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Kelvin Kiptum, vainqueur du marathon de Londres avec le deuxième chrono de l'histoire : "C'est l'OVNI qui fait parler"

Cyril Morin

Mis à jour 08/10/2023 à 20:21 GMT+2

Vainqueur du marathon de Londres dimanche en 2h1'25'', Kelvin Kiptum a signé le deuxième meilleur chrono de l'histoire derrière les 2h1'9"" d'Eliud Kipchoge. Le Kényan de 23 ans, encore inconnu du grand public mais même des initiés voilà deux ans, est un "OVNI" dont la limite est encore incertaine. Sera-t-il le premier à descendre sous la barre des 2h ? Le mystère est épais.

La deuxième chrono de l'histoire : Kiptum supersonique à Londres

Le petit monde du marathon a eu la même réaction dimanche au moment de recevoir la notification. Que Kelvin Kiptum ait remporté le marathon de Londres ne méritait pas forcément les gros titres. Qu'il le fasse en 2h1'25" sous un temps frais avec une pluie fine, en ratant en plus l'un des derniers virages, était une toute autre histoire. Au moment de franchir la ligne, le Kényan est devenu le deuxième meilleur performeur de l'histoire sur marathon, échouant à seize secondes du record d'Eliud Kipchoge. Il l'a surtout fait pour sa deuxième tentative sur la distance. Alors, forcément, les téléphones ont chauffé.
"Je suis tombé sur les fesses", se marre Jean-Claude Vollmer, entraîneur et responsable du haut-niveau à l'INSEP. "J'ai été choqué par le chrono et encore plus en analysant les temps de passage, explique de son côté le marathonien Yohan Durand. C'est simplement extraordinaire". Extraordinaire, c'est le mot. Son deuxième semi, bouclé en 59'45" est inédit dans le monde du marathon et c'est donc les calculettes et les livres d'histoire qu'il a fallu ressortir pour comprendre la sidération.
C'est une bombe qui explose à la face du monde
"La manière dont il a couru, avec un négative split d'un tel niveau, c'est vraiment incroyable, continue Jean-Claude Vollmer. 59'45 sur la deuxième partie de course, quand on sait que Gressier a fait ce temps à Paris mais sur un semi unique, c'est énorme".
C'est surtout après son accélération, au 30e km, là où la concurrence n'a pas réussi à le suivre, que Kiptum a été sublime. "Du 30e au 40e kilomètres, il fait 27'50, constate Durand. Il faut savoir qu'il n'y a que quatre Français dans l'histoire qui ont réussi ce chrono sur un 10km normal… Lui, il le fait en ayant 30 kilomètres dans les jambes". Une accélération d'autant plus dingue que son meilleur temps sur 10km était de… 28'17, réalisé en 2019 à Ultrecht.
Les temps de passage Kiptum à Londres
DistanceTemps
10 km 29'12
20 km 58'31
Semi-marathon 1h01'40"
30 km 1h27'23"
40km 1h55'13"
Marathon2h01'25"
Mais d'où vient-il ? C'est toute la question. Son premier coup d'éclat, c'est à Valence qu'il l'avait signé en décembre dernier avec un chrono en 2h01'53" qui le plaçait déjà comme le troisième performeur de l'histoire sur sa première tentative sur la distance. Avant cela ? Pas grand-chose à se mettre sous la dent.
"En 2018, il a fait 1h02 au semi-marathon à Nairobi, ça aurait dû nous mettre la puce à l'oreille, estime Vollmer. C'est à 2000m d'altitude, OK. Mais ce n'est pas une référence, il y a beaucoup d'autres qui l'ont fait avant lui. Derrière, ses trois années sont très acceptables mais il ne sortait pas du lot. C'est une bombe qui explose à la face du monde". "Avant Valence, je ne le connaissais pas, avoue aussi Durand. Des Kényans qui courent en 59 minutes au semi, y'en a une bonne vingtaine. Maintenant, c'est l'OVNI qui fait parler. C'est un vrai outsider à Kipchoge même si j'attends encore de le voir en grande compétition, sans lièvre".

