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La "loi Dupont" ou l'histoire d'une règle controversée

Simon Farvacque

Mis à jour 12/02/2024 à 22:18 GMT+1

Antoine Dupont ne participe pas au Tournoi des Six Nations cette année. Son nom est pourtant sur de nombreuses lèvres, sans qu'il ne soit question de JO. La "loi Dupont", ainsi présentée outre-Manche, est une règle - ou une faille dans le règlement - à la mode. Elle a notamment conduit à une inaction risible de Finn Russell et Thomas Ramos, samedi lors du match des Bleus en Ecosse. Voici pourquoi.

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Un, deux, trois… soleil. Samedi à Murrayfield, Finn Russell et Thomas Ramos ont joué à se figer, à la 68e minute du match Ecosse-France (16-20), contribuant à casser le rythme d'une rencontre qui n'avait pas besoin de cela. Une chorégraphie surprenante, sur un échange de coups de pied, qui résulte d'un point de règlement concernant le hors-jeu… surnommé "loi Dupont", "règle Dupont" ou encore "faille Dupont" de l'autre côté de la Manche.

Que dit le règlement ?

La règle 10.7b édictée par World Rugby stipule qu'un joueur hors-jeu "peut-être remis en jeu quand : un adversaire (…) parcourt cinq mètres en portant le ballon, ou passe le ballon, ou botte le ballon, ou touche intentionnellement le ballon sans en obtenir la possession." En comptant là-dessus, lorsque les deux équipes s'adonnent au "ping-pong rugby" notamment, il n'est pas nécessaire d'attendre d'être remis en jeu par un coéquipier vous dépassant, pour participer à l'action.
Cette opportunité de s'économiser une course de replacement tout en se rendant vite utile défensivement comporte une condition : être derrière une ligne virtuelle, parallèle aux lignes d'en-but, "tracée" à 10 mètres de l'endroit où tombe ou est réceptionné le ballon. En respectant ce prérequis, vous n'avez qu'à patienter – sans bouger pour montrer que vous n'interférez pas avec le jeu – jusqu'à ce que votre adversaire, par exemple, se déplace sur cinq mètres ballon en main, ou l'expédie dans votre camp d'un coup de chausson. D'où le jeu de la statue, entre Ramos et Russell, qui ne voulaient pas remettre en jeu quelconque rival.
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Pourquoi Dupont est-il associé à cela ?

Mais que vient faire Antoine Dupont là-dedans ? La paternité de l'utilisation malicieuse de cette subtilité réglementaire est régulièrement attribuée au Toulousain, absent du Tournoi des Six Nations cette année, rugby à sept et JO de Paris 2024 en tête. L'ancien joueur et coach irlandais Bernard Jackman, consultant pour RTÉ Sport, a fait le lien début février. "Il y a un an et demi, Antoine Dupont était allé voir l'arbitre avant un match et lui avait expliqué (cette règle)", a-t-il assuré.
Exemple concret, lors de France-Angleterre (25-13) durant le Tournoi 2022. Le numéro 9 des Bleus avait ici tenté d'exploiter le fameux alinéa 7b [voir screen - crédit France Télévisions], se retrouvant pénalisé pour avoir anticipé les cinq mètres parcourus en tant que porteur de balle par Marcus Smith.
Antoine Dupont lors de France-Angleterre (25-13), Tournoi des Six Nations 2022 | Crédit : France Télévisions

Pourquoi cela devient-il gênant ?

Si Dupont fait donc l'actualité par le biais de cette filouterie dont il est, aux yeux de certains, l'éponyme, c'est parce qu'elle entraîne des réponses parfois excessives. Finn Russell a fait plus fort qu'à Edimbourg, une semaine auparavant. Il a tenté de piéger les Gallois, lors de la première journée des Six Nations. A la réception d'un coup de pied, il a feinté assez grossièrement une passe – le fait d'en effectuer une est, pour rappel, une des façons de remettre en jeu des adversaires – en espérant qu'un joueur du XV du Poireau fasse ne serait-ce qu'un pas en avant, pour qu'il soit ainsi pénalisable.
Outre cette situation qui peut virer au grotesque, c'est le spectre plus global d'un "ping-pong rugby" s'instaurant sur un tempo de plus en plus lent qui pointe le bout de son nez. L'ancien arbitre international Nigel Owens s'en est inquiété dans une chronique pour Wales Online, samedi. Il envisage la suppression de la "règle des 10 mètres", qui exonère donc moult joueurs de l'injonction de reculer. "Cela demanderait plus de travail à l'arbitre et à son équipe, écrit-il. Mais cela pourrait donner plus d'espace pour contre-attaquer et donc entraîner une diminution du nombre de coups de pied."
Renforcer l'importance pour un membre du troisième rideau de monter, pour sortir des coéquipiers de leur apathie forcée, est une clef pour ne pas tendre vers un gagne-terrain sans contact. Et Owens de conclure : "Nous voulons être fiers de notre jeu (sport) et les situations étranges auxquelles cette faille conduit peuvent donner l'impression que nous regardons parfois du tennis et non du rugby."
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