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Bourdais, l'incompris

Eurosport
ParEurosport

Publié 17/07/2009 à 10:45 GMT+2

Arrivé en 2008, Sébastien Bourdais s'est vite retrouvé en porte-à-faux chez Toro Rosso, qui vient de le remercier après 27 Grands Prix. Dans différents aspects de leur collaboration, le compte n'y était pas. Depuis un bon moment.

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Crédit: Eurosport

Excédé par la rumeur, le week-end dernier à Nüburg, Sébastien Bourdais s'était placé sur le plan juridique. "J'ai un contrat pour toute la saison et j'ai bien l'intention de l'honorer. Point barre", assenait-il, conseillé par son manager Nicolas Todt. Sans critiquer le moins du monde le fonctionnement de son équipe, afin de remplir professionnellement ses devoirs écrits et donner à chercher ailleurs un motif de licenciement.
Dans son langage cadenassé, Nicolas Todt admettait le point de non retour et l'imminence des pourparlers. Avec deux buts en filigrane : obtenir le paiement du salaire annuel promis à son poulain et négocier une indemnisation pour atteinte à l'image d'un pilote brutalement renié. Le fils de Jean Todt, par ailleurs P-DG de l'équipe ART (F3 et GP2) et manager de Felipe Massa (Ferrari) et Jules Bianchi (ART F3), n'y est visiblement pas parvenu. "Je suis déçu et choqué par la décision qu'a prise la Scuderia Toro Rosso de ne plus m'autoriser à piloter pour elle jusqu'à la fin de la saison" , a réagi le pilote français, dans un communiqué. "J'estime qu'en opérant ce choix, l'équipe n'a pas respecté ses obligations contractuelles envers moi". Estimant qu'il y avait "une violation évidente des obligations de la Scuderia Toro Rosso selon le contrat en place", il a demandé à ses avocats "d'étudier la situation, y compris la possibilité d'engager une action en justice".
L'échec à parvenir à une "solution intelligente" comme l'appelait de ses voeux Nicolas Todt -désormais apparemment hors jeu sur le dossier-, traduit une situation dégradée. En fait, le courant ne passait plus depuis des mois entre le natif du Mans et le staff de Faenza. Parce que, tout d'abord, un pilote obtient la reconnaissance par les résultats, et Sébastien Bourdais en a presque toujours manqué. Passé l'exploit de sa 7e place lors de son premier Grand Prix, en Australie en 2008, impossible à apprécier car la 4e place devait lui revenir, le quadruple champion de Champcar a entamé une lente descente dans les abîmes de la frustration. Dès son deuxième Grand Prix, en Malaisie, il perd le contrôle de sa machine au départ. Il met en cause les réactions intempestives du train arrière de STR au freinage, qui n'affecte pourtant pas son coéquipier Sebastien Vettel. Visiblement, le pilote se fait mal à la nouvelle gestion électronique, désormais standard. Rien à voir avec la galère vécue la saison précédente par Robert Kubica chez BMW.
"C'était un vrai désastre pour moi"
Et puis, survient l'épisode de la destruction de la nouvelle Toro Rosso STR3 dans un mur à 150 km/h, lors du premier roulage, le 16 avril à Montmelo. Un tel événement n'est jamais bien vécu par les mécanos et ingénieurs, sauf si la responsabilité du pilote est totalement écartée. Ça ne semble malheureusement pas complètement le cas... L'histoire de la Formule 1 regorge d'exemples de relation pilote/équipe anéantie de la sorte. En 1986, Keke Rosberg avait fait le malin et un peu plus d'un tour avec le proto McLaren, à Rio de Janeiro. Au lieu d'impressionner, l'effronté finlandais, fraîchement recruté, avait stoppé net la campagne d'essais de l'écurie dans un immense fracas. Marginalisé, il avait réclamé toute la saison de changer cette MP4 sous-vireuse qu'il ne supportait pas. Prost l'adorait et que croyez-vous que l'équipe ait fait ? Sébastien Bourdais ne fut pas isolé après l'énorme couac barcelonais mais les dommages collatéraux étaient tels qu'il a présenté ses excuses à l'équipe.
