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F1 Classique - Schumacher : "Je ne pensais pas qu'une F1 était si facile à piloter"

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 26/08/2018 à 12:32 GMT+2

GRAND PRIX DE BELGIQUE - 1991 restera une édition particulière. A Spa-Francorchamps, Michael Schumacher fait des débuts époustouflants sur une Jordan et porte un jugement sans précédent sur ses capacités. Une sentence qui annoncera la suite.

Michael Schumacher (Jordan) 1991

Crédit: Eurosport

A l'origine

10 décembre 1990, Hyde Park Corner, Londres. Au volant de son Alfa Romeo, Bertrand Gachot refuse la priorité à Eric Court, un chauffeur de taxi, et au bout d'une discussion envenimée il agresse le conducteur adverse avec une bombe lacrymogène.
15 août 1991, tribunal de Crown Court, Southwark : le Belge écope de 18 mois ferme et devient à la prison de Brixton le matricule 3024 HMP (Her Majesty's Prisoner). Le baquet de la Jordan de Grand Prix n°32 est libre et le Grand Prix de Belgique approche…
Bertrand Gachot (Jordan) - 1991

L'histoire

Eddie Jordan connait Willy Weber depuis que l'homme d'affaire allemand lui a proposé un jour de racheter son écurie de Formule 3000 pour faire rouler son poulain. Au téléphone, l'Irlandais se souvient de son interlocuteur mais il est surpris par le nom du remplaçant suggéré... - "C'est qui Michael Schumacher ?" - "Le gars qui a gagné en F3 à Macao" -"Ah, OK. Tu penses qu'il est rapide ?" -"Oui, sacrément !" -"Il a déjà couru à Spa ?" -"A peu près cent fois !" Willy Weber dit vrai : en Sport Protos, Michael Schumacher est le plus rapide des espoirs du junior team de Mercedes, qui comprend également Heinz-Harald Frentzen, Karl Wendlinger et Fritz Kreutzpointner, et les 730 chevaux du V12 Mercedes de sa Sauber n'ont rien à envier à une Formule 1.
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Michael Schumacher (Mercedes) - 1991

Crédit: Getty Images

Soit. Eddie Jordan est un dénicheur de talent mais là, il est un peu perdu. Il pense à Aguri Suzuki, Derek Warwick, Alessandro Zanardi, Stefan Johansson ou encore à Keke Rosberg, le champion du monde 1982 âgé de 43 ans… Toujours partant pour faire des affaires, un détail cependant ne lui a pas échappé : Mercedes appuie massivement la candidature de Schumi... Eddie Jordan, c'est un géo-trouve-tout qui a transformé 7Up en gros sponsor malgré lui avec une idée de génie : se faire rémunérer au point. Avec une 191 muée par un V8 Cosworth dépassé, un Andrea de Cesaris en fin de carrière et un Bertrand Gachot lauréat des 24 Heures du Mans dans sa première saison complète en F1, il va toucher une somme rondelette. Mais en attendant il faut remplir la caisse.
Obligé de se débrouiller avec un mensonge
Sans réponse, Weber fait son job… "Je l'ai rappelé toutes les heures…", se souvient-il. Pour une fois, c'est Jordan qui craque. Pour un test à 80.000 livres Sterling que Tonton Willy sort de sa poche.
A Silverstone, à deux pas de l'usine Jordan, c'est une surprise mêlée de stupéfaction. "Au deuxième tour, il a balancé la voiture comme s'il l'avait pilotée toute sa vie", rapporte Trevor Foster, le team manager. Après une dizaine de rotations, le meilleur tour jamais accompli par les pilotes titulaires tombe... Le suspense sur l'identité du second titulaire à Spa-Francorchamps prend fin quand Mercedes, Dekra et TicTac se mettent d'accord pour régler les 150.000 livres Sterling demandés.
Tout paraît bien ficelé quand un détail revient à l'esprit de Weber, le jeudi précédent le Grand Prix de Belgique. Michael Schumacher n'a jamais piloté sur le toboggan des Ardennes. "Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?", lui crie dessus l'Irlandais. "Rien. Laisse-le faire", rétorque le barbu roublard.
A Schumi d'improviser, donc… Andrea de Cesaris lui a donné les rapports de boîte à passer dans chaque virage mais la reconnaissance du circuit prévue à bord d'une voiture de location se fera sans l'Italien soudainement "fatigué"... Le coucou à la caméra d'un Schumi souriant enfourchant un VTT devient célèbre et l'on découvre le sérieux de l'espoir de 22 ans. On est en Belgique mais ce n'est pas une raison pour faire le tour une fois. Avec le rookie, c'est double ration.
Michael Schumacher (Jordan) au Grand Prix de Belgique 1991
Prost était lent
Le vendredi et le samedi, l'as de Kerpen attaque son apprentissage pied au plancher, sans sortir du Top 8. En qualification, il n'a pas eu un tour clair mais septième est quand même le nouveau "season best" d'un pilote Jordan. Tout ça avec la voiture de course à l'origine dévolue à Andrea de Cesaris, réfugié dans le mulet. Le Transalpin a répudié sa machine trop imprécise. Schumi a prouvé qu'elle n'avait rien d'un piège. Mais c'est dans un debrief commun que "De Tche" a halluciné. Schumacher dit freiner du pied gauche à fond de 5 dans la descente de Pouhon... Qui d'autre fait ça en Formule 1 ? Pour Schumacher, le sacrifice est un investissement. Il permet de stabiliser la voiture au plan aéro. Ce sera un marqueur de son pilotage.
Pas en reste, l'impétrant s'est aussi payé Alain Prost au passage, dans le bureau des commissaires. Les fédéraux n'ont pas compris sa manœuvre de dépassement en catastrophe (dans l'herbe) sur la Ferrari n°27, à la chicane de l'arrêt d'autobus. L'explication est peu embarrassée : "Prost était lent." Le résumé de ses deux jours de découverte de la Formule 1 ? "Je suis à la limite. Pas au-delà." Ceux qui n'y sont pas sont prévenus : ils devront se ranger.
Et pendant ce temps-là, à Brixton, Gachot se fait démolir le moral. "Ils n'ont plus besoin de toi en Formule 1. L'Allemand, il marche super bien", lui lance son geôlier...
Le dimanche ? Météorique. "Spoon face" vire en cinquième position au n°1 avant de se garer en haut du raidillon d'Eau rouge. L'embrayage deux-disques changé le matin n'a pas résisté au départ. Avec un trois-disques, la 191 aurait encaissé le choc mais le V8 Cosworth excluait cette définition technique.
Ayrton Senna (McLaren), Alain Prost (Ferrari) au Grand Prix de Belgique 1991
"Je suis quand même très surpris de ma performance. Je ne pensais pas qu'une F1 était si facile à piloter", lâche le prodige, d'un naturel déconcertant. "Maintenant que je suis arrivé en Formule 1, ce qui était mon but, je vais tout faire pour y rester."

L'épilogue

Le circuit ardennais deviendra l'un porte-bonheur pour Michael Schumacher, vainqueur pour la première fois en F1 en 1992 - et six fois en tout, et même champion du monde en 2004.
Michael Schumacher (Jordan) au Grand Prix de Belgique 1991
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