Interview - Gilles Simon : "En match, Daniil Medvedev a un petit monstre à affronter à l'intérieur"
Mis à jour 25/11/2025 à 19:31 GMT+1
Gilles Simon a passé toute la saison 2024 aux côtés de Daniil Medvedev. Il avait pour mission de lui permettre de trouver des solutions tactiques. Si l'ancien joueur français a jugé cette aventure "enrichissante", et qu'il "adore" le Russe malgré ses excès, elle l'a aussi laissé un peu sur sa faim. Parce qu'il n'est pas simple de convaincre un ancien numéro un mondial de 28 ans de changer.
Simon : "Medvedev est extrêmement agréable hors du court, être dans sa box est plus désagréable"
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Une collaboration d'une année, qui faisait beaucoup envie, mais n'a pas tout à fait apporté les fruits escomptés. Pour sa première expérience d'entraîneur au plus haut niveau, Gilles Simon a collaboré avec l'autre Gilles, Cervara, au soutien de Daniil Medvedev. Il y a eu du bon et du moins bon en termes de résultats puis, à l'issue de la saison 2024, la séparation. "Quand on n'est plus en phase, ça s'arrête et ce n'est pas grave", résume aujourd'hui l'ancien joueur français.
Mais Simon ne regrette rien. Évacuons d'abord ce qu'il n'a pas aimé : les matches. Là, le Russe pouvait devenir ingérable. Même s'il savait où il mettait les pieds, le Niçois n'a pas forcément adoré cette partie de son travail. "La box, c'est le moment le plus désagréable avec lui, avoue-t-il dans l'émission Retour Gagnant, dont il était l'invité ce mardi. Il est extrêmement agréable en dehors, mais quand il est sur le terrain en match, il a un petit monstre à affronter à l'intérieur qui n'est pas simple à gérer. On a été joueur, on comprend ce qu'il se passe, on sait qu'il ne se rend pas service, mais on comprend. C'est dommage que ça sorte comme ça, mais je le savais avant de travailler avec lui. Tout le reste, ce n'était que du bonheur."
Le rôle spécifique de Gilles Simon a concerné le travail tactique. La grande force de l'ancien numéro 6 mondial du temps de sa carrière. "C'est un joueur que j'aime beaucoup, que j'adore même, et que je comprenais, témoigne-t-il. On avait parlé une fois ou deux de tactique, je lui avais notamment expliqué comment, à mes yeux, il fallait affronter Novak (Djokovic) et ça l'avait plutôt aidé, donc il avait envie d'essayer."
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Un photographe entre pendant la balle de match de Bonzi et c'est le chaos
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On a eu une première déconnexion à l'US Open
Mais il a fait face à deux problèmes : la gestion de ce ménage à trois, puisque Medvedev formait avec Cervara un couple solide et durable, et surtout une forme de réticence du joueur lui-même face au changement. "On a un joueur qui a beaucoup gagné, qui a 28 ans, qui a des convictions très fortes et c'est important pour lui de les avoir, mais c'est encore plus dur de changer dans ces cas-là, quand deux joueurs comme Alcaraz et Sinner sont passés au-dessus et que tu dois essayer autre chose", évoque-t-il à propos du second problème.
Pourtant, c'est bien avec cette idée que Medvedev est venu chercher Simon. Pour trouver tactiquement des solutions pour retrouver son rang, gagner à nouveau des Grands Chelems et redevenir numéro un mondial. Mais était-il prêt à passer de la volonté sur le papier aux actes sur le terrain ? Oui… et non. "On a amélioré plein de choses, qui ressortaient beaucoup à l'entrainement, mais en match c'est autre chose. Quand on arrive à 4-4, 5-5, est-ce que j'ai le courage d'appliquer ces changements ? Ou est-ce que je joue de la façon dont j'ai toujours gagné avant ?"