Malheureusement, on n'en reste pas là. Car aligner deux bolides flambants neufs au GP d'Espagne, dix jours plus tard, devient impossible. Pas plus qu'en Turquie, où "Seb" ne relève pas sa cote en calant sa machine dans les graviers, façon Malaisie. Une mystérieuse casse de la suspension arrière est évoquée mais jamais confirmée. A ce stade de la saison, il affiche deux points au championnat et toujours quelques gémissements, contre aucun à Vettel. A Monaco, il se réjouit d'avoir enfin la STR3 mais prévient qu'il ne se lâchera pas à cause de la pénurie de pièces de rechange. Vettel ne se pose pas de question et fait un sensationnel 4e le dimanche, que le Français termine dans un rail. Et à Montréal, le fossé se creuse véritablement : le bitume canadien part en morceaux mais Vettel se délecte de l'entreprise de survie quand Bourdais tétanise. "C'était un vrai désastre pour moi donc j'ai laissé tomber l'éventualité de rouler vite, j'ai juste essayé de ramener la voiture à bon port... et même ça, c'était un challenge. Ça a été la pire course de ma vie, le pire week-end de ma carrière" , confie le Français. Franz Tost, le directeur sportif, n'apprécie pas du tout ce langage de convoyeur.
A partir de cet instant, l'équipe distingue deux comportements opposés. Vettel "dégoupille", prend des risques sans arrêt alors que Bourdais ressasse son passif, craint la faute de trop. C'est plus criant que jamais à Spa, quand l'Allemand le gobe dans le dernier tour, à pneus égaux sous l'averse. Il passe 5e pendant que le Français dégringole de 3e à 7e. "C'est horrible ce genre de situation : si tu es libéré, tu as le droit d'y aller, tu as le droit de faire la faute parce que ta place est assurée pour la saison prochaine", se défend-t-il, presque en larmes. Monza suit et aggrave le contraste et la frustration. Vettel part de la pole et gagne, Bourdais ne décolle pas de sa 4e place sur la grille. Encore une fois, tous les pilotes disposent de la même électronique mais n'ont visiblement pas tous l'esprit libéré au moment crucial.
"On peut se demander ce que vaut ce Buemi"
La saison s'achève et Vettel a rentré 35 des 39 points de Toro Rosso, 6e et mieux classé que Red Bull au Mondial Constructeurs. Mais Vettel est un phénomène qui n'a eu besoin que de six mois en World Series by Renault pour faire la transition F3-F1 quand Bourdais a passé huit ans. Mais Vettel est un phénomène, on le répète, et c'est pour ça que Toro Rosso se refuse à condamner le Tricolore. Néanmoins, son baquet est mis aux enchères. Mais heureusement, personne n'est capable d'apporter les trois millions d'euros qui suffiraient à lever le baquet. Et pour emporter la décision, Nicolas Todt déploie des trésors de diplomatie, expliquant que son poulain communiquera de façon plus lisse en 2009. Et augmentera son quota de points.
Avec Sébastien Buemi, son équipier 2009 promet d'être moins encombrant. "Si on regarde mon passé récent, on peut se demander ce que vaut ce Buemi. 2e du GP2 Asie, 6e du GP2 Europe... pas de quoi casser la baraque", avouait d'ailleurs le Suisse dans les colonnes d'Auto-Hebdo, le 13 mai dernier. Pourtant, l'Helvète s'avère un rival bien plus dangereux que prévu, à commencer par les qualifications qu'il boucle régulièrement mieux placé (7 fois sur 9). A ce rythme, la situation de l'héxagonal devient critique. Et si ses réglages n'étaient pas compatibles avec ceux de Vettel en 2008, ils le sont cette année avec Buemi. Pire, l'équipe le juge dans l'impasse technique et le pousse à expérimenter plusieurs fois le set-up helvétique, avec peu de succès. S'il sort ou casse moins que lors de son année d'apprentissage, des résultats ternes et la perte de l'indépendance technique finissent de convaincre l'équipe de se séparer de lui.
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