et que la piste était chargée au maximum de gomme, juste à la fin. Là, le monde s'arrêtait, les gens étaient fascinés. J'étais parfois en bord de piste, très près même de l'action sur certains circuits, et c'était extraordinaire : on pouvait voir l'énergie farouche, incroyable que cet homme déployait au volant, cette détermination invraisemblable. Au point qu'on avait l'impression que sa machine était à la rupture : il ne pouvait pas vraiment aller plus vite ; non pas qu'il serait sorti mais que sa voiture se serait cassée sous l'effort."
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Ayrton Senna (McLaren) aux essais du Grand Prix d'Allemagne 1991

Crédit: Panoramic

Un perfectionniste maladif

Ayrton Senna était méthodique : il passait en revue tous les paramètres de la performance pour en tirer un bénéfice parfois infinitésimal. Mais additionnés, ces gains représentaient un vrai avantage. Ça paraît normal, mais à l'époque de Toleman ou de Lotus, "faire le tour" de la voiture était une affaire plus compliquée parce que la télémétrie n'enregistrait pas autant de choses qu'aujourd'hui. Et ça prenait du temps pour croiser les informations, les sensations seulement perçues au volant. Il voulait aussi être sûr que la voiture était préparée comme il voulait aussi. Sa maniaquerie allait parfois jusqu'à passer derrière ses mécaniciens pour vérifier des réglages, instrument de mesure en main.
Il challengeait aussi ses techniciens, en permanence. Après une victoire, le podium était le seul moment de répit. Il les réunissait ensuite pour dresser la liste des améliorations à apporter sur la voiture. L'idée même de se reposer sur des acquis lui était insupportable.

Un principe : travailler plus pour gagner plus

En arrivant chez McLaren, en 1988, Ayrton Senna n'a qu'un objectif : battre Alain Prost, le "Professeur" double champion du monde, "parce qu'honnêtement il n'y a que lui" confie-t-il. Le Français a l'habitude de faire des réunions techniques qui durent environ une heure et demie. Le Brésilien double leur durée pour passer en revue plus de choses.

Un "motoriste" d'une sensibilité hors du commun

Du temps du karting, Senna était déjà fasciné par les moteurs. Il les montait, les démontait pour en connaître chaque détail. En Formule 1, il se distingue spécialement dans la perception de son propulseur et l'exploitation de la puissance. Il garde en mémoire ce qu'il a fait avec chacun des blocs qu'il a pilotés. Au point de signaler un jour à Renault qu'on lui avait monté par erreur un autre V6 que celui annoncé. Il a été capable de dire où et quand il s'était servi du V6 en question.

Un maîtrise sous la pluie

Ayrton Senna n'avait aucune prédisposition pour piloter sous la pluie et y avait remédié en multipliant les entraînements en karting sur piste mouillée. En F1, il se révèle dès la première course sous la pluie, à Monaco en 1984, en finissant deuxième. Si le Grand Prix n'avait pas été interrompu, il aurait sûrement doublé Alain Prost, et peut-être gagné. En 1985, c'est sous les trombes d'eau portugaises qu'il gagne son premier grand prix, à Estoril. Il ne cessera du sortir du lot dans ces conditions. Le Grand Prix d'Europe 1993, à Donington, reste le plus grand témoignage de son habileté hors du commun. Elle n'a peut-être jamais eu d'égal.
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Ayrton Senna (Lotus) était intouchable sous la pluie au Grand Prix du Portugal 1985

Crédit: Panoramic

Une estime de soi

En 1982, Ayrton Senna, alors pilote de Formule Ford 2000, se retrouve assis dans un avion à côté de Ron Dennis. Il supplie le patron de Woking de le laisser tester une McLaren, de F1 évidemment. Le boss britannique flaire le coup et lui offre de financer sa saison de Formule 3 en 1983 contre la propriété de son contrat et la promesse de lui trouver ensuite une place en F1. Le Brésilien refuse tout net et Dennis se dit qu'il a affaire à un arrogant. Un an plus tard, c'est en champion de Grande-Bretagne de F3 qu'il teste une MP4-1 E. Le Sud-Américain impressionne mais Ron Dennis a signé Niki Lauda et Alain Prost pour 1984. Le manager juge l'aspirant de toute façon trop tendre pour un top team.

Un pilote intimidant

Ayrton Senna haïssait le trafic et s'en plaignait plus que les autres. En fait, il voulait en faire une arme. Il faut bien se rendre compte qu'à l'époque, seuls des drapeaux bleus facilitaient la course des plus rapides, mais que le système d'avertissement n'était pas aussi coercitif qu'aujourd'hui. C'était donc au bon vouloir de chacun d'ouvrir le passage après un virage, un tour ou plusieurs. Mais pour le Pauliste, il fallait du prêt-à-dépasser. Il l'a fait comprendre très vite au peloton en attaquant au prix de manœuvres franches. Certains redoutaient de voir le fameux casque jaune dans les rétros, n'ayant pas envie de faire d'histoire. Une admiration mêlée de crainte. Cela a parfois débouché sur des accrochages mais Senna réussit à inculquer cette idée qu'il ne fallait pas le gêner. La pole position était une convoitise, une exaltation, un moyen de se rapprocher de la victoire. Il a remporté 29 de ses 41 victoires en partant de là.

