Miami : Dimitrov - Goffin, le rebond après la chute ?

Londres, 19 novembre 2017. Dans l'écrin avant-gardiste de l'O2 Arena, Grigor Dimitrov et David Goffin, portés par une année 2017 exceptionnelle, se retrouvent en finale du Masters. Une sorte d'apogée pour le Bulgare et le Belge, de la même génération (27 et 28 ans), souvent placés, mais ayant vécu dans l'ombre d'un Big Four omnipotent voire tyrannique.

Ce sommet londonien, tout surprenant qu'il fut (le Masters étant plus habitué ces dernières années à des triomphes de Roger Federer ou Novak Djokovic) promettait d'être suivi par d'autres, tant les deux joueurs semblaient avoir toutes les cartes en main pour se tailler une belle place dans les hautes sphères du circuit ATP. Mais le soufflé est très vite retombé. Retour sur des années sinusoïdales et deux destins curieusement proches qui s'entremêlement régulièrement.

Depuis ses débuts, les sommets du tennis mondial sont promis à Grigor Dimitrov. Belle gueule, très à l'aise devant les médias, explosif sur le court, le Bulgare passé par l'académie Mouratoglou doit supporter à la fois pression, attentes et espoirs du monde du tennis. Son superbe revers à une main suscite les comparaisons avec Roger Federer himself, d'où un surnom flatteur mais particulièrement encombrant pour le prodige d'Europe de l'Est : "Baby Fed".

Alors quand le natif d'Haskovo signe une saison 2017 plus que solide, la logique semble enfin reprendre ses droits. Les meilleurs crus de son très bon millésime ? Une demi-finale sensationnelle à Melbourne contre Rafael Nadal (perdue 6-3, 5-7, 7-6(5), 6-7(4), 6-4), des titres à Brisbane, Sofia, mais surtout à Cincinnati, où il décroche son premier titre dans la catégorie Masters 1000 contre Nick Kyrgios.

De son côté, David Goffin fait preuve d'une régularité de métronome en cette année 2017 : quart de finale à l'Australian Open, à Madrid, demies à Monte-Carlo et Bâle, finales à Sofia et Rotterdam... Petit gabarit pour le tennis moderne (1m80, 70 kg), le Liégeois compense par un jeu tout en fluidité et un déplacement parmi les meilleurs du circuit. Affamé, il finit la saison et la tournée asiatique comme un boulet de canon en remportant coup sur coup Shenzhen et Tokyo.

Pour son malheur, le Belge va souvent croiser la route du même homme en cette année 2017 : Grigor Dimitrov. A Londres, pour la troisième et quatrième fois de la saison après Melbourne et Sofia, le Belge, tombeur surprise de Roger Federer en demi-finale, va doublement baisser pavillon face au Bulgare : une correction en phase de poules (6-0, 6-2) suivie d'un duel accroché en finale (7-5, 4-6, 6-3).

Goffin finira d'ailleurs sa saison sur un nouvel échec en finale de la Coupe Davis face à la France, non sans avoir survolé les débats contre Jo-Wilfried Tsonga et Lucas Pouille en simple. 2017 se conclut donc en pleine lumière pour les deux joueurs qui connaissent alors leur meilleur classement en carrière (3e pour Dimitrov, 7e pour Goffin).

Quelques semaines de repos bien méritées et 2018 commence doucement pour les deux hommes. Mais les belles promesses se fracassent vite sur l'impitoyable mur de la réalité. Cueilli à froid par Julien Benneteau au 2e tour à l'Open d'Australie, David Goffin va ensuite jouer de malchance en février, à Rotterdam, en étant touché à l'œil par une balle après une volée boisée. Une blessure qui intervient lors de sa demi-finale contre… Grigor Dimitrov.

Blessé, Goffin doit jeter l'éponge. Suivront de longues semaines de galère pour récupérer la pleine possession de ses moyens et notamment sa connexion œil-bras, mise à mal par la blessure. Sans être calamiteuse, la fin de saison du Belge sera tout sauf flamboyante, malgré une demi-finale à Cincinnati.

Rotterdam sonnera aussi comