Les dieux du stade

D'un strict point de vue comptable, le nageur de Baltimore est l'homme incontournable de ces Jeux d'Athènes. Huit médailles, dont cinq en or, c'est tout simplement du jamais-vu. Certes, le gymnaste soviétique Alexander Dityatin avait lui aussi glané huit médailles lors d'une même édition. Mais c'était en 1980, à Moscou, et le boycott américain avait facilité sa tâche.

Phelps n'a pu égaler le record des sept médailles d'or de Mark Spitz, mais à seulement 19 ans, il appartient déjà à l'histoire de la natation mondiale. Volant la vedette à Pieter Van den Hoogenband et surtout Ian Thorpe, qui l'ont pourtant dominé sur 200m, l'Américain s'est imposé comme l'homme incontournable des bassins, tout en gardant une décontraction et une simplicité rassurantes. Déjà une star.

L'enfant de Berkane s'est débarrassé de son étiquette de maudit de l'Olympe, et de quelle manière ! Sa victoire sur 1500m a effacé les échecs d'Atlanta et de Sydney. Elle a surtout offert au public athénien l'un des moments les plus intenses et les plus émouvants de la quinzaine. Son duel dantesque face à Bernard Lagat, cette dernière ligne droite à couper le souffle, tout y était.

Libéré par ce triomphe, le Marocain a ensuite réglé leur compte à Kipchoge et Bekele sur 5000m. Au contraire du 1500, où Lagat l'a menacé jusqu'au bout, Hicham a semblé presque facile sur le 5000, qui n'est pourtant pas sa distance naturelle. Avec son palmarès incomparable et sa personnalité attachante, El Guerrouj tient aujourd'hui sa place aux côtés des plus grands, dont Paavo Nurmi, dernier miler à avoir accompli le doublé 1500-5000 au Jeux.

Ils sont fous ces Chiliens ! Trois médailles à Athènes, toutes en tennis, grâce à deux hommes: Fernando Gonzalez et surtout Nicolas Massu. Les deux compères ont d'abord décroché l'or en double face aux Allemands Schuettler et Kiefer, au terme d'une rencontre hallucinante, qui s'est achevée à 2h30 du matin, le tout après avoir sauvé quatre balles de set.

Après l'effort, le réconfort pour Gonzalez, qui avait déjà le bronze en poche en simples. Mais pour Massu, après cette folle soirée, il fallait encore revenir sur le court le lendemain après-midi pour disputer la finale du simple messieurs. Pas avare de ses efforts, et jamais à court de jambes, il allait crucifier l'Américain Mardy Fish en... cinq sets ! Oui, il est vraiment fou ce Chilien.

Un terrible coup de jeune a soufflé sur le vélodrome d'Athènes. Terrible, car il a poussé vers la sortie, et sans titre olympique individuel, un grand champion comme Laurent Gané. La nouvelle génération a clairement pris le pouvoir en Grèce, à l'image du phénomène Ryan Bayley. Intouchable dès les qualifications, l'Australien a décroché le titre en vitesse. Seul le Néerlandais Theo Bos, 21 ans comme lui et champion du monde en titre, a su le menacer en finale avant de céder.

Ce premier tour de force en appelait un autre, et Bayley a ensuite survolé le keirin pour s'offrir sa deuxième médaille d'or. Véritable force de la nature, il semble appelé à régner sur le sprint pour quelques années, à l'image d'un Florian Rousseau, qui avait provoqué pareil tremblement de terre à son arrivée sur le circuit, il y a maintenant plus de dix ans...

Très grande dame d'une immense finale qui restera dans les annales, Katrine Fruelund a fait plier les Coréennes pour permettre au Danemark de remporter son troisième titre olympique consécutif, son deuxième à titre personnel. A elle seule, la coéquipière de Valérie Nicolas à Viborg a inscrit 15 buts, dont celui de l'égalisation à moins de dix secondes de la dernière prolongation. Fruelund a été sacrée en toute logique meilleure joueuse du tournoi.