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Comment l'écurie Haas est passée du fond de grille au statut de "meilleure des autres"

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 24/03/2022 à 14:10 GMT+1

GRAND PRIX D'ARABIE SAOUDITE - La cinquième place du revenant danois Kevin Magnussen à Sakhir, dimanche dernier, a validé les choix radicaux que Gene Haas a fait pour son équipe en vue de cette saison 2022. Le patron américain avait décidé de donner carte-blanche à Ferrari pour lui faire une voiture, et le retour au top de la Scuderia est bien tombé...

Kevin Magnussen (Haas) au Grand Prix de Bahreïn 2022

Crédit: Getty Images

Haas commence à déranger. Et on ne parle pas de l'aveuglement de ses pilotes à céder un tour aux leaders. C'est de l'histoire ancienne. La septième place qualificative et la cinquième obtenue en course par Kevin Magnussen, dimanche dernier au Grand Prix de Bahreïn, fait jaser au sein de certaines équipes, qui n'ont pas vécu aussi bien que l'écurie étasunienne le grand virage des monoplaces à effet de sol pris par la Formule 1 en 2022.
Classée 9e du championnat du monde Constructeurs en 2019 et 2020, et même dernière en 2021, Haas est devenue la première écurie "challenger" - pourrait-on dire - cette saison derrière les trois grandes inamovibles, dans le désordre Red Bull, Mercedes et Ferrari. Un miracle ? Pas vraiment.
On pensait que l'écurie basée assez symboliquement en Caroline du Nord, à Kannapolis, pour une question d'image (elle cache soigneusement ses autres usines de Banbury et Maranello), avait voulu se faire un coup de pub en révélant en premier sa monoplace 2022, la VF-22, le 21 février. Elle avait au moins gagné une course dans l'année, et on avait ensuite pensé à un coup de bluff lorsque Mick Schumacher avait claqué le deuxième temps à Sakhir, lors de la dernière journée des tests hivernaux.

Haas a pensé mettre la clé sous la porte

Il ne fallait pas être suspicieux, juste pragmatique. Haas a poussé plus loin son approche particulière de la Formule 1 depuis deux ans et ça paie. "Nous avons pris la décision en 2020 de vraiment consacrer du temps et des ressources à la VF-22, en renonçant à tout ce qui concernait la piste (les évolutions techniques) pour 2021, ce qui n'a pas été beau à voir", avait expliqué Gene Haas, propriétaire-fondateur de l'écurie, lors du "launch" de sa monoplace. "En espérant que cette décision porte ses fruits et que nous retournions nous battre pour des points et qu'il en ressorte quelque chose de nos week-ends", avait-il ajouté. Pour bien saisir la teneur de son propos, il suffit de se rapporter à la saga Haas dans les épisodes de "Drive To Survive", la série de Netflix, où son équipe est constamment en proie aux turbulences causées par des pilotes que le directeur d'équipe Günther Steiner a un mal fou à calmer.
En 2016, Haas s'était engagé en Grands Prix en adoptant un modèle d'équipe satellite déjà vu chez Sauber. Gene Haas avait fait sous-traiter un maximum de pièces de sa monoplace à un top team, Ferrari, avec l'objectif de prendre peu à peu son indépendance. Il n'en fut rien : après trois campagnes réussies (8e en 2016 et 2017, 5e en 2018), son équipe a plongé. Lassé, l'entrepreneur américain a alors décidé de ne plus mettre de l'argent dans son équipe et mandaté Günther Steiner pour trouver un sponsor, sans quoi il mettrait la clé sous la porte. L'Italien l'a sauvée en recrutant Nikita Mazepin mais 2021 fut un fiasco, faute de talent au volant. Mais les plans étaient clairs pour 2022, avec le soutien total de la Scuderia.
Mick Schumacher (Haas) au Grand Prix de Bahreïn 2022

L'ambiguïté de la soufflerie

Total, parce que Haas a mis en veille son équipe de design de Banbury, en Angleterre, pour tout sous-traiter à Ferrari, dans ses locaux de Maranello. Dans un QG à part, a toujours assuré la marque italienne, cible de ses rivales déçues qui ont compris que les VF-22 risquent de faire souvent reculer leurs propres machines de deux crans au classement.
Sous couvert de cap budgétaire (140 millions de dollars cette année), Ferrari a dégraissé dans ses rangs pour constituer une équipe dédiée à Haas, sous la direction technique de Simone Resta, qui jouissait déjà d'une belle réputation dans ses locaux depuis 2001. Successivement designer, chef du département Recherche et développement, directeur adjoint du design, il est devenu le directeur technique de ce projet de "Ferrari B" comme certains le voient.
Pendant les études de son équipe, Simone Resta a naturellement testé la VF-22 dans la soufflerie de Maranello, ce qui est plus que jamais un sujet brûlant dans le paddock. Car la ressemblance entre la Haas et la Ferrari ces dernières années a alimenté la suspicion quant à l'utilisation par Ferrari d'heures normalement dédiées à Haas. Et si les voitures ont par exemple des pontons différents cette année, la question de cette collocation irrite, notamment à l'heure des restrictions encore plus sévères des souffleries. Car plus on gagne, moins on peut tester. Concrètement, l'équipe championne de la saison 2021 peut passer son auto en soufflerie 5% de temps de moins que l'écurie suivante au classement, et ainsi de suite par tranche de 5%.

Mick Schumacher au révélateur

Evidemment, Ferrari et Haas refusent l'idée de toute collaboration active et insistent sur le fait que leurs équipes ne sont jamais en contact. Mais au-delà de cette question qu'il faut dépasser, le retour de l'écurie US dans la bagarre pour les gros points (8, ce n'est pas rien) ne s'explique pas uniquement par ce soutien technique accru. Gene Haas a aussi eu le cran de remettre la main à la poche pour compenser le départ d'Uralkali - de nouveaux partenaires vont arriver - , et faire un vrai choix sportif en validant le retour de Kevin Magnussen. Le boss veut rester en Formule 1 plusieurs années et Michael Andretti a formalisé cette résolution en indiquant avoir essuyé plusieurs refus dans sa tentative de rachat.
Aujourd'hui, l'option Kevin Magnussen, signé pour "plusieurs années", est doublement bénéfique car le Danois va obliger Mick Schumacher à sortir de la zone de confort dans laquelle il semble se satisfaire depuis un an. Fini l'ambition de simplement terminer les courses pour gagner de l'expérience. Le fils du septuple champion du monde Michael Schumacher va devoir marquer enfin son premier point en Formule 1, et vite, pour défendre sa place. Qui paraît déjà convoitée pour l'an prochain, vu le nombre de pilotes en fin de contrat.
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