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Benoît Saint Denis et les secrets d’une ascension express à l’UFC

Yohann Le Coz

Mis à jour 08/03/2024 à 20:00 GMT+1

Benoît Saint Denis n’aura attendu qu’un an et demi entre sa première victoire à l’UFC et l’obtention d’un combat contre une des plus grosses stars du MMA mondial en la personne de Dustin Poirier, dans la nuit du 9 au 10 mars à Miami. Au-delà du sportif, derrière ce succès fulgurant se cache un management intelligent et un poil de réussite. Récit d’une ascension dans l’œil de son manager.

Benoit Saint Denis, le combattant français de l'UFC

Crédit: Getty Images

Pour être un bon combattant de MMA, il est nécessaire de performer dans de multiples domaines. Benoît Saint Denis, lui, excelle particulièrement dans l’un d’eux : la confrontation. Et la plus importante de sa carrière est devant lui. Dans la nuit du 9 au 10 mars, à Miami, le combattant fera face à Dustin Poirier. Si ce nom ne vous dit rien, il est celui qui a battu deux fois Conor McGregor et quasiment envoyé ce dernier à la retraite.
En somme, Poirier est une véritable star du MMA, quand le Français de 28 ans ne revêt, aux yeux du grand public, que la cape du loup affamé, qui grimpe les échelons à vitesse grand V. Effectivement, Saint Denis n’a que sept ans d’entraînement au MMA dans les pattes. Imaginez qu’un joueur de football joue un quart de finale de Ligue des champions après avoir tapé son premier ballon une fois la vingtaine passée.
Obtenir un tel combat, un an et demi seulement après une première victoire à l’UFC nécessite un travail de management réfléchi. Dès ses premiers pas dans la cage en professionnel en 2019, "God of war" s’est engagé auprès de la Bulgarian Top Team (BTT), un des fleurons français du management de combattants de MMA. Giom Peltier, à la tête de l’entreprise, se souvient des prémices de la belle histoire. En 2016, Daniel Woirin, coach de MMA et ami du manager, lui signale un athlète hors normes repéré lors de détections. Reste qu’à ce moment précis, aux yeux du patron de la BTT, "c’était juste un bon amateur à qui j’ai donné sa chance".

Faire du combattant un véritable professionnel

Après deux premières apparitions pliées avant la limite, Giom Peltier réalise qu’il tient probablement une pépite. Nous sommes en 2019, Saint Denis a 23 ans et montre déjà de belles choses dans la cage. À partir de là, il faut réfléchir à construire une carrière. "Sur le troisième adversaire, je suis redescendu d’un cran pour le protéger et Benoit lui a marché dessus", se remémore le manager. Un autre combat abordable pour faire passer son palmarès à quatre victoires et zéro défaite et voilà venue l’heure de passer un cap.
Pour ce faire, deux éléments essentiels : "Plus de lumière pour commencer à commercialiser le combattant et surtout pour qu’il soit payé correctement, détaille Giom Peltier. Faire en sorte que le MMA soit sa seule source de revenus". À cette époque, l’homme de l’ombre gère une grosse dizaine de combattants au Brave, une organisation reconnue qui organise des combats à travers le monde. En somme, il chuchote à l’oreille des "matchmakers" et bénéficie d’opportunités pour choisir les adversaires au sein d’une ligue beaucoup plus compétitive.
Les victoires s’enchaînent au Brave, la mayonnaise commence à prendre. Mais l’équipe a beau toquer à la porte, l’UFC reste fermé. Graal pour presque tous les combattants de MMA, la ligue américaine a déjà des rangs bien garnis par de nombreux bagarreurs d’élite. Alors, il faut ruser.

Le mur de l’UFC

"Il faut se tenir au courant des infos quand un combattant se blesse juste avant son combat pour proposer ton gars en remplacement", révèle Giom Peltier. En octobre 2021, bingo : l’adversaire d’Elizeu Zaleski est forfait à trois semaines de l’échéance et personne ne se propose pour le remplacer au pied levé. Benoît Saint Denis, qui n’a jamais refusé un adversaire, prend le pari.
Après une préparation très courte pour un duel dans une catégorie de poids qui n’est plus la sienne, le natif de Nîmes encaisse la première défaite de sa carrière au terme d’un combat spectaculaire et ultraviolent. Si bien que l’arbitre qui officiait dans la cage a été suspendu par l’UFC pour ne pas avoir arrêté les débats. La passe d’armes est disponible sur Youtube, âmes sensibles, s’abstenir.
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Benoît Saint-Denis met Matt Frevola à terre sous les yeux du public du Madison Square Garden

