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Lizeroux: "La FIS se gave"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 13/02/2012 à 15:49 GMT+1

Blessé, Julien Lizeroux ne skie pas cet hiver. Ça ne l'empêche pas de pointer du doigt tous les problèmes qui touchent son sport actuellement. La FIS et Günther Hujara, la FFS ou encore David Douillet, tout le monde y passe. Sans langue de bois mais avec l'espoir de faire bouger les choses.

2009 Val d'Isère Ligety Lizeroux

Crédit: Zoom

Cet hiver est propice aux annulations. Certaines semblent justifiées, d'autres, comme à Val Gardena récemment, beaucoup moins. Qu'en pense le skieur que vous êtes ?
JULIEN LIZEROUX : Il y a plusieurs manières d'annuler une course. Quand la neige manque, la commission de la FIS évalue et prend une décision. Le "snow control" permet d'acter tout cela quelques jours avant le déroulement des épreuves. C'est une première chose. Ensuite, il y a les annulations pendant les épreuves. Et là, le problème est tout autre. Nous, les principaux acteurs, ne sommes jamais consultés pour donner notre avis. Jamais. On ne décide de rien. La FIS ne nous écoute pas. On est des gens civilisés. On pourrait au moins s'asseoir autour d'une table et exposer nos doléances.

Pourtant, depuis cet hiver, un responsable des skieurs est nommé à chaque course. Quel rôle joue-t-il ?
J.L. : C'est effectivement une nouveauté cette saison et ce responsable est différent à chaque course. Mais son rôle est minime. De toute façon, ce ne devrait pas être à un athlète en activité de faire cela. Cela doit être un job à plein temps. Le jour de course, on a autre chose à faire que d'aller inspecter si tous les filets sont en place. De toute façon, on n'est pas écouté. Et quand on l'ouvre, on est puni financièrement. A Kvitfjell, Didier Cuche a osé dire ce qu'il pensait sur un saut trop dangereux. Il a pris une amende de 5 000 francs suisses. Quand Ted Ligety parle de "Diktat", il a raison. On ne nous laisse pas trouver les bonnes solutions.
Pour chaque course, un jury, composé de coachs de différentes nations et de l'organisateur, est également désigné...
J.L. : (il coupe) Oui, et quand il y a un problème, la FIS ne se tourne jamais vers lui. En gros, il ne sert à rien. On l'a encore vu samedi, avec le slalom dames. Ce qui est arrivé à Tanja Poutiainen (NDLR : Meilleur temps de la première manche, la Finlandaise s'est élancée en pleine bourrasque et a dû abandonner en raison des conditions) est dégueulasse. Si elle est en bas, elle gagne. Mais il est impossible de la faire remonter. Il y aurait jurisprudence et ça, la FIS l'a bien compris. Le dernier exemple chez les messieurs, c'est Val Gardena. Quand la décision est prise d'annuler la descente (NDLR : Johan Clarey et Adrien Théaux occupaient les deux premières places), personne n'a été consulté. C'est le chef qui a décide. Et basta.
Pourquoi les skieurs ne protestent-ils pas ? En course, par exemple.
J.L. : Tout simplement parce qu'il n'y a pas d'unité chez nous, athlètes. On ne représente pas de force. Chez les skieurs, il y a trente nations représentées. Donc trente avis. Il y a un adage qui dit : "diviser pour mieux régner". La FIS l'a bien compris et s'appuie sur ça pour passer en force.
Vous en voulez donc surtout au directeur des courses masculines, Günther Hujara ?
J.L. : A Val Gardena, il n'a donné aucune raison pour justifier l'annulation. Gilles Brenier (NDLR : le directeur des équipes de France masculines) attend toujours, à ce jour, une explication. On nous a avancé une histoire de vent, mais à Lake Louise, il y en avait encore plus. Après, M. Hujara a énormément de responsabilités. Trop, je pense. Il a un travail de dingue. Il faudrait juste procéder à une énorme réforme.
C'est-à-dire ?
J.L. : Il y a énormément de choses à changer : les formats de course, le statut des blessés, les "prize money" (dotations) par exemple. Le grand public sait-il que, généralement, seuls les dix premiers sont rémunérés ? Ce sont les organisateurs qui fixent ensuite la répartition des gains et la font "gonfler". A Kitzbühel, le vainqueur prend 50 000 euros, à Schladming, c'est 30 000 francs suisses. Mais ce n'est comme ça que là-bas. La FIS impose juste des minima qui sont de 100 000 francs suisses à répartir pour les dix premiers. Je me souviens avoir terminé sixième à Schladming il y a quelques temps : j'avais touché 2 000 euros.
