La Mercedes W15 devenue une "chose" : Lewis Hamilton est déjà à bout

A Melbourne, Lewis Hamilton avait vite tourné le dos à sa W15, sans même la force de s'intéresser poliment au travail des commissaires rangeant en lieu sûr sa monoplace au moteur explosé. L'image furtive, en plein Grand Prix d'Australie secoué par l'abandon de Max Verstappen, était passée un peu inaperçue mais elle avait parlé d'elle-même. Elle était un acompte dans un début de saison désenchanté.

Le week-end dernier, à Shanghai, le Britannique a formalisé plus clairement la distance qu'il prend désormais avec une machine manifestement incorrigible, dont il se sent par moments un passager, presque un otage. Elle doit l'aider à conclure dans les formes ses années chez Mercedes mais il a montré en Chine jusqu'à quel point il s'éloigne malheureusement de cet objectif. Qualifié deuxième du sprint chinois vendredi après-midi sous une pluie providentielle, il n'a en effet pas tardé à signifier le samedi matin, lors de la mini-course, tout le scepticisme que sa machine lui inspirait. "Cette chose ne va pas tourner dans les virages lents !", a-t-il lancé sur un ton sec à son ingénieur de course Peter Bonington, au 8e des 19 tours. A cet instant, il était en tête, mais il sentait que ça allait déjà trop mal pour lui. Et trop vite derrière. Un blocage de roue a effectivement suffi à l'écarter de la bonne trajectoire et faire surgir Max Verstappen (Red Bull) dans ses rétroviseurs. Et devant au passage suivant.

Il avait déjà utilisé ce mot si réducteur, probablement blessant pour les employés de Brackey et Brixworth. "J'ai hâte de ne plus piloter cette chose", avait-t-il déjà pesté en 2022 et en 2023, à propos des W13 et W14, effectivement ratées. En 2017, l'Anglais avait eu plus d'égard pour sa W08, taxée de "diva", comme l'appelait aussi le patron, Toto Wolff. Le Flèche d'argent était une star capricieuse abonnée au podium. Rien à voir avec la version de 2024 même pas éligible pour un top 4 sur les cinq premières manches de la saison ; du jamais-vu depuis 2011.

Samedi matin, Lewis Hamilton a donc sorti la sulfateuse, dès la 5e manche du championnat. Un timing qui en dit long sur son ras-le-bol de deux ans sans victoire, et son impuissance à changer une situation qui va de toute façon lui échapper de plus en plus. "Thing" témoignait une lassitude. Il précédait aussi une fuite en avant désespérée, et finalement une rechute. Une 18e place le guettait en qualification à cause d'un sous-virage "jamais vu dans sa vie". "Je tournais à faible vitesse et j'attendais, j'attendais, j'attendais…", a-t-il dit. Puis, le dimanche, il s'est battu avec… Nico Hülkenberg (Haas) pour sa troisième P9 de la saison. "Cette voiture est tellement lente !", a-t-il soupiré à un moment derrière Esteban Ocon, dont il était incapable de rattraper l'Alpine. Une petite punchline qui en appelle visiblement d'autres…

Toutefois, ce n'était pas entièrement de la faute de son équipe. "J'ai fait un mauvais changement de réglages samedi (après le sprint) et j'en ai payé le prix. Il faut que je m'assure de ne pas refaire ça à l'avenir", a-t-il reconnu. "La voiture fonctionne dans une petite fenêtre, et j'ai pensé que c'était la bonne chose à faire."