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Djokovic, Nadal et Federer sans préparation avant Flushing, c'est grave docteur ?

Maxime Battistella

Mis à jour 12/08/2021 à 15:22 GMT+2

TORONTO - Après la parenthèse des Jeux Olympiques, le circuit ATP a repris ses droits à Washington puis au Canada cette semaine. Mais le Big 3 ne prendra part à cette tournée nord-américaine avant l'US Open. Des absences qui inquiètent à des degrés divers et autant d'opportunités potentielles pour la concurrence.

Roger Federer, Novak Djokovic, Rafael Nadal

Crédit: Eurosport

Le poids des années finirait-il par faire progressivement son œuvre ? Pour la première fois depuis qu'ils dominent collectivement le tennis mondial, ni Novak Djokovic (34 ans), ni Rafael Nadal (35 ans), ni Roger Federer (40 ans) ne seront engagés sur le moindre tournoi de préparation au dernier Majeur de l'année. Les trois monstres du circuit ont d'ores et déjà jeté l'éponge pour l'enchaînement traditionnel entre les Masters 1000 du Canada et de Cincinnati qui leur servent habituellement de tremplin pour lutter pour la victoire à Flushing. De quoi se demander s'ils seront en mesure d'être compétitifs à l'US Open voire simplement de… s'y aligner.
Si le Big 3 venait à manquer à l'appel de New York, ce serait indéniablement un grand coup dur pour un tournoi dont l'édition précédente avait déjà été marquée par les absences conjointes de Nadal et Federer, avant le coup de tonnerre de la disqualification de Djokovic en huitièmes de finale. Mais avant de se préparer pour le pire, l'heure est à l'analyse. Car si les trois légendes sont actuellement sur le flanc, leur situation est bien différente.

Nadal et son pied gauche, une longue histoire

Dernier forfait en date à Toronto puis dans l'Ohio, le cas Rafael Nadal n'est pas des plus rassurants. Touché au pied gauche lors de sa demi-finale contre le Djoker à Roland-Garros, le Majorquin avait été contraint à faire l'impasse sur Wimbledon et les Jeux Olympiques, s'imposant notamment trois semaines de repos avant de reprendre la raquette à l'entraînement. Exceptionnellement engagé à Washington la semaine dernière, il avait besoin de matches pour se remettre dans le bain et entamer un cercle vertueux. Peine perdue : après une victoire à l'arraché contre Jack Sock, il a dû céder face à Lloyd Harris dès les huitièmes de finale.
Au-delà du résultat brut, c'est bien le réveil de son inflammation chronique au pied, celle-là même qui avait menacé sa carrière dès 2004, qui le préoccupe. Après un mois et demi sans jouer, il aura donc suffi de deux matches pour contrarier ses plans. Mais Nadal n'en est pas à sa première blessure et il a prouvé par le passé qu'il en fallait plus pour l'abattre.
"Rafa a enchaîné les blessures depuis toujours. Son pied, son genou, à droite, puis à gauche et ainsi de suite. Cela fait des années qu'il a ce type de problèmes et qu'il a aussi la capacité de les gérer, puisqu'il a continué à gagner des Roland-Garros et à être compétitif sur les autres surfaces. Il a toujours réussi à passer outre. Ce n'est pas suffisamment grave pour que ça mette en danger sa fin de carrière", estime ainsi Jean-Bernard Fabre, docteur en physiologie.
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Harris, la surprise du chef : son succès face à Nadal en vidéo

Inquiétant pour l'US Open, moins pour la suite

Sans connaître précisément la nature du mal de l'Espagnol, difficile de se faire une idée précise des chances de le voir à l'US Open. Les enseignements du passé peuvent toutefois donner une indication. A trois reprises précédemment, il n'a joué ni au Canada ni à Cincinnati (2012, 2014 et… 2020 même si le contexte de la pandémie y a participé), et à chaque fois, il a aussi dû renoncer à Flushing. Néanmoins, l'intéressé s'est peut-être retiré par précaution pour se donner le temps d'être prêt, même si selon nos confrères de Marca, il a décidé de rentrer en Espagne pour consulter un spécialiste et décider de la suite.
"Il est plus âgé que les dernières fois où il a eu des problèmes. En vieillissant, la récupération est forcément moins bonne. Et ce n'est pas le gars qui va s'économiser sur certains points sur le court comme peut le faire Roger Federer. Mais il est intelligent, il sait se préserver désormais, Federer a d'ailleurs montré la voie dans la gestion de son calendrier. Nadal peut zapper ces tournois pour ne prendre aucun risque et privilégier le tournoi du Grand Chelem, même si ça reste préoccupant", considère celui qui a été notre docteur consultant lors du dernier Open d'Australie.
Qu'en est-il justement de Roger Federer ? Si l'état de forme de Nadal ne donne pas de raisons d'être alarmiste sur le moyen terme, c'est-à-dire après l'US Open, à l'horizon 2022, celui de son vieux rival suisse est bien plus inquiétant. D'abord parce que l'intéressé a franchi la barre marquante des 40 ans le 8 août dernier, ce qui ne lui laisserait que peu de temps sur les courts devant lui, même en parfaite santé. Ensuite parce que justement l'homme aux 103 titres est toujours (très) préoccupé par son genou droit qui a déjà subi une double arthroscopie.
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Roger Federer - Wimbledon

