Après sa victoire sur Holger Rune à Rome, Corentin Moutet, talent libéré et démons canalisés : "Je me suis tellement battu avec moi-même"

Corentin Moutet s'est effondré dimanche sur le court Pietrangeli de Rome, mais ce n'est pas pour avoir perdu le fil de ses idées et donc de ses émotions. Le natif de Neuilly-sur-Seine a bien mérité de s'écrouler de joie après avoir fait tomber Holger Rune, authentique prétendant à un long parcours au Foro Italico. Ce n'était pas du grand Rune, certes, tant dans le jeu que dans la condition physique. Mais il fallait être solide, très solide même pour dominer un joueur capable de faire tomber Carlos Alcaraz sur terre fin avril à Barcelone, le tout en pas loin de quatre heures de jeu.

Jamais en douze tentatives, Corentin Moutet n'avait réussi à faire tomber un membre du Top 10 dans sa carrière. Il avait bien fait passer un léger frisson à Jannik Sinner l'an passé en huitièmes de finale de Roland-Garros, accrochant le deuxième set avant de ne marquer que trois jeux cumulés dans les deux manches suivantes. C'était un peu ça Corentin Moutet, capable des gestes géniaux, de faire dérailler plus d'un cador par son caractère imprévisible, puis de totalement disparaître, emporté par ses nerfs. Mais pas dimanche.

"Un match contrôlé ? Cela dépend dans quel sens" a-t-il préféré en sourire au micro de l'ATP sur le court. "J'ai été super constant dans ma tête, super constant dans mon jeu. Evidemment, il y a eu quelques fautes par moments, c'est dur de tenir ce niveau tout un match. J'ai eu beaucoup, beaucoup d'occasions, j'aurais pu le faire plus facilement ce premier set, ce qui m'aurait aidé. Holger trouve toujours des solutions, il met toujours la pression. Vous ne pouvez pas jouer court sinon vous vous faites agresser directement."

Moutet n'est pas loin d'avoir payé pour voir. Il a servi à 5-4 pour plier le match dans le troisième set, a mené 40-15, puis a eu l'avantage. Mais il n'a pas alors pas fait les bons choix, pour une fois dans cette rencontre. Rune en a profité pour revenir et, pouvait-on alors penser, l'emporter au finish. "Je me suis précipité sur mes trois balles de match, j'ai fait deux amorties je crois. J'étais très tendu en fait, c'est ma première victoire sur un Top 10. J'étais tellement tendu. Même sur la fin, le point avant la dernière balle de match, mon coup droit ne sort pas de ma raquette." 

Mais le come-back était bien tricolore, alors que le Norvégien semblait avoir retrouvé un peu des cannes et le contrôle, à 3-1 dans le tie-break service à suivre. Avant de craquer sur deux offrandes.

"C'était tellement dur aujourd'hui, pour toutes les raisons qui font que c'est un si bon joueur", saluait Moutet sur son adversaire, qui lui réussit décidément bien avec trois victoires en quatre affrontements en carrière. Mais sa plus belle victoire du jour, c'est probablement sur lui-même qu'il la doit. "C'était incroyablement dur. Je me suis tellement battu avec moi-même aujourd'hui. Je me parlais à moi-même, 'c'est normal d'être tendu, que ce soit dur'. Ce n'est pas un sport facile, surtout après 3h40 de jeu. Je devais être moins dur avec moi-même, essayer encore et encore, et voir comment cela se passe. Si j'avais perdu ce match, je n'aurais eu aucun regret parce que j'ai donné le meilleur de moi-même. Je respecte Holger beaucoup, et je me suis aussi respecté. Je suis très heureux."

Dans son week-end à Rome, Corentin Moutet n'a pas failli perdre son sang-froid, lui. C'est sans doute ce qui lui manquait pour enfin passer ce cap entre le statut de bon joueur de coups, à vrai danger permanent. Un guerrier sans peur, ni remords avant d'affronter mardi un nouvel Everest, le 5e joueur mondial Jack Draper et sa superbe dynamique.