Grosjean "face au mur"

Romain Grosjean a malheureusement ajouté Mark Webber et Nico Rosberg à sa liste de victimes directes ou indirectes de l'année, dimanche à Suzuka. Quatrième au départ du Grand Prix du Japon, la 15e des 20 manches du championnat du monde, le Français a vu ressurgir ses vieux démons en mettant la Red Bull de l'Australien à l'équerre dans le virage N.2, et en provoquant un bouchon dont l'Allemand de Mercedes fut la victime définitive.

"Après la sanction de Spa, je fais extrêmement attention", a assuré le pilote de Lotus, sur TF1. Au départ du Grand Prix de Belgique, le 2 septembre dernier, il avait été suspendu une course après avoir éliminé le Britannique Lewis Hamilton (McLaren), l'Espagnol Fernando Alonso (Ferrari) et le Mexicain Sergio Pérez (Sauber) sur une faute d'inattention.

"Il y avait Pérez à ma gauche…", a-t-il repris. "J'ai pris un maximum de sécurité par rapport à lui pour ne pas le toucher. J'étais concentré là-dessus et je n'ai pas vu le différentiel de vitesse avec Webber devant moi. Voilà… On est piégé effectivement par la situation, à ne pas vouloir faire d'erreur, faire trop attention à certaines choses et se faire avoir par d'autres. Oui, comme on dit, c'est une bête erreur de circulation. Elle coûte cher et pique un peu."

Après l'épisode belge, il avait pris en compte les griefs de son directeur, Eric Boullier, exaspéré par ses frasques régulières depuis son retour à la compétition, trois ans après sept Grands Prix plutôt expérimentaux chez Renault. Le pilote avait accepté de recomposer son entourage, remplacer sur les circuits son préparateur physique Jean-Pierre Frizon par deux personnes, Benoît Campargue, ex-responsable de l'équipe de France masculine de judo et à ce titre coach du champion olympique Teddy Riner à Londres, et David Thompson. Le premier à la préparation mentale, le second à la préparation physique. Le nouveau dispositif n'a pour l'heure pas apporté le regain de sérénité escompté dans cette phase de grand stress du départ incriminée par Eric Boullier.

"Nous avons vu à Singapour, lors du retour de Romain, que les autres pilotes lui mettaient la pression au départ", a souligné le manager français d'Enstone. "Ici, c'était un peu mieux, mais il a commis une petite erreur de jugement entre sa vitesse - plus rapide - et celle de Mark. Je pense qu'il a fait des progrès, mais ce nouvel incident est malheureux."

A Singapour, Mark Webber avait promis - en plaisantant à peine - d'aller mettre un direct à Romain Grosjean s'il approchait un peu trop près de sa Red Bull. A l'arrivée, il s'est dirigé au pas de charge vers l'hospitality de Lotus et a passé sa rage sur les cloisons amovibles du bungalow avant de signifier avec force vociférations sa façon de penser au Français en des termes particulièrement copieux. "Je n'ai pas vu ce qui s'est passé au départ mais mon équipe m'a confirmé que c'était de nouveau le dingue du premier tour", a ensuite raconté l'Aussie qualifié 2e et arrivé 9e, ce qui n'a pas du tout fait ses affaires au championnat. "C'est frustrant car on essaie tous d'obtenir des résultats décents, chaque week-end, alors qu'il essaie juste d'arriver le plus vite possible au troisième virage de chaque course."

"Il faut vraiment qu'il se remette en question", a-t-il poursuivi. "C'était complètement de sa faute. Combien d'erreurs faut-il qu'il fasse ? Combien de fois la même erreur ? Autant d'incidents au premier tour, ça devient vraiment embarrassant pour lui, à ce niveau-là..." Et de suggérer qu'une nouvelle suspension aurait été la bienvenue. Le Français a quand même écopé d'un tarif à la carte : un drive through assorti d'un arrêt de dix secondes. Ce qui a fini de compromettre sa course, soldée dans l'anonymat d'un abandon dans l'avant-dernier tour.

Violemment fustigé par Mark Webber, plus amèrement critiqué par Nico Rosberg, l'espoir tricolore s'est platement excusé auprès du pilote RBR pour son "erreur idiote". Puis il a confié sa volonté de penser à autre chose. "Je vais me concentrer sur la Corée, il y a une course dans une semaine", a-t-il dit. "On essaiera de faire une course parfaite là-bas. Ça effacera un petit bout du week-end japonais. C'est sûr que ce n'est pas la course la plus facile de l'année. Il restait six courses, je voulais vraiment, absolument éviter les accidents au premier tour. Du coup, je me fais piéger. Quand on veut absolument éviter quelque chose et qu'on tombe dans le piège, ça fait encore plus mal. Maintenant, je suis face au mur. A moi de trouver la solution pour le grimper."