Crédit: Getty Images

Le dur américain, une surface dangereuse pour le genou de Federer

Après plus d'un an de rééducation et de travail acharné pour se donner une chance de revenir, le Bâlois a joué 5 tournois, atteignant les huitièmes à Roland-Garros et les quarts à Wimbledon. Un bilan remarquable à son âge mais très coûteux sur le plan physique, puisqu'une rechute (dont la proportion est inconnue) l'a contraint à se retirer des Jeux de Tokyo et donc de la tournée nord-américaine. Voir Federer, qui manque déjà de matches et de repères cette saison, s'aligner à New York semble très optimiste dans ce contexte.
"Roger, c'est le plus inquiétant. L'US a une particularité, c'est qu'il se joue sur une surface traumatisante avec un coefficient de friction très élevé. Il y aura énormément de contraintes sur l'articulation et avec ce qu'il a vécu, ce n'est pas l'idéal. Ajoutez à cela la chaleur et le défi est majeur. Ce n'est pas comme Wimbledon où le gazon est souple. Je ne le sentais pas à l'aise sur ses appuis lors de ses tournois de reprise sur herbe. Je trouvais qu'il n'avait pas des appuis aussi forts que par le passé, notamment pendant des échanges où il se retrouvait en bout de course à vitesse importante. A la télévision, j'avais l'impression qu'il marchait sur des œufs", observe Jean-Bernard Fabre.
A son âge, il est inimaginable que Federer décide de repasser une troisième fois sur la table d'opération s'il n'y a pas d'autre solution pour améliorer ses sensations au plus haut niveau. On voit mal le Suisse repartir pour au moins six mois supplémentaires de rééducation et un nouveau comeback des plus hypothétiques. C'est bien l'issue de sa carrière qui est en jeu. S'il a une chance de la prolonger en passant son tour à l'US Open, il la saisira puisque la passion ne l'a pas quitté. Comme l'an passé, Novak Djokovic pourrait donc être le seul membre du Big 3 à se présenter sur les courts de Flushing Meadows.
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Pas de médaille pour Djokovic : "La fatigue mentale et physique a eu raison de moi"

Djokovic a pris du recul pour retrouver de la fraîcheur physique et mentale

Car le numéro 1 mondial est celui des trois monstres qui présente le plus d'assurance. Vainqueur des trois premiers tournois du Grand Chelem de l'année, il a affiché un état de confiance ahurissant et donné de sérieuses garanties sur sa capacité physique à enchaîner les performances de choix de Roland-Garros (voire Belgrade juste avant) à sa demi-finale des Jeux Olympiques perdue contre Alexander Zverev alors qu'il menait d'un set et d'un break (6-1, 3-2). Cet échec à accrocher une médaille à Tokyo - puisqu'il a perdu à nouveau pour le bronze face à Pablo Carreno Busta - l'a indubitablement marqué et il a évoqué plusieurs blessures pour justifier son forfait en double mixte.
Si Nadal et Federer restent mystérieux quand il s'agit de leurs maux, le Djoker l'a été encore plus, ne donnant aucune indication sur les douleurs qui l'assaillaient. Ce qui semble certain, c'est que le Serbe a payé le rythme infernal (21 victoires consécutives) de ces dernières semaines et a eu besoin de souffler.
"Ce qu'il a déjà accompli cette année, c'est inédit, incroyable. Aller chercher une médaille d'or aux Jeux, c'était peut-être le truc en trop. Et il y a aussi le poids de la quête historique. En le voyant jouer, je n'ai pas l'impression qu'il se soit blessé à un endroit en particulier. En revanche, je pense qu'il y a beaucoup d'usure physique et mentale. Et c'est normal d'être épuisé nerveusement : c'est comme si vous passiez le concours de médecine, puis Sciences Po, puis l'ENA, et ce la même saison, et que vous faisiez ça depuis dix ans. Ces gars-là restent des êtres humains, même s'ils ont repoussé leurs limites à des extrêmes fous", souligne notre docteur en physiologie.
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Raquette balancée puis brisée : le double pétage de plombs de Djokovic