Est-ce la même chose pour les Mondiaux ?
J.L. : Les Championnats du monde ne sont primés que depuis l'an dernier. A Val d'Isère, en 2009, je prends deux médailles d'argent (NDLR : slalom et super-combiné). Combien m'a offert la FIS ? Zéro euro ! Rien. La fédération internationale est juste bonne à se gaver sur notre dos. Elle ne redonne rien aux athlètes. Ce qui me tue, c'est que certains se font de l'argent sur le dos des athlètes. Ce sont nous qui prenons les risques, non ?
Vous parliez du statut des blessés...
J.L. : (il coupe) Quand je me suis blessé l'an dernier, j'étais cinquième slalomeur mondial. Pour être "protégé", il faut avoir couru moins de cinq courses dans la saison. C'est dans les textes de la FIS. Ce n'était pas mon cas. Quand je vais revenir, je vais donc devoir partir au-delà des 50 premiers dossards. C'est une aberration, un tel règlement.
Là-aussi, la FIS tient une position assez ambiguë sur les blessures. Pouvez-vous nous en parler ?
J.L. : C'est simple : Quand un skieur arrive sur le circuit, il doit signer la fameuse "feuille verte". En gros, signer ce document, c'est dédouaner la FIS si tu rencontres un "problème", une grave blessure, en course. Si tu ne signes pas, tu ne peux pas courir. Moi, j'ai signé une fois au début de ma carrière. Et maintenant...
... vous avez le sentiment d'être pris au piège ?
J.L. : Si demain, sur une compétition, je m'explose les deux jambes, c'est pour ma pomme. Demandez à Matthias Lanzinger ce qu'il en pense (NDLR : En mars 2008, l'Autrichien avait chuté lourdement lors du Super-G de Kvitfjell. Il avait ensuite été amputé au-dessous du genou gauche). Lui et ses avocats se sont retournés uniquement contre l'organisation, car l'hélicoptère avait mis trop de temps à venir le chercher. La procédure a pris deux ans. Ils n'ont jamais pu attaquer la FIS.
Et quel est votre avis sur le statut des sportifs en général ?
J.L. : Ça, c'est un débat franco-français. Contrairement au football, au rugby, au hand ou au basket, notre activité reste amatrice. On n'a pas de statut de "sportif". Quand je remplis un questionnaire, j'inscris "travailleur indépendant". En encore, moi, j'ai la chance d'être douanier. En gros, je cotise comme si j'allais faire ça toute ma vie. Et ça, les instances s'en fichent. Un seul ministre des Sports a commencé à travailler sur ce problème. C'est Jean-François Lamour, mais il n'est pas resté assez longtemps pour faire passer son texte. Et ce n'est pas avec David Douillet que ça va s'arranger... Après, je ne suis pas en train de pleurer. C'est un phénomène de société. Tout le monde nous dit qu'être sportif, c'est un rêve. Mais derrière, tout n'est pas rose.
Quel rôle joue votre propre fédération ?
J.L. : On reste des amateurs. On s'entraîne et on agit comme des pros. Mais les fédérations restent des associations loi de 1901. C'est de l'amateurisme. Heureusement que les gens autour de nous sont passionnés. Nos coachs ont des salaires minuscules, alors qu'ils passent près de 200 jours loin de chez eux, de leur famille.
A titre personnel, vous êtes-vous déjà élevé contre ça ?
J.L. Bien sûr ! Cela fait treize ans que je suis en équipe de France. J'ai toujours connu ces problèmes. D'accord, on bénéficie de la logistique : les hôtels, les coachs, les voyages, etc. Tout ça nous est offert. Mais un skieur français doit, par exemple, payer une cotisation chaque année : un droit d'adhésion qui oscille entre 1 000 et 2 000 euros. C'est ahurissant. J'ai toujours milité contre le fait de devoir payer sa propre fédération. Et ça, c'est quelque chose qui a été instauré par la FFS elle-même. Pas le ministère.
Est-ce le cas chez les autres nations ?
J.L. : Sincèrement, je ne sais pas.
On vous sent lassé...
J.L. : Rien ne bouge. Il y a deux-trois ans, tous les skieurs français s'étaient réunis. Cela n'avait servi à rien.
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