ATP Monte-Carlo - Fritz, l'Américain tout terrain : "Je n'ai jamais su quelle était ma meilleure surface"

Petit à petit, Taylor Fritz fait son nid dans les plus hautes cimes du tennis mondial. Son entrée dans le Top 5 avant Indian Wells – il a reculé au 10e rang depuis après avoir perdu la majorité des points de son titre en Californie en 2022 – avait beaucoup fait parler, faisant de lui le premier Américain aussi bien classé depuis Andy Roddick. Mais alors que ce classement flatteur était davantage dû aux déboires d'un Rafael Nadal ou d'un Daniil Medvedev (avant sa remontée), le Californien a rappelé ces derniers temps et cette semaine en particulier à quel point il était désormais une valeur sûre du circuit y compris… sur terre battue.

A Monte-Carlo, il a d'ores et déjà fait mieux qu'à Indian Wells et Miami où ses sorties en quarts de finale face à Jannik Sinner et Carlos Alcaraz avaient confirmé qu'il cimentait sa place dans le gotha. Un petit exploit quand on connaît la répugnance traditionnelle des représentants de la bannière étoilée à se salir les chaussettes sur la brique pilée. Et pourtant, Taylor Fritz y est parvenu, qui plus est en sortant le double tenant du titre sur le Rocher, Stefanos Tsitsipas. Alors quel est le secret de sa réussite sur une surface si étrangère à la formation US et à la sienne ?

Peut-être déjà de ne pas se créer d'obstacles psychologiques inutiles. "Je me souviens qu’en 2018 ou 2019, j’ai eu une très bonne saison sur terre battue. J’ai commencé à me dire : 'Wahou, peut-être que la terre battue est une de mes meilleures surfaces.' A l’époque, j’avais de mauvais résultats sur gazon. L’année suivante, j’ai bien joué sur gazon. Donc en fait, je n’ai jamais su quelle était ma meilleure surface ni à quoi m’attendre. Je sais que j’ai déjà bien joué ici. Je suis content d’avoir mis en place ce niveau que j’avais dans le passé à Monte-Carlo. Ce n’est pas trop surprenant de jouer comme ça, je sais que je peux le faire, je suis content", a-t-il estimé en conférence de presse après son quart de finale victorieux.

Fritz avait en effet atteint les huitièmes de finale à Monte-Carlo dès 2019, avant d'aller encore plus loin l'an passé, en quarts. Comme sur les autres surfaces, le Californien suit une progression logique en quelque sorte. Mais cela ne fait pas de lui pour autant un terrien naturel : il ne glisse pas particulièrement bien sur ocre et n'est pas un adepte du lift à outrance, l'effet le plus efficace au royaume de Rafael Nadal.

Mais Fritz possède d'autres armes dont son prochain adversaire Andrey Rublev est plus que conscient. "Il frappe des bombes, il sert à 220 et il n’a pas besoin de bouger. C’est pour ça que c’est dur de jouer contre lui, a observé le Russe. Si vous le regardez jouer, vous verrez qu’il frappe fort tout de suite. Depuis un an et demi, tous ses coups rentrent dans le court. Avant, c’était seulement une fois sur deux. Parfois, il faisait un match fabuleux, d’autres fois, il commettait des fautes, mais maintenant, il semble ne plus faire d’erreurs du tout. Il avance et il frappe à pleine puissance, quelle que soit la surface. C’est dur, quand le retour vous arrive à pleine puissance, normalement vous avez quelques coups pour entamer l’échange. S’il retourne bien, vous êtes en danger."

Difficile de donner tort à Rublev, tant Tsitsipas a été contraint de reculer face à la qualité de la relance de Fritz. Mais limiter le Californien à son punch serait une erreur. Le circuit regorge de gros frappeurs incapables de percer sur terre battue car limités sur le plan tactique s'ils ne font pas la différence très rapidement comme sur dur. Face à la lenteur de la surface, le 10e joueur mondial sait construire les points et définir des plans de jeu. Opposé au coaching, il a aussi franchi des caps grâce à son QI tennis.

"Pour certains matches, la tactique peut être très simple, comme bien servir et être agressif. C’est d’ailleurs presque toujours ma tactique !", a-t-il reconnu avec modestie dans un sourire. Avant d'ajouter : "Et puis, il y a des matches où il faut une tactique plus précise. Stefanos est très dangereux quand il se décale, tourne autour de son revers et contrôle le jeu avec son coup droit. La clé a été de jouer de gros revers le long de la ligne pour le sortir de cette position. C’est un coup que je ne joue pas aussi souvent d’habitude. Je préfère les revers croisés. Mais si je l’avais fait avec lui, il aurait tourné autour pour jouer son coup droit et aurait dicté l’échange."

Ils étaient sûrement peu à miser sur Fritz dans le dernier carré avant le début du tournoi à Monte-Carlo. Mais l'intéressé en faisait assurément partie. S'il s'est défendu de vouloir remettre Tsitsipas – qui avait comparé la terre battue aux Etats-Unis à "une licorne sur un skateboard" – à sa place en écrivant un message sur la caméra après sa victoire sur le Grec, le fait est que le Californien s'affirme. De quoi légitimer un peu plus sa place parmi les cadors.