GP du Qatar - Décalage horaire éprouvant, empreinte carbone aberrante : le calendrier de Formule 1 et son sprint final ridicule

Pendant que Lando Norris, Oscar Piastri et Max Verstappen se disputent le titre pilote, la Formule 1 et tout son paddock viennent de parcourir un peu plus de 40.000 km sur le seul mois de novembre entre les bases européennes des écuries, Sao Paulo, Las Vegas et Doha. Un enchaînement ridicule, coûteux pour les organismes et aberrant écologiquement. Qu'à cela ne tienne, tant que le cirque continue.

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Video credit: Eurosport

À Interlagos, lors du Grand Prix de Sao Paulo début novembre, il était de bon ton de passer voir Sebastian Vettel. Pas pour venir témoigner de son respect envers un quadruple champion du monde, et recueillir quelques conseils au passage. Mais plutôt pour dessiner un joli petit arbre à venir coller sur le grand mur pour la défense de la forêt amazonienne installé par le pilote allemand dans le garage de la FIA. Chacun des 20 pilotes de Formule 1 s'est plié à la tâche sous les objectifs attentifs des caméras de leurs équipes de communications. Un beau geste de la part de la Fédération, plein de belles intentions. Au cœur d'un mois où 40.000 km en avion étaient au programme pour le paddock, avec les dizaines de milliers de tonnes de CO2 qui vont avec.
Un tout petit plus de 40.400 km, pour être précis, pour les sept équipes basées à proximité de Silverstone. Quelques centaines en plus ou en moins pour Sauber, depuis la Suisse, et Ferrari et Racing Bulls, depuis le nord de l'Italie. Après avoir débuté le mois dans leurs usines respectives, les différentes écuries du paddock se sont rendues à Interlagos (env. 9.500 km), avant de revenir au bercail pour un week-end sans GP (env. 9.500 km, une deuxième fois). Puis, elles se sont envolées pour Las Vegas (env. 8.300 km) pour y disputer l'antépénultième Grand Prix de la saison, avant de partir directement pour le Qatar et Doha (env. 13.000 km).
Si nous avons réalisé les mesures au départ de Silverstone, ce n'est pas par hasard. La ville anglaise est l'hôte de l'usine d'Aston Martin F1, écurie du principal détracteur de cet enchaînement dans le paddock : Fernando Alonso. "Pour être honnête, c'est difficile de venir ici avec le décalage horaire et de la distance qui nous sépare de l'Europe et du Brésil, est-il monté au créneau après le GP de Las Vegas dimanche dernier. Nous allons directement au Qatar à présent : 17 heures d'avion et 13 heures de décalage horaire. Je pense qu'aucun autre sport dans le monde n'accepterait ça."
"Pour moi, l'idéal serait d'enchaîner Las Vegas après le Brésil, a-t-il poursuivi. Au moins nous n'aurions pas à retourner en Europe, s'adapter au décalage horaire, puis revenir ici. On aurait ensuite une semaine de battement avant d'enchaîner les deux GP au Moyen-Orient. Quelles seraient les raisons qui empêcheraient de faire ça ?" Au-delà de la question environnementale, le pilote espagnol retient donc surtout la pénibilité pour les pilotes mais aussi pour tous les membres du paddock de Formule 1 qui les suivent lors de chaque déplacement. Et cela se comprend. De ce point de vue aussi, le calendrier du mois de novembre est particulièrement ridicule. D'autant plus lorsqu'il concerne un univers à très haute pression, qui n'a pas besoin de ces interminables voyages pour être particulièrement éreintants pour ses acteurs.
On ne peut pas faire les choses comme ça
La question est donc pourquoi ? Pourquoi Liberty Media et la Formule 1 ont distribué le calendrier de la sorte ? Comment les quatre derniers GP de la saison peuvent-ils se disputer sur trois continents différents ? Concernant Sao Paulo, le Grand Prix doit se tenir en début ou en fin d'année pour des raisons climatiques. Le Brésil étant dans l'hémisphère Sud, les saisons y sont inversées. Il s'est longtemps tenu en mars, avant d'être déplacé à novembre en 2004 et y est resté depuis, étant régulièrement le dernier Grand Prix de la saison jusqu'en 2014. Pour les trois autres, les motivations sont bien différentes. C'est un secret de polichinelle : le Qatar et Abu Dhabi payent pour être placés en fin de saison, quand tout se joue. Selon les estimations, les contrats de ces deux GP seraient parmi les plus lucratifs du calendrier.
Et pour Las Vegas, qui est une 'production' de la Formule 1 elle-même et qui ne paye donc pas de rente, il existe une version officielle, et des suppositions officieuses. L'officielle : "J'ai entendu qu'on venait à Las Vegas maintenant parce que c'était un week-end calme dans l'année pour la ville, s'est ainsi étonné Fernando Alonso. On ne peut pas faire les choses comme ça. Si c'est comme cela, allons à Monaco en février parce que c'est plus calme. Il y a des moments où il faut penser au sport en priorité." L'officieuse : en tant que promoteur, Liberty Media et la F1 ont tout intérêt à placer leur propre GP en fin de saison. Là où, encore une fois, l'enjeu et l'attention sont multipliés.
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Video credit: Eurosport

Qu'à cela ne tienne, donc, pour les organismes de ses acteurs. Et qu'à cela ne tienne, aussi, pour les 40.000 km à parcourir, qu'il faut multiplier par le nombre d'écuries (10), plus la délégation Pirelli – communément appelée la 11e équipe du paddock de par son importance – et celles de la FIA et de Liberty Media à minima. Ce qui nous donne donc un peu plus de 500.000 km au total, plus de douze fois le tour de la terre. En un mois. Tout en répétant à l'envi son ambition de réduire ses émissions de CO2, d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2030 lors des week-ends de course grâce à l'utilisation d'énergies renouvelables et de biocarburants. Ce qui constitue une finalement une poussière. Selon les estimations, les voitures de course en elle-même émettent entre 15 et 20 tonnes de CO2 par week-end, soit entre 360 et 480 tonnes de CO2 par saison. L'équivalent de l'empreinte carbone annuelle d'une quarantaine de Français.
Quand la Formule 1, son circuit et tout son cirque ont déclaré, en 2022, 223.000 tonnes d'émissions carbones. L'équivalent, cette fois, de l'empreinte de 20.000 Français. À tort, les reproches environnementaux faits à la Formule 1 le sont vis-à-vis des monoplaces. Et cela arrange bien son promoteur. Alors on pourrait en coller, des poncifs, à cette situation. Se dire qu'effectivement, le ridicule ne tue pas et que, définitivement, plus c'est gros plus ça passe. On se contentera de partager la belle photo de classe des 20 pilotes de Formule 1 devant le mur aux arbres de Vettel pour se donner bonne conscience cinq minutes. Avant de retourner à la bataille pour le titre entre Norris, Piastri et Verstappen. Le cirque peut continuer en paix.
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