Le pilote attendu au tournant : Stoffel Vandoorne ou la nécessité de stopper l'hémorragie

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 30/06/2018 à 14:07 GMT+2

GRAND PRIX D'AUTRICHE - Stoffel Vandoorne n'a pas épuisé la patience de ses dirigeants chez McLaren mais chaque Grand Prix qui passe l'exclut un peu plus d'une caste des futurs grands. Systématiquement battu aux essais par Fernando Alonso, le jeune Belge doit vite produire une performance hors normes pour s'inventer un avenir.

Stoffel Vandoorne (McLaren) au Grand Prix de Chine 2018

Crédit: McLaren

La Belgique attendra. Stoffel Vandoorne ne fait pas encore figure de successeur de Jacky Ickx et autre Thierry Boutsen, seuls vainqueurs en Formule 1 - onze fois à eux deux - outre-Quiévrain. Le pilote de Courtrai est en fin de contrat chez McLaren et il n'est sûrement pas en position de force pour négocier quoi que ce soit en vue de 2019.
Le résultat saillant n'arrive pas, pourtant il n'a jamais été avare d'efforts. Vice-champion du monde de GP2 en 2014, il a sans broncher repiqué en 2015 à la demande de son employeur McLaren pour faire un beau champion. Sans pouvoir encore se glisser dans le baquet d'un Jenson Button embourgeoisé et pas tout à fait usé, il s'est exilé au Japon en Super Formula avec la bénédiction de Honda. Sans parvenir à éviter - c'était sa mission en filigrane - le couronnement d'un pilote Toyota. Quatrième "seulement" de la série, il en a profité pour faire des débuts remarqués au Grand Prix de Bahreïn à la place d'un Fernando Alonso blessé. Une heureuse diversion, une 10e place saluée comme un exploit par McLaren, qui voulait qu'elle signifie tellement. Pourtant, la liste des pilotes "dans les points" pour leur premier Grand Prix est là pour en rappeler l'aspect le plus dérisoire.
2017 lui a enfin offert un temps plein, lors de la dernière année avec le moteur Honda. Pour des prestations en conséquence indéchiffrables. On était impatient de le voir délesté d'une montagne de pénalités "moteur" sur la grille mais 2018 n'a pas levé le mystère sur ses performances. Ou son absence de performances.
Stoffel Vandoorne (McLaren) au Grand Prix d'Autriche 2018

"Aucun pilote ne s'est jamais remis d'une stat aussi cinglante"

Nous y arrivons. Stoffel Vandoorne n'a jamais battu son leader Fernando Alonso en qualification cette saison. Zéro à huit, un véritable fardeau qu'à part lui personne ne porte dans la pitlane. Chez Ferrari, Kimi Räikkönen s'est fait cogner sept fois sur huit en qualification par Sebastian Vettel mais ça ne fait pas de lui un loser car on sait pourquoi il est là : arranger au maximum les plans de course de son leader et apporter le complément au championnat du monde des constructeurs. Malheureusement, le Belge est loin de pouvoir faire ça chez McLaren aujourd'hui. Etre ce que Berger était pour Senna, Patrese pour Mansell, Coulthard pour Häkkinen, Fisichella ou Massa pour Alonso, Barrichello pour Schumacher.
On est bien d'accord, Stoffel Vandoorne n'est pas un mauvais pilote mais les difficultés d'un pilote de notoriété ne font en rien avancer sa cause, ni ne le console. L'espoir de Woking a un esprit volontaire, il est reconnu bosseur, il s'est débarrassé du pilotage typé GP2 que dénonçaient ses patrons en 2017, mais vivre un tel affront statistique à 25 ans n'augure rien de bon.
C'est encourageant, son principal but fait partie de la solution : il doit battre les champions actuels pour nourrir des ambitions. Sous-entendu, ça commence par Alonso. De toute façon, impossible de faire autrement : l'Espagnol a servi de valeur étalon pour situer Lewis Hamilton en 2007 chez McLaren. Le matcher, ce serait entrer directement dans la catégorie des plus grands espoirs. Avec pour lui un avantage que l'Anglais n'avait pas : "Nando" était sans doute plus saignant sur un tour qu'aujourd'hui. Bref, c'est devenu une urgence et il le sait. Car aucun pilote ne s'est jamais remis d'une stat aussi cinglante.
Stoffel Vandoorne (McLaren) au Grand Prix d'Autriche 2018

Un destin à la Glock, Hülkenberg, Maldonado ou Grosjean…

"Pour moi, ce n'est pas plus compliqué que prévu pour Stoffel", a déclaré Toto Wolff, le directeur de la Compétition chez Mercedes, au micro de la RTBF, au dernier Grand Prix de Monaco. "C'est l'un des pilotes du plateau qui a le plus grand talent. Il a explosé tout le monde en GP2 et, quand il est entré en F1, beaucoup ont dit qu'il serait le futur Senna." Le problème est que le paddock a vu passer beaucoup de futurs Senna, et que des pilotes comme Timo Glock, Nico Hülkenberg, Pastor Maldonado ou Romain Grosjean ont eux aussi explosé tout le monde en GP2.
Malheureusement, une ou deux courses bien ficelées n'ont pas non plus caché la misère comme elles ont pu le faire pour un Sergio Pérez laminé cette saison par Esteban Ocon chez Force India. Le Mexicain n'existe plus face au Français en termes de chrono mais il reste bien devant au championnat (17 points à 11) par la grâce d'un podium providentiel à Bakou. A huit points pour #SV2 contre 32 au double champion du monde, qui se permet de se distraire aux 24 Heures du Mans, le contraste est même violent. Et le constat inquiétant quand on réalise que seuls Marcus Ericsson (Sauber) a scoré pour la dernière fois avant lui au Mondial, hormis évidemment Lance Stroll (Williams) et Romain Grosjean (Haas).
Dans tout ça, les rumeurs n'ont rien de bon sur le seul baromètre fiable de la Formule 1, celui du marché des transferts. McLaren n'attend qu'un titre de Lando Norris en Formule 2 pour lancer sa nouvelle pépite dans le grand bain, et l'échec des négociations avec Daniel Ricciardo (Red Bull) n'a fait qu'ouvrir la piste Kimi Räikkönen (Ferrari), qui aurait déjà perdu sa place au profit de Charles Leclerc (Sauber).
C'est une certitude, Stoffel Vandoorne n'a plus beaucoup de temps pour éviter un destin à la Heikki Kovalainen, Sergio Pérez ou Kevin Magnussen chez McLaren.
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