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"Il y a des talents, mais il faut des tables et des moyens" : pourquoi le snooker ne décolle pas en France

Fabien Esvan

Mis à jour 02/05/2023 à 20:04 GMT+2

La Belgique a enfin pu goûter les joies d'un titre de champion du monde. Colossal face à Mark Selby lundi, Luca Brecel est monté sur le toit du monde du snooker. Une récompense énorme pour un petit pays qui a énormément misé sur la discipline ces derniers temps à l'inverse de la France. Malgré quelques éclairs sur les circuits annexes, les Tricolores peinent à se faire une place. Explications.

Un bonheur éternel : Brecel devient champion du monde de snooker pour la première fois

Le sacre de Luca Brecel au Championnat du monde a fait l'effet d'une bombe dans le petit monde du snooker. Les mots sont faibles. Quatrième joueur non-britannique à remporter le titre ultime après Cliff Thorburn, Ken Doherty et Neil Robertson, le Belge a écrit une sacrée page d'histoire ce lundi au Crucible Theatre. Ce triomphe est également une vitrine exceptionnelle pour vanter les progrès de la discipline au plat pays. Une performance qui pourrait donner des idées en France et pourtant…
Vilain petit canard de la discipline, alors qu'il est l'un des pionniers de nombreuses variantes du billard, l'Hexagone peine à se faire une place dans le "jeu-roi" des billes. Bien que pourvu de nombreux talents qui ne demandent qu'à exploser, le snooker français pâtit d'un manque criant de moyens et d'ambitions qui l'empêchent de grandir. Décryptage.

Moins de moyens, moins de salles, moins de snooker

Car c'est peu dire que le snooker se heurte à un mur en France. "La France n'est pas un pays de snooker. Il y a eu un dynamisme dans les années 90 avec une fédération dédiée puis ça s'est clairement essoufflé", lance Fabian Monnin, numéro 1 français de la discipline. "C’est très difficile d’évoluer dans le monde du snooker en France. Il y a beaucoup de frais à la charge des joueurs. Il y a mieux à faire, plus en tout cas", concède notre consultant Roland Tchertoff.
Dans les années 90, il y avait au moins 10 salles dédiées au snooker à Lille, aujourd'hui il n'y en a plus qu'une dédiée au billard…
C'est avant tout sur le plan des infrastructures que le bât blesse pour ce dernier. "Il faut des tables et il y en a de moins en moins, surtout en région parisienne. Il faut que le type qui habite à Limoges par exemple puisse se dire : ‘tiens, j’ai vu le snooker sur Eurosport, j’ai envie de jouer, je vais aller à 20 km de chez moi’. Là il doit se taper 150 km…".
Le joueur de l'équipe de France acquiesce le propos de la voix du snooker en France. "Je le regardais à la télé, j'aimais ça, mais je n'avais pas d'endroit où jouer…". Le joueur basé à Toulouse va plus loin et invoque l'argument économique. "Les salles 'commerciales' ont fermé boutique ou se sont séparées de ces tables car ça ne rapportait pas grand chose. Dans les années 90, il y avait au moins 10 salles dédiées au snooker à Lille, aujourd'hui il n'y en a plus qu'une dédiée au billard…"
Les espoirs français ? Ils sont un peu comme des poissons dans un bocal...
Cette tendance ne permet pas le développement ou encore la rétention des talents autour des tables. "Il y a des talents en France, mais il faut des tables. C’est un peu le serpent qui se mord la queue. Il faut des coaches, des infrastructures", insiste Roland Tchertoff.
Si elle ne place aucun joueur dans les tournois professionnels, la France compte pourtant trois joueurs talentueux dans ses rangs. "Brian Ochoiski, Niel Vincent et Nicolas Mortreux sont hyper doués, ce sont nos meilleurs espoirs. Mais ils sont un peu comme des poissons dans un bocal… Ils sont obligés d’aller en Angleterre comme ils le font actuellement à la Q School (ndlr, une académie pour accéder au circuit mondial). C’est compliqué, ça demande des frais."
Pour Fabian Monnin, l'encadrement est aussi capital. "Si tu veux progresser, il faut forcément un coach. On n'en a quasiment pas en France." Sans oublier le niveau des tournois. "Les compétitions nationales ne sont pas d'un très haut niveau donc il faut bouger dans d'autres pays comme en Belgique où il y a un très bon niveau. Ça a un coût là-encore."
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La nécessité d'un "Plan snooker"

Mais alors, le sacre du voisin Luca Brecel peut-il donner des idées dans l'Hexagone ? Roland Tchertoff croit que oui. "Évidemment, ça ne va pas être un feu d’artifice comme en Belgique, mais ça peut donner des idées aux jeunes français." Mais le N°1 français rejoue la carte de la nuance. "On manque de structures, on a peu de salles, déjà pour essayer d'inciter des jeunes à jouer tôt, à 10 ou 12 ans. C'est ce que la Belgique arrive à faire. Ces sports d'intérieur, c'est une tradition chez eux."
Il faudrait utiliser cette victoire de Luca Brecel pour créer une sorte de Grenelle du Snooker en France.
Notre commentateur insiste lui sur la nécessité de s'asseoir enfin autour de la table pour aller de l'avant. "Il faut un vrai programme. Il faudrait utiliser cette victoire de Luca Brecel pour créer une sorte de Grenelle du Snooker en France pour impliquer la fédération, voire le Ministère des Sports, les médias et les joueurs pour réfléchir au développement."
Pas défaitiste, Roland Tchertoff croit à un essor de la discipline. "Ça demandera plusieurs années. Il n’y a aucune raison pour qu’il n’y ai pas un joueur français qui émerge. On l’a bien vu dans d’autres sports qui ne sont pas des spécialités françaises. Il faut essayer d’avoir des coaches de qualité et envoyer les gens en Angleterre." "Il y a des motifs d'espoir. Il y a quelques mois, le snooker a été reconnu comme sport de haut niveau. Ça donne un cadre légal et reconnu par le Ministère des Sports", abonde Fabian Monnin.
Discipline délaissée, trop injustement raillée, le snooker compte pourtant son lot d'adeptes avec ses belles histoires. "Les audiences sont bonnes, ça intéresse forcément les gens et ce ne sont pas que des joueurs de billard !", lance le meilleur joueur français. Le S.O.S est lancé pour sortir le snooker tricolore de l'anonymat.
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