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Il n'y a plus de revers à une main dans le Top 10 pour la première fois : doit-on s'y habituer ?

Maxime Battistella

Mis à jour 19/02/2024 à 17:49 GMT+1

Pour la première fois depuis la création du classement ATP en août 1973, aucun des dix meilleurs tennismen au monde ne joue son revers à une main. Le constat, que l'on peut déplorer pour des raisons esthétiques et la diversité du jeu, résulte de l'évolution du tennis moderne. Pourtant, le coup présente toujours des atouts tactiques et techniques, à condition de bien les maîtriser.

Bulgaria's Grigor Dimitrov hits a return to France's Ugo Humbert during their ATP Open 13 final tennis match on February 11, 2024 in Marseille, southern France.

Crédit: AFP

De règle à exception. Lors de la première publication du classement ATP le 27 août 1973, il n'y avait qu'un seul joueur dans le Top 10 à ne pas frapper son revers à une main, il s'appelait Jimmy Connors (10e). A l'origine d'une véritable révolution tennistique, l'Américain a initié une nouvelle tendance devenue désormais ultra-majoritaire sur le circuit. Tant et si bien que plus de cinquante ans plus tard, il n'y a ce lundi plus un seul revers à une main parmi les dix meilleurs joueurs du monde, Stefanos Tsitsipas n'en faisant plus partie pour la première fois depuis cinq ans.
Pour les puristes et amoureux du beau, le constat est regrettable. Mais il ne peut surprendre. Dans le Top 100 cette semaine, c'est simple, il n'y a que 11 joueurs avec un revers à une main : Tsitsipas donc (11e), Grigor Dimitrov (13e), Lorenzo Musetti (26e), Christopher Eubanks (34e), Chris Evans (42e), Daniel Altmaier (55e), Dusan Lajovic (58e), Chistopher O'Connell (65e), Stan Wawrinka (67e), Dominic Thiem (89e) et Aleksandar Kovacevic (100e). Et plus inquiétant encore pour l'avenir du coup, au sein de cette proportion très minoritaire de résistants, seuls quatre ont 25 ans ou moins, Musetti étant l'unique représentant de la génération Alcaraz-Sinner-Rune appelée à dominer le tennis dans les années à venir.

Plus de constance et de sécurité à deux mains

Alors, comment en est-on arrivé là ? Les conditions de jeu et la professionnalisation du sport sont les deux facteurs les plus évidents. Face au ralentissement des surfaces, à l'utilisation de balles de plus en plus lourdes, la solidification du jeu de fond de court s'est accentuée et généralisée, la dimension physique devenant aussi plus importante. L'aide de la seconde main en revers a permis aux joueurs de gagner en constance et en sécurité, limitant le risque de décentrage. Mais pour notre consultant Jean Paul Loth, cela ne suffit pas à justifier la disparition du revers à une main dans le Top 10.
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"La manière dont les joueurs se servent du revers à une main n'est pas la plus intelligente, de mon point de vue, fait-il observer. Pour se référer au plus célèbre d'entre eux, Federer, il a su varier entre les frappes très précoces, les demi-volées et les revers coupés qu'il était capable de distribuer dans toutes les zones du court. Il le faisait la plupart du temps quand il était gêné et qu'il ne pouvait pas ajuster son revers à une main frappé."
Certes le talent exceptionnel du Suisse, qui a eu dans son arsenal le revers slicé avant même de passer professionnel, n'est pas à la portée de tous. Mais il est à noter que d'autres ont su travailler ce coup spécifique pour devenir plus complets voire gagner des Grands Chelems. Stan Wawrinka et Dominic Thiem en sont de fameux exemples, ayant intégré le slice à leur palette progressivement. Grigor Dimitrov, lui, n'a jamais eu de problèmes techniques de ce point de vue, mais il a longtemps eu du mal à l'utiliser à bon escient.

Le slice, une arme tactique redoutable à une main

Ces derniers mois, le Bulgare a progressé de ce point de vue. Son revers slicé a fait des ravages, notamment en indoor au Rolex Paris Masters, puis dernièrement à Marseille et Rotterdam. A 32 ans, il a réussi à structurer davantage son jeu et à maîtriser l'alternance entre revers frappé et slicé. Il a ainsi battu Carlos Alcaraz à Shanghaï et Daniil Medvedev à l'Accor Arena de Bercy, de même que Holger Rune à Brisbane. Et à ce rythme, il peut ambitionner un retour prochain dans le Top 10. Stefanos Tsitsipas en a aussi le talent, mais il doit incontestablement mettre son revers en chantier.
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"Le nombre de balles décentrées qu'il fait dans un match est impressionnant, surtout quand ça devient important. Tsitsipas doit être capable de remiser quand il est gêné et de faire en sorte que son anticipation et son jeu de jambes lui permettent de faire face aux attaques des adversaires. Il faut jouer dans des zones qui n'autorisent pas l'adversaire à vous attaquer systématiquement. Et c'est faisable, insiste Jean-Paul Loth. Il y a des revers coupés très courts, très croisés qui n'autorisent pas ce genre de choses. On peut aussi trouver des zones très longues qui viennent chercher la ligne de fond qui protègent et empêchent les contre-attaques simples. Mais il ne faut pas donner de revers coupés sur la ligne de service à 2 à l'heure parce que là, vous vous faites massacrer."
Sur le plan tactique, le revers slicé constitue une variation intéressante pour casser la fameuse cadence en puissance caractéristique du jeu moderne. C'est un outil qui peut aussi servir – et Federer le faisait notamment à merveille – à attirer son adversaire au filet dans de mauvaises conditions pour le punir d'un passing sur la frappe suivante. Les changements de rythme sont un atout redoutable face à des échanges de plus en plus stéréotypés. Mais encore faut-il maîtriser techniquement toutes les dimensions du revers à une main, et ce même si le revers à deux mains permet de rater moins.

La variété des surfaces entretient la variété des styles

"Il y a des choses qu'on fait plus difficilement à une main qu'avec deux, c'est vrai, concède ainsi l'ancien capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis. C'est le cas, par exemple, du type de passing-shot court croisé qu'on a vu faire par Sinner en finale à Rotterdam. On peut le réussir une fois avec un revers à une main avec un peu de chance, mais pas cinq fois d'affilée sur des attaques précises comme celles de De Minaur. De même, la volée de revers liftée haute à deux mains que certains font très, très bien, c'est moins évident en revers à une main. Mais on peut aussi se dire qu'un revers à une main donne l'occasion de récupérer une balle un peu plus loin sur l'extérieur. Et puis, surtout, à la volée, cela donne un avantage par rapport à quelqu'un qui joue à deux mains."
Reste que le jeu au filet a été quelque peu abandonné au XXIe siècle, du moins c'est la tendance générale sur le circuit. Pour avoir davantage de revers à une main et de diversité dans les profils, redonner leurs spécificités aux surfaces en termes de vitesse et de hauteur du rebond ne serait peut-être pas une mauvaise idée, de même que de ne pas changer systématiquement de balles et de contrôler leur poids. Si les joueurs s'expriment de plus en plus sur ces sujets, ils ne sont pour le moment pas entendus. Mais le combat mérite d'être mené.
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