Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Mondiaux Fukuoka 2023 - Pourquoi les records du monde tombent plus facilement en natation qu'ailleurs

Martin Mosnier

Mis à jour 24/07/2023 à 14:22 GMT+2

30% des records du monde de la natation mondiale ont été battus lors des 18 derniers mois. Ce n'est ni un accident ni un hasard. Depuis toujours, les chronos de référence ont une durée de vie beaucoup plus limitée dans les bassins que sur les pistes d'athlétisme par exemple. Dernier exemple en date, Léon Marchand, nouveau recordman du 400 m 4 nages depuis dimanche.

Léon Marchand

Crédit: Getty Images

2009, voilà où se date la préhistoire de la natation. C'est en tout cas ce que semble signifier le tableau de ses records du monde. Aucune référence ne va au-delà depuis que, ce dimanche, Léon Marchand a effacé des tablettes Michael Phelps sur le 400 m 4 nages. Parmi les meilleurs temps des 94 distances dans toutes les nages, en petit et grand bassin, chez les hommes comme chez les femmes, en individuel ou en relais, l'histoire se ramasse donc sur 15 toutes petites années.
A titre de comparaison, il faut remonter aux années 1990 et même 1980 pour trouver trace de 29 records du monde en athlétisme. Personne n'a sauté aussi loin que Mike Powell depuis 1991, personne n'a sauté plus haut que Javier Sotomayor depuis 1993 et personne n'a couru aussi vite qu'Usain Bolt sur la ligne droite depuis 2009.
picture

"A 17 ans, il s'était déjà fait un nom" : Usain Bolt avant l'Eclair

Même Phelps ne résiste pas

En natation, c'est inimaginable. Même le plus grand nageur de tous les temps, l'athlète le plus médaillé de l'histoire des Jeux Olympiques, Michael Phelps, a vu tous ses records effacés à une vitesse folle. Sur les trois distances de dos et de brasse (50, 100, 200m) chez les femmes, le plus vieux des six records datent de… 2017 et quatre d'entre eux ont moins de 24 mois.
Dans les bassins, plus qu'ailleurs, l'espérance de vie des records du monde peut se compter en mois plutôt qu'en années. Chaque grande compétition internationale est l'assurance de voir toute une ribambelle de nouveaux chronos de référence fleurir et les championnats du monde de Fukuoka ne devraient pas déroger à la règle. Comment l'expliquer ?
La première raison pourrait tenir au matériel. A la manière des pointes Nike qui ont fait chauffer les chronos sur les pistes des JO de Tokyo, les combinaisons en 100% polyuréthane, interdites en 2010, ont bouleversé l'ordre des choses et 48 records du monde ont, par exemple, été battus lors des Mondiaux de Rome en 2008. La FINA a tranché, mis fin au dopage technique et annulé plusieurs records du monde dont ceux d'Alain Bernard et Frédérick Bousquet. D'autres tiennent et si la natation mondiale a encore des records datant de 2008 ou 2009, comme celui du 50 m signé Cesar Cielho, elle le doit à ce dopage technique.
picture

Alain Bernard aux championnats de France 2009

Crédit: AFP

Sur 100 m, deux secondes gagnées en 20 ans

Aujourd'hui, les nageurs n'ont plus de combinaison intégrale mais ils vont plus vite que le plastique. Leur matériel n'est plus une béquille aussi efficace dans la chasse aux records. Pas plus que la densité de l'eau, sa température, la dimension des piscines ou sa profondeur qui répondent à des normes précises. "Aujourd'hui, tout cela tient du fantasme. Tout est codifié et on est allé au bout de ce qu'on pouvait faire au niveau des équipements", tranche Denis Auguin, le directeur des équipes de France.
Alors pourquoi les records continuent-ils de tomber ? En 2014, 23 records sont pulvérisés lors des Mondiaux de petit bassin au Qatar. Dans un contexte lourd, marqué par les cas de la Russe Yulia Efimova, suspendue seize mois après un contrôle positif à un stéroïde, et du Chinois Sun Yang, suspendu trois mois pour un contrôle positif à un stimulant, la suspicion plane au-dessus des bassins. "Comme tout le monde, je peux me poser la question face à quelqu'un qui gagne et qui a déjà été chopé deux, trois fois. Mais quand je vois des Ledecky, je ne me pose pas une seule fois la question", témoigne alors Fabrice Pellerin, ancien mentor des champions olympiques Yannick Agnel et Camille Muffat.
picture

David Popovici savoure son sacre sur le 100m nage libre à Rome, ainsi que son record du monde en 46"86

Crédit: Getty Images

Aujourd'hui, 30% des records du monde sur grand et petit bassins ont moins de 18 mois… Et si les David Popovici, Kristof Milak, Léon Marchand ou Summer McIntosh sont des phénomènes, cela ne suffit pas à expliquer la baisse systématique et continue des chronos. "Avant, il y a deux décennies seulement, passer sous les 49 secondes sur un 100 m nage libre était absolument exceptionnel. Aujourd'hui, c'est l'ordre des choses et la barre se situe sous les 47 secondes", témoigne Nicolas Castel, l'entraîneur de Léon Marchand, tout nouveau recordman du monde sur 400 m 4 nages. Quand les gains en athlétisme, sur la même distance, se comptent en dixièmes de seconde de 1968 à nos jours, les meilleurs nageurs ont gagné deux secondes en deux décennies. Pourquoi ?
On sait nager depuis peu de temps, un siècle seulement
L'explication est finalement bien plus simple qu'on l'imagine. "L'homme court depuis qu'il est homme. On sait nager depuis peu de temps, un siècle seulement, témoigne Auguin. Les grands principes de déplacement dans l'eau sont très jeunes à l'échelle de l'humanité." "L'eau est un élément qu'on maîtrise beaucoup moins bien que la terre", confirme Nicolas Castel. Il faut donc comprendre que l'homme s'est beaucoup plus rapidement approché de ses limites en athlétisme que dans les bassins où il les cherche encore.
Avec une grande conséquence : "Les progrès dans la façon d'entraîner, l'apprentissage sont toujours en cours. On a un bien meilleur contrôle des entraînements aujourd'hui. On sait qu'il faut s'entraîner moins qu'à une époque où on infligeait de grosses charges, diagnostique Auguin. On est sans cesse dans la recherche."
Plus jeune que l'athlétisme, la natation n'a pas encore trouvé toutes ses réponses. Un work in progress qui permet chaque année de repousser les barres chronométriques. Castel abonde : "Battre des records du monde est tellement installé dans notre sport que, dès qu'on est gamin, on se dit que c'est possible et on grandit avec cet objectif. Une émulation qui contribue à faire tomber les chronos. Mais, un jour, comme en athlé, on atteindra des plafonds. Mais je crois qu'on a encore beaucoup de temps devant nous pour y arriver."
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité