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Après une première réussie, l’ATP Cup a-t-elle déjà gagné la partie contre la Coupe Davis ?

Maxime Battistella

Mis à jour 13/01/2020 à 18:49 GMT+1

ATP CUP – Achevée par la finale rêvée entre la Serbie de Novak Djokovic et l’Espagne de Rafael Nadal, la nouvelle compétition par équipes de l’ATP a réussi ses débuts en Australie. En concurrence directe avec la Coupe Davis réformée de Gerard Piqué, elle semble bien avoir pris une longueur d’avance, peut-être décisive pour la suite.

L'équipe de Serbie et Novak Djokovic à Sydney pour l'ATP Cup en 2020

Crédit: Getty Images

L'ATP peut être fière de son coup. Moins de deux mois après les débuts mitigés de la nouvelle Coupe Davis, l'instance dirigeante du circuit professionnel a lancé en fanfare sa propre compétition par équipes nationales. Et si Gerard Piqué pouvait remercier Rafael Nadal d’avoir sauvé son événement en électrisant la Caja Magica en novembre dernier, l’ATP Cup n’en a, elle, pas eu besoin. Certes, la finale Espagne-Serbie, et le duel entre les deux meilleurs joueurs du monde, a permis à la compétition de s’achever en feu d’artifice. Mais avant même son dénouement, elle avait indéniablement déjà gagné son pari.
Car le secret de la réussite d’un événement se mesure avant tout à l’aune d’un baromètre : sa réception par le public. Or, sur ce point, il n’y a pas eu photo. Quand Gerard Piqué revendiquait quelque 130 000 spectateurs à Madrid, l’ATP, elle, en a enregistré 220 319 à Perth, Brisbane et Sydney, soit près du double. Le tournoi australien a beau avoir duré trois jours de plus, ces quelques sessions supplémentaires ne suffisent pas à expliquer un tel écart de popularité entre deux épreuves aux formats si proches (deux simples joués au meilleur des trois sets et un double potentiellement décisif).
La différence ne tient pas non plus à l’implication des joueurs. Tous les participants ont fait preuve de beaucoup de détermination pour chacun des deux événements. La joie extrême et communicative des Serbes après leur triomphe dimanche n’avait d’égal que leur tristesse et leurs larmes après leur élimination en quarts de finale de la Coupe Davis. Prostrés sur leur chaise après avoir perdu le double décisif contre ces mêmes Serbes en poule, l’attitude de Nicolas Mahut et Edouard Roger-Vasselin ne laissait pas non plus de place au doute quant à leur investissement.
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Des leçons tirées des couacs de la Coupe Davis

Difficile donc d’établir une hiérarchie fondée sur la motivation apparente ou non des protagonistes. Mais trois grands facteurs ont indubitablement joué en faveur de l’ATP Cup : l’expérience tirée de novembre, le pays d’accueil et la place dans le calendrier. A Madrid, les horaires des matches avaient constitué l’un des gros couacs du nouveau format de la Coupe Davis. Un double entre Italiens et Américains s’était ainsi achevé sur les coups de 4h du matin, et Rafael Nadal, pourtant l’ambassadeur principal de l'épreuve, était monté au créneau. Les organisateurs de l’ATP Cup en ont tiré les leçons : les matches en soirée ont ainsi été lancés à 17h30 heure locale (sauf pour les demi-finales et la finale à 18h30), soit une heure et demie plus tôt.
L’instauration du No-Ad et du super tie-break pour les doubles ont aussi permis aux rencontres de ne pas s'éterniser, même si le quart de finale entre l’Espagne et la Belgique a connu son dénouement à 1h du matin par exemple. Si on peut discuter du bien-fondé de ces règles pour l'intérêt du jeu lui-même, elles n’ont pas empêché de confirmer la nouvelle importance du double dans ces formats. Ce ne sont pas les Australiens, tombeurs des Britanniques au terme d’un super tie-break totalement fou qui diront le contraire…
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L'Australie, terre d'accueil idéale

En tant que terre d’accueil, l’Australie a d’ailleurs très bien joué son rôle. La culture tennistique du pays a sûrement eu une importance cruciale pour remplir les stades, et ce, dès la phase de poules. Comme l’Espagne en novembre, les Aussies ont bel et bien profité de la ferveur de leurs fans à domicile. Mais le public a aussi répondu présent pour les autres nations, quand un mois et demi plus tôt, Pierre-Hugues Herbert s’entendait chanter la Marseillaise à Madrid. Les supporters serbes ont par exemple joué un rôle considérable, pourtant très loin de Belgrade, même si leur comportement n’a pas toujours été du goût de leurs adversaires dont Rafael Nadal,
Cet enthousiasme tient aussi à la qualité du plateau. A l’orée d’une nouvelle saison, les joueurs, pour la plupart, ont rechargé les batteries, alors que l’accumulation des forfaits (malgré les présences de Nadal et Djokovic) avaient nui à la Coupe Davis placée en toute fin d’exercice 2019. Huit des dix meilleurs joueurs du monde étaient ainsi présents et si l’on élargit le spectre, 16 membres du top 20 et même 35 du top 50. Les affiches ont ainsi attiré du monde, et ce dès les poules. La distribution de points ATP, avec une prime à la performance en fonction du classement de l’adversaire battu, a forcément aussi attiré le gotha du tennis mondial et donné du poids à cette ATP Cup.
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Des points bonus polémiques

Pour s’en convaincre, il suffit de constater ses répercussions au classement cette semaine. Très performant jusqu’en demi-finale à Sydney, Daniil Medvedev a ravi la 4e place mondiale à Dominic Thiem, moins en forme avec l’Autriche. Le Russe sera ainsi tête de série numéro 4 à l’Open d’Australie, ce qui lui permet d’éviter les trois monstres (Nadal, Djokovic et Federer) avant une potentielle demi-finale. Même s’il reste numéro 2 mondial, le "Djoker" a, lui, accumulé la bagatelle de 660 points (total supérieur à une finale de Masters 1000), tandis que Nadal, malgré ses deux défaites de la semaine a accumulé 250 unités, l’équivalent de ce qu’a récolté Andrey Rublev pour sa victoire à Doha.
RangJoueursPoints récoltés lors de l'ATP Cup
1.Novak Djokovic660
2.Roberto Bautista Agut295
3.Dusan Lajovic265
4.Daniil Medvedev255
5.Rafael Nadal250
6.David Goffin220
7.Daniel Evans220
8.Hubert Hurkacz210
9.Karen Khachanov155
10.Denis Shapovalov150
Distribuer autant de points donne indéniablement de l’attrait à l’ATP Cup, mais cet atout fait aussi polémique. L’Américain Reilly Opelka est l’un des fers de lance de la contestation parmi les joueurs. Bien que 36e joueur mondial, il n’a pas pu participer à l’événement parce qu’il ne rentrait pas dans les critères de sélection : seuls les deux meilleurs joueurs d’un même pays pouvaient jouer les simples, or il n’est que le troisième Américain. Conséquence, certaines nations, dont la densité au plus haut niveau est bien moins forte, ont aligné des joueurs au classement beaucoup plus modeste. Ce fut le cas par exemple de la Géorgie avec Aleksandre Metreveli, 678e avant la compétition et 557e après grâce à sa victoire sur l’Uruguayen Franco Roncadelli, non classé.
Pour Opelka, et bien d’autres joueurs, l’ATP Cup génère donc des inégalités sur le circuit, donnant à certains un tournoi supplémentaire pour améliorer leur classement par rapport à d’autres, pourtant parfois meilleurs. Voir Corentin Moutet, finaliste issu des qualifications à Doha, "seulement" 13e à la Race après la première semaine de compétition a de quoi rendre sceptique : l’an passé, à la même époque, il aurait été dans le top 10.
Autre sujet de discorde ou innovation polémique, le recours à l’arbitrage vidéo pendant le tournoi a été diversement apprécié. S’il a indéniablement constitué un plus pour juger de certaines volées litigieuses dans le camp adverse – Djokovic en a notamment fait les frais contre la France en double –, son intérêt sur les fautes de pied a été plus discutable, générant des ruptures de rythme contraires à la nature profonde du jeu.
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L'ATP Cup peut-elle manger la Coupe Davis ?

Tout n’a donc pas été parfait, mais pour une première, l’ATP Cup a indéniablement rempli ses objectifs. Et elle se retrouve en position de force par rapport à la nouvelle Coupe Davis grâce à son succès populaire et son organisation plus "professionnelle". Vainqueur avec la Serbie, Djokovic ne disait pas autre chose dans son discours à la remise des trophées, affichant un clair soutien à l’événement. Nadal, lui, a été plus mesuré, forcément. Sacré avec l’Espagne voici deux mois dans la Caja Magica, il avait joué un rôle important pour Gerard Piqué dans la promotion de la nouvelle Coupe Davis.
Difficile donc pour le numéro 1 mondial de prendre clairement position en faveur de l’ATP Cup. S’il avait critiqué les horaires tardifs des rencontres à Madrid en novembre, il s’est plaint du voyage entre Perth et Sydney cette semaine. Un partout, la balle au centre. Mais une chose est sûre pour lui, les deux compétitions ne peuvent pas cohabiter. "L'ATP Cup est une superbe compétition mais, en même temps, je ne peux pas m'empêcher de penser que jouer deux Coupes du monde en un mois n'est pas tenable."
"Nous devons trouver un moyen de régler ça et trouver un accord entre l'ITF (Fédération internationale de tennis en charge de la Coupe Davis, ndlr) et l'ATP pour créer une grande Coupe du monde, et pas deux. C'est difficile de mobiliser les meilleurs joueurs sur deux évènements", a-t-il ajouté. La position du Majorquin est globalement partagée sur le circuit : Denis Shapovalov et Djokovic, lui-même, s’étaient prononcés en faveur d’une fusion des deux compétitions par équipes. Si elle se réalise comme le bon sens l'exige, désormais, la question est de savoir qui va manger l’autre. Et à ce petit jeu, l’ATP Cup vient de prendre un bel avantage.
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