Gilles Simon a identifié le moment où le point de bascule s'est opéré : "On a travaillé tout l'hiver sur son retour de près et d'ailleurs, quand il a fait demie à Wimbledon, il a retourné de près. Parce que, pour moi, il est capable de le faire. Il n'y a qu'un joueur où on a décidé de reculer, c'était Struff, parce qu'il sert à 220 en première et 210 en seconde et ça donnait du temps à Daniil. On a eu une première déconnexion à l'US Open, où il a passé son tournoi à retourner de loin, ce qui ne se justifiait pas sur le plan tactique. Il savait qu'il allait battre les joueurs qu'il a battus en retournant de loin, Maroszan, Borges, etc. Mais mon analyse, c'était qu'il ne préparait pas son quart de finale contre Sinner en agissant comme ça."
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Peut-on tout se permettre sur un court de tennis ? "Si l'arbitre n'intervient pas..."
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C'est tout le sens aujourd'hui de la démarche d'un Jannik Sinner, justement. Après sa défaite en finale de l'US Open contre Carlos Alcaraz, l'Italien a décidé d'apporter des modifications dans son jeu, au service notamment, qui ne lui sont réellement utiles et nécessaires que contre son rival espagnol alors que contre 99% des autres joueurs, il n'en a pas besoin.
"Mais Daniil, il a gagné l'US, il a fait finale en agissant d'une certaine manière et dans son logiciel, il peut gagner en retournant de loin, relève Simon. Donc ce n'est pas simple de se faire entendre. C'est très compliqué pour un joueur de sortir de son schéma habituel quand il n'en a pas impérativement besoin. C'est forcément plus dur de changer des choses quand on arrive pour travailler avec un joueur qui a 28 ans, dont la trace est déjà faite, qu'avec un gamin qui a entre 15 et 20 ans."
Il faut savoir que Daniil m'a contacté sans en parler à Gilles
Dès lors, la séparation devenait inévitable. "En fin d'année, je lui ai posé la question : 'Comment j'aurais pu réussir à te convaincre ?'. Daniil m'a répondu 'Tu as déjà poussé très fort et, au-delà, ce n'était pas possible'." Gilles Simon a dû aussi trouver sa place. Convaincre Medvedev était une chose. Cohabiter avec Gilles Cervara, une autre. Le coach historique du Russe a estimé une fois la collaboration à trois achevée, que le ménage à trois avait provoqué "des grésillements, des perturbations" chez son joueur.
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Simon, potentiel inexploité : "Medvedev a été n°1 mondial, il a quoi de moins que lui ?"
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"Il faut savoir que Daniil m'a contacté sans en parler à Gilles, nous explique le Français. Daniil avait donc dû identifier qu'il manquait quelque chose, ou qu'il voulait ajouter des choses. Pour Gilles, c'était une situation qui n'était pas simple. C'est son entraineur de toujours, rien que la démarche d'aller chercher quelque chose, ce n'était pas évident à entendre. J'ai essayé de rassurer Gilles là-dessus, je n'avais pas le temps et je ne voulais pas faire 45 semaines par an auprès d'un joueur, donc en aucun cas sa place n'était menacée. Mais je n'ai pas mal pris ses propos, et à la fin, on était de plus en plus aligné avec Gilles sur ce qu'il fallait faire."
"Enrichissante, passionnante mais compliquée", voilà comme le jeune retraité résume son aventure avec le vainqueur de l'US Open 2021. Serait-il prêt à rempiler, mais en ayant complètement les cartes en main ? Pas tout de suite. Un jour, pourquoi pas ? "Mes enfants grandissent, ils ont 15 ans 12 ans. Peut-être dans 3-4 ans, mais pas maintenant. Je ne suis pas encore prêt à partir toute l'année." Et a-t-il été vacciné contre une collaboration à trois ? Pas forcément. Ne jamais dire jamais. "Le ménage à trois, dit-il, il y en a qui fonctionnent. Jannik Sinner, ça fonctionne plutôt bien, donc ça doit pouvoir se faire, mais peut-être qu'il faut le faire dès le départ. Là, je suis arrivé en prenant le train en route."
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29 mois qu'il attendait ça : la balle de match du titre pour Medvedev contre Moutet
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