Tournée d'automne | France-Fidji | Benjamin Kayser dépeint le "visionnaire" Fabien Galthié : "Il aime titiller, jouer sur la personnalité"

Benjamin Kayser et Fabien Galthié ont vécu de grands moments ensemble au Stade français, avec en point d'orgue (et point final) un titre de champion de France (2007). L'ancien talonneur du XV de France (37 sélections) creusait alors les premiers sillons de son chemin de joueur, tandis que l'actuel sélectionneur des Bleus officiait en tant qu'entraîneur.

Une vingtaine d'années plus tard, Kayser décrit le Galthié qu'il a connu et dont il suit l'évolution, en sa qualité de consultant pour TNT Sports, à quelques heures du deuxième test de la tournée d'automne des Français, opposés aux Fidji, samedi à Bordeaux (21h10).

Benjamin Kayser : J'ai intégré le groupe professionnel du Stade français à part entière à partir de juillet 2004, ce qui correspond à la prise de fonction de Fabien Galthié et de l'entraîneur des avants, Fabrice Landreau, dont j'étais beaucoup plus proche, parce qu'on jouait talon et parce qu'il s'était occupé du centre de formation avant de prendre les pros, donc il me connaissait depuis que j'avais 15/16 ans. Avec Fabien, c'était plus distant, mais c'est quelqu'un à qui je dois beaucoup – tout comme à Fabrice – parce que c'est lui qui m'a lancé en Top 14 (Top 16 à l'époque).

Fabien [Galthié] m'avait fait jouer troisième ligne pendant la saison 2006-2007, alors que même en Espoirs, je n'avais jamais joué troisième ligne. Il y avait plusieurs blessés, des choix à faire… J'étais porté vers le jeu et bon ballon en main, puis j'aimais bien la défense, donc : pourquoi pas ! J'y ai joué trois matches, contre Albi, Montauban et Biarritz, au Stade de France. Là, je fais un super match… et je me blesse au genou. Ça m'a coupé dans mon élan, mais l'expérience avait été enrichissante. Ça m'avait donné confiance en moi.

B. K. : C'est quelqu'un d'innovant, en règle générale. Il remet un peu tout en question, tout le temps. Pourquoi on n'aurait pas un trois-quarts centre susceptible de monter en troisième ligne ? Sur un banc en 6-2, pourquoi ne serait-ce pas plutôt à des mecs comme Paul Boudehent ou Oscar Jegou de dépanner derrière ? Il a toujours été porté là-dessus. Il n'a pas peur de sortir du cadre, en sélectionnant des joueurs qui sortent de Pro D2 (Thomas Laclayat, Paul Mallez, ndlr) ou en alignant Louis Bielle-Biarrey en Coupe du monde, alors qu'il aurait pu faire le Mondial U20.

C'est quelqu'un de brillant, qui réfléchit très vite, qui est visionnaire, qui est très stratège, qui bosse énormément et se montre courageux dans les options qu'il est capable de choisir et d'assumer. C'est aussi quelqu'un qui, humainement, peut être compliqué, parce qu'il est extrêmement exigeant, très particulier dans sa connexion avec les joueurs.

B. K. : J'ai connu le Fabien de 2007. Depuis, il ne m'a pas entraîné. Je ne suis que spectateur. C'est quelqu'un qui peut sans doute se laisser emporter par son ultra exigence, ce qui fait qu'il ne prend pas de pincettes, et qu'il n'a pas ce rapport presque paternel ou fraternel, cette chaleur humaine. Ce n'est pas un coach paternaliste. Au début de ma carrière, peut-être que ça m'avait pesé, mais à la fin de ma carrière, ce n'est pas ce que je cherchais. Je cherchais l'excellence.

B. K. : Il y a eu des clashes, post-Montpellier, et la récente sortie médiatique de Fred Quercy. Mais je sais aussi qu'il y a des mecs qui s'entendent très bien avec lui. Gaël Fickou, par exemple, adore Fabien parce qu'il le trouve hyper pointu, il trouve qu'il va droit au but, ne perd pas de temps sur les fioritures. Ce qui est certain, c'est que Fabien n'est pas quelqu'un de lisse. Il a... des angles…

B. K. : Voilà. Sa plus grande force est son petit côté génie stratégique, qui m'impressionne beaucoup. Et il a su s'entourer. Le cœur du management dans le staff du XV de France, c'est sans doute William Servat. Ils sont allés le chercher aussi pour ça. C'est un meneur d'hommes, qui est adoré du vestiaire, qui est la glu entre tout le monde. Tout l'encadrement n'a pas besoin d'incarner cela.

Fabien [Galthié] est très particulier. Il aime être un peu manipulateur avec les médias, il aime titiller, jouer sur la personnalité. Il peut parfois commettre des erreurs, avoir un côté qui peut paraître assez compliqué à digérer, qui amène des clashes avec certains joueurs qui ne l'acceptent pas. C'est une certitude. Mais c'est un truc que tout le monde sait depuis 2019 et son arrivée dans le staff du XV de France. Ce n'est pas nouveau, ça ne change pas. Tant que les joueurs de l'équipe de France sont heureux de l'avoir et que l'on considère qu'il est encore innovant, stratège, intelligent et l'homme de la situation, le reste, c'est de la forme, ce n'est pas du fond.