Kranjska Gora - Mikaela Shiffrin, l'opposée de Vonn : "Le record de Stenmark n’est pas un objectif"

La question était moins de savoir si que quand. Quand Mikaela Shiffrin allait-elle venir à bout du record de victoires en Coupe du monde de Lindsey Vonn ? La réponse était donc le dimanche 8 janvier 2023. En tête à l’issue de la première manche, la skieuse de Burke Mountain n’a pas craqué lors de la seconde pour aller décrocher sa 8e victoire de l’hiver, avec une marge conséquente sur l’Italienne Federica Brignone (+ 0’77). Et, même si la piste était loin d’être facile à skier, l’Américaine s’y est régalé.

"Les conditions étaient incroyables, racontait-elle. On savait avec les coachs qu'on pouvait attaquer du début à la fin". Et elle ne s’est pas privée de le faire. Aérienne comme à son habitude, en totale maîtrise dès les premières portes, Mikaela Shiffrin a déroulé le ski qu’elle déploie désormais depuis une dizaine d’hivers pour signer cette fameuse 82e victoire en Coupe du monde. Même si la pression était légèrement différente de d’habitude. "J'étais un peu nerveuse à cause du record, avouait l’Américaine après la course. Je voulais surtout bien skier et je l'ai fait. Je n'arrive pas à y croire". Mais depuis le temps, le monde du ski s’y était fait.

Prodige absolu, l’Américaine avait débuté en Coupe du monde à 15 ans seulement, en mars 2011, avant de gagner son premier succès mais aussi son premier titre mondial à peine un an et demi plus tard, à 17 ans. Une précocité qui la rapproche de la désormais autre co-recordwoman de succès, Lindsey Vonn, qui a débuté à 16 ans avant de briller aux Jeux Olympiques à seulement 18 ans. Mais cette précocité et leur nombre de succès sont bien tout ce qui rassemblent les deux skieuses, complètement différentes. Sur les skis comme en dehors.

"Leurs personnalités sont différentes, Mikaela Shiffrin est plus discrète, plus dans sa bulle, analysait pour l’AFP le technicien italien Alberto Senigagliesi, qui a pu côtoyer les deux championnes au sein de l'équipe américaine. Ce qui les rapproche c'est leur envie de gagner. Elles sont toutes les deux très exigeantes avec elles-mêmes, avec le staff qui travaille avec elles". Et elles se sont toutes les deux remises d'événements traumatisants. Sur un plan physique, avec de graves blessures au genou, pour Lindsey Vonn. Sur un plan plus personnel en ce qui concerne Mikaela Shiffrin, avec le décès de son père Jeff, le 3 février 2020.

Une perte terrible et inestimable dont la quadruple championne du monde de slalom ne se remettra sans doute jamais véritablement et aurait pu ne jamais se remettre sportivement. Non que ce soit totalement derrière elle. "Ces trois dernières années, depuis la mort de mon père, j'avais des problèmes de mémoire, disait d’ailleurs l’Américaine après Zagreb. Cette année c'est la première fois que je suis capable de me concentrer à ce niveau. C'est revenu, mais ça a mis longtemps". Mais revoilà la reine Shiffrin, partie dans une chasse aux records auxquels elle ne se destine pourtant pas plus que ça.

"Avec Vonn, nous avons une approche différente, elle avait beaucoup parlé du record de Stenmark (86 victoires en Coupe du monde, le record absolu) quand elle était très proche de le battre, expliquait Shiffrin cette semaine. Elle le mettait en avant comme un vrai objectif. Pour moi, ce n'en est pas un. Les chiffres et des statistiques déshumanisent le sport et ce que chaque sportif essaie d'accomplir". Mais, qu’elle le veuille ou non, qu’elle en fasse un objectif ou non, Mikaela Shiffrin n’a pas fini de battre tous les records. Enfin, ceux qu’ils ne lui appartiennent pas encore.