Un combat avec Kipchoge à venir ?

L'OVNI en question n'avait visiblement pas prévu d'être le principal sujet de discussions des mois à venir. Après sa démonstration londonienne, c'est timidement qu'il avait avoué que rien ne s'était vraiment déroulé comme prévu. "Le plan initial était d'essayer de courir en 2h2'ou 2h3', rembobinait-il. […] Je ne pensais pas au record du monde. Maintenant, je vais rentrer chez moi, me reposer un peu et parler avec mon équipe. Peut-être qu'on va évoquer le record du monde désormais". Il peut tant les seize secondes qui le séparent du record de Kipchoge peuvent se combler à la faveur de scénarios de course plus favorables.
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Kelvin Kiptum

Crédit: Eurosport

"A Valence ou à Londres, quand il part au 30e, il part tout seul et finit en solo finalement. Pour qu'il fasse un meilleur chrono, il faut qu'il ait du monde avec lui. Donc pourquoi ne pas imaginer un match avec Eliud Kipchoge ? S'il est un peu à la bagarre, on peut atteindre le record du monde, surtout sur des marathons plus roulants comme Berlin", estime Durand. Le recordman du monde était d'ailleurs présent à Londres pour donner le départ de la course, quelques jours après sa déconvenue à Boston.
Forcément, la perspective de voir Kiptum s'aligner aux Mondiaux de Budapest cet été (à suivre sur Eurosport) est alléchante. Mais peut-être utopique. "La question sera de savoir s'il va privilégier les gros marathons, comme Berlin, où il peut gagner beaucoup d'argent et de gros contrats à la clé ou les gros championnats où, même avec une médaille, il s'y retrouve moins financièrement", avance encore le marathonien français. Les chiffres lui donnent raison : à Boston, c'est près de 136 000 euros qu'a empoché Evans Chebet pour sa victoire. A Eugene, pour sa victoire aux Mondiaux, Tamirat Tola avait gagné presque moitié moins (environ 70 000 euros).

Une météorite ou le futur du marathon ?

Les sponsors, justement, il en fut question aussi dimanche. Pourtant égérie de la marque chinoise Qiaodan, qui lui avait fait signer un contrat après Valence, Kiptum a couru avec des Nike au pied. Pas un hasard tant l'apport de ces dernières est un secret de Polichinelle dans le milieu. "Pour moi, les chaussures carbone font gagner trois secondes au kilomètre comparées aux anciennes générations de chaussures. Donc sur un marathon, ça fait deux minutes", calcule Durand. "Ses chaussures et ce contrat, c'est un mystère supplémentaire. Voilà, en fait, ce garçon, c'est un mystère", finit par concéder Vollmer.
Les deux hommes le disent sans détour, il fut beaucoup question de Kiptum ces derniers jours dans les échanges entre initiés. "Dans le milieu, on s'interroge, forcément, conclut le responsable du haut-niveau à l'INSEP. Il ne vient pas de nulle part mais il a une trajectoire unique dans le microcosme. Faire une transition aussi exceptionnelle sur marathon, c'est du jamais vu encore. Il faut toujours un temps d'adaptation normalement. Kipchoge avait commencé à 2h04 et avait mis cinq, six ans avant d'arriver à ce type de chronos. On a déjà eu des météorites, comme Geremew par exemple, qui ont fait 2h2'40" la deuxième année avant de disparaître. Ces météorites ont une durée de vie moins longue que ceux qui y arrivent progressivement. C'est peut-être ce qui attend ce jeune homme. Il n'était pas sur les listes de l'unité d'intégrité donc il n'avait pas de passeport sanguin jusque-là. On sait très peu de choses sur lui. Il n'a pas d'entraîneur identifié, un manager qu'on connait un peu mais bon… C'est plus qu'une surprise et il y a beaucoup de questions encore en suspens."
Kelvin Kiptum lors de son arrivée au marathon de Londres
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