Crédit: Getty Images

Des regrets dans le clan Saint-Denis ? Sûrement pas. "Je voyais ça comme un très gros risque, se remémore Giom Peltier. Mais imaginons qu’on n’ait pas l’opportunité plus tard. On reste au Brave, où tu n’es pas à l’abri de prendre un mauvais coup ou te blesser en combat et perdre. Et si ça arrive, il faut repartir sur une série de deux, trois ans de bons résultats pour proposer ton combattant à l’UFC". Il reste trois combats sur le contrat du Français, il faut briller désormais.
Après ce premier revers, plus le droit à l’erreur. Il arrive que l’UFC licencie des combattants fraîchement signés après deux défaites consécutives. Le choix des adversaires devient crucial. Heureusement pour le Français, tout se goupille bien. Les "matchmakers" de l’organisation ne proposent que des noms abordables, idéal pour se relancer. D’abord l’Allemand Niklas Stolze en juin 2022 puis le Brésilien Miranda lors du premier UFC Paris en septembre. Deux victoires éclatantes, presque trop faciles pour "God of war".
Un joli rebond bienvenu. Surtout qu’à ce stade, le risque d’affronter une pointure aurait été soupesé par deux fois. "La possibilité, c’est refuser un combat qui te paraît trop chaud ou déclarer une blessure qui n’existe pas, ça se fait pour esquiver, confesse Giom Peltier. Si on m’avait proposé un crack, j’aurais peut-être joué le vice…".

Le Frenchie s’est fait un nom

Difficile de trouver des adversaires désormais. Il est encore trop tôt pour prétendre aller chercher des pointures de la catégorie des poids légers. Et les combattants qui se trouvent entre deux eaux, comme Saint Denis, commencent à le craindre. La situation se débloque lorsque l’équipe de management propose à l’UFC un affrontement avec Ismael Bonfim. Une étoile montante brésilienne du MMA. Un choix judicieux puisque le camp adverse "accepte en moins de 24h", détaille Peltier, à l’origine de la bonne idée.
Lors de l’officialisation, les observateurs pensent la marche trop haute pour l’ex-militaire. Beaucoup critiquent même la BTT pour son choix de management et voient le rendez-vous comme de la mise à disposition de chair à canon pour l’ascension du jeune brésilien. Giom Peltier était en première ligne : "Je me suis fait chier dessus par 75% des observateurs français du MMA". La victoire au premier round n’en est que plus éclatante.
Benoît Saint Denis est désormais légitime pour demander plus gros. D’abord avec Thiago Moises dans le Top 20 de sa catégorie, qu’il termine dans la deuxième reprise sous les hourras du public parisien en septembre 2023. Puis dans le Top 15, avec Matt Frevola, mis K-O sur un high kick dans le premier round devant un Madison Square Garden médusé.
Cinq victoires spectaculaires d’affilée, toutes avant la limite, il faut désormais viser les étoiles. Chez les poids légers de l’UFC, on parle plutôt de météorites. Le débat est ouvert pour savoir si une catégorie de poids a déjà été aussi dense dans l’histoire de l’organisation. Entre les blessés et les noms déjà placés sur des combats, un profil paraît évident, celui de Beneil Dariush. L’Américain sort de deux défaites et a besoin de se relancer, il voit en Saint-Denis une opportunité.
Giom Peltier avance dans les négociations, mais garde une idée en tête : et pourquoi pas viser plus haut ? Discrètement, il soumet l’idée à l’UFC d’une opposition contre Dustin Poirier et tente de convaincre : "Je leur dis que je pense que 'BSD' en train de monter, Poirier sort d’une défaite, c’est une opportunité de se refaire contre un moins bien classé. C'est intéressant pour faire la promotion d’un petit qui a faim contre un ancien etc…"
Il essuie d’abord un refus. Mais à force de persévérance et d’un peu de chance, les pièces du puzzle se sont emboitées. "Ce qui m’a sauvé, c'est l’annonce du combat entre Ngannou et Joshua”, assure Peltier. Depuis que le combattant camerounais a quitté l’UFC avec fracas en 2022 alors qu’il était champion, Dana White, le patron de l’organisation, a gardé une dent contre lui.
À chaque grosse sortie médiatique de Francis Ngannou, l’UFC promeut un combat fait pour le public français. Ici, l’officialisation du rendez-vous de samedi à Miami est arrivée quelques heures après celle du match de boxe entre Joshua et Ngannou. Histoire que les yeux des amateurs de castagne français, regardent ailleurs. Peltier tient désormais l’accélérateur de carrière pour transformer son poulain en star du MMA.
Pas certain que le public français se désintéresse complètement du Camerounais. En revanche, le 10 au matin, nombreux auront les yeux rougis d’avoir veillé tard dans la nuit pour ne rien rater des cinq rounds de cinq minutes entre Saint Denis et l’Américain. Peut-être auront-ils assisté à la naissance d’un grand nom des sports de combat tricolores.
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