Son casque jaune

Le casque d'Ayrton Senna n'a jamais changé. Il avait juste modifié le jaune en 1987 pour le sponsor-titre de l'écurie Lotus, qui nous avait déjà privés de la superbe livrée noir et or de sa machine. Jamais un casque n'aura plus symbolisé un pilote, et un pays. Reconnaissable entre mille.

Un pilote croyant, religieux

Ayrton Senna évoquait souvent Dieu. Au Brésil, l'expression de ce sentiment est courante mais ça en dérangeait pas mal en Formule 1. A propos des derniers instants du Grand Prix du Japon 1988, qui le mène à son premier titre, il dit : "J'ai senti sa présence. J'ai vu Dieu. Ça a été un moment unique. Un sentiment très fort." Malheureusement, il a aussi ses excès, et son rival Alain Prost n'hésite pas à dire qu'il se croit protégé par Dieu, et que ça le rend dangereux pour les autres pilotes. Senna a souffert de cet amalgame.

Une dose de mauvaise foi

Il était habité par l'esprit de justice mais parfois aussi dépassé par ses propres obsessions, ses postures dans une rivalité qu'il ne parvenait plus à gérer. Jusqu'à se déjuger sur une consigne lui-même suggérée : à Imola, en 1989, il avait trahi Prost en l'attaquant au premier freinage. Arguant qu'il s'agissait du second départ de la course, et que le principe ne valait plus. Il avait ses défauts, ses outrances. Au Grand Prix du Japon 1990, il avait a ainsi justifié son accident avec Alain Prost : "Il n'y avait de la place que pour un dans ce virage, et Prost m'a fermé la porte". Taraudé par le remords, il eut l'honnêteté d'avouer son forfait un an plus tard, à Suzuka.
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Ayrton Senna (McLaren) et Alain Prost (McLaren) au premier tour du Grand Prix de Saint-Marin 1989

Crédit: Panoramic

Un obstiné

Grand Prix d'Australie 1989 : Adélaïde est noyé sous un déluge, Alain Prost, Gerhard Berger et Nelson Piquet arpentent la grille pour convaincre leurs collègues que les conditions sont dangereuses. Ayrton Senna est sanglé dans sa McLaren, résolu. Au départ, Senna écarte sans ménagement Prost pour virer en premier. A la fin du premier tour, Prost refuse de poursuivre et rentre abandonner. Le grand prix sera interrompu et couru en deux temps. Largement en tête, Senna part en toupie, se reprend et finira par percuter Martin Brundle. Un tiers des concurrents verra l'arrivée. La plupart des pilotes reconnaîtront que Prost avait raison : il ne fallait pas courir.

Un leader reconnaissant

Dans le final du Grand Prix du Japon 1991, Ron Dennis l'appelle pour lui demander d'offrir sa victoire à son coéquipier Gerhard Berger. La discussion à la radio dure plusieurs tours. C'est vrai, l'Autrichien lui a filé quelques coups de main, n'a pas encore gagné de la saison, mais le sacrifice est réel en ce jour de sacre. Le circuit de Suzuka est celui de Honda, avec toute la symbolique que cela suppose. Il finit par s'exécuter, sur la ligne. Il n'en montrera pas d'animosité.

Un compétiteur préoccupé par la sécurité

En 1990, à Jerez, il va sur le lieu de l'accident de Martin Donnelly (Lotus), en qualification. Il est impuissant devant la gravité des blessures du Britannique mais demande des conseils à son ami, Sid Watkins, médecin des grands prix, pour connaître les gestes qui peuvent sauver. En 1992, à Spa-Francorchamps, il arrive le premier à Blanchimont, où s'est crashé Erik Comas et se précipite pour couper le moteur de la Ligier. En 1994, à Imola, il voit l'accident de son compatriote Rubens Barrichello (Jordan) le vendredi puis assiste des stands à la mort de l'Autrichien Roland Ratzenberger. Le drame le déstabilise visiblement, mais il retourne en piste accomplir son métier. Il aimait brandir un drapeau brésilien à chaque victoire. Le dimanche, il avait prévu de faire son tour d'honneur avec un drapeau autrichien.

Des explications houleuses

Ça lui est arrivé plusieurs fois d'avoir des explications musclées dans la pit lane. Au Grand Prix de Belgique 1987, il reçoit la visite de Nigel Mansell, venu le boxer quoique plutôt responsable de leur accrochage en début de course. Sorti de la piste à plus de 300km/h en essais privés à Hockenheim en 1992, il veut régler l'affaire avec Michael Schumacher (Benetton) mais un membre de McLaren l'empêche heureusement de frapper l'Allemand. En revanche, au Grand Prix du Japon 1993, il rend la justice d'un bon direct dans le visage d'Eddie Irvine, impétueux débutant qui avait tardé à le laisser passer. Il était l'idole du Nord-Irlandais, qui avait repris jusqu'au design de son casque mais ça n'avait rien changé.

Un amoureux fou du Brésil

Ayrton Senna appréciait d'être soutenu mais il n'était jamais autant galvanisé que lorsqu'il sentait les Brésiliens derrière lui. Il se référait sans cesse au Brésil comme le seul refuge possible de sa joie de vivre ; un havre de paix éloigné des tumultes de la compétition. Il était très patriote et peu de pilotes ont exprimé autant que lui son amour pour leur pays.
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Ayrton Senna (McLaren) sur le podium du Grand Prix d'Europe 1993

Crédit: Panoramic

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