Le spectre du burn-out éloigné par un défi majuscule : le Grand Chelem calendaire

A moins d'une blessure sérieuse qui l'en empêcherait, il semble inconcevable de ne pas voir le Djoker tenter sa chance lors de cette édition 2021 de l'US Open. Son extraordinaire ambition ainsi que la perspective de faire le Grand Chelem calendaire - ce qui serait une première depuis 1969 et Rod Laver - tout en dépassant ses rivaux dans la course aux Majeurs sont autant de carottes qui pourraient bien l'aider à se remettre de la frustration des Jeux de Tokyo.
Reste à savoir à quel point sa désillusion olympique a touché l'animal. "En demi-finale contre Zverev, que s'est-il passé ? Son adversaire était-il simplement trop fort ce jour-là ? Y a-t-il eu une blessure ? Ou un burn-out ? Ce qu'il va falloir qu'il gère, c'est que ça peut être une blessure mentale. Sur une entorse classique ou sur une fracture, on a des délais de cicatrisation, sur le plan mental, c'est moins évident. Il a mis beaucoup d'engagement pour aller chercher cette médaille d'or, dans des conditions climatiques difficiles et dans la bulle de Tokyo. C'est insidieux, le surentraînement. Il y a plein de signaux d'alerte physiologiques et sa confiance a peut-être fait qu'il les a ignorés. Le problème, c'est que quand tous les voyants sont au rouge et que la machine dit stop, c'est assez compliqué de revenir en arrière, ça prend beaucoup de temps", explique Jean-Bernard Fabre.
Le burn-out, Djokovic l'a déjà expérimenté : c'était en 2016 après son premier titre à Roland-Garros, synonyme de Grand Chelem sur deux ans. Soudain sans objectif, il avait connu une période de flottement de deux ans, jusqu'à sa reconquête de Wimbledon en 2018. Cette fois, il lui reste donc un exploit historique à aller chercher, ce qui pourrait l'en préserver. Du moins jusqu'à ce fameux US Open.

Dans ce contexte, la "Next Gen" n'a plus d'excuses

Et malgré ses 34 ans, le numéro 1 mondial a montré qu'il avait encore une sacrée marge sur le format des cinq sets cette année. Mais ce qui s'est passé à Melbourne, Paris ou Londres n'aura pas forcément lieu à New York. D'abord parce que le Djoker n'y débarquera pas avec la même confiance, restant sur deux défaites consécutives (une première pour lui depuis la phase de poules du Masters 2019). Ensuite et surtout parce qu'il n'aura donc pas disputé le moindre match de préparation. Or depuis 1990, aucun joueur n'a jamais remporté l'US Open sans match lors de la tournée estivale nord-américaine.
On le sait, les trois monstres ont une capacité bluffante à élever progressivement leur niveau de jeu tout au long d'une quinzaine, en utilisant les premiers tours pour mettre leur jeu en place. Le défi n'est donc pas de nature à effrayer Djokovic qui devrait débarquer frais physiquement à Flushing. Mais ces Masters 1000 sans Big 3 offrent indéniablement une opportunité à leurs jeunes rivaux. L'an passé, la finale avait ainsi opposé Dominic Thiem à Alexander Zverev. Si l'Autrichien devrait avoir du mal à défendre son titre en raison de sa blessure au poignet, l'Allemand reste, lui, sur une médaille d'or de nature à lui donner confiance pour la suite.
En fin de saison, sur une surface abrasive et dans des conditions de chaleur humide éprouvantes, les organismes des vieilles légendes souffrent indéniablement de plus en plus. Les exemples se multiplient : lors de son dernier succès à Flushing en 2019, Nadal l'avait ainsi échappé belle contre Daniil Medvedev en finale, tandis que Federer avait quitté le court vidé l'année précédente contre John Millman. Que le Big 3 soit effectivement là ou pas à New York, le temps des excuses est révolu pour celle qui fut surnommée la "Next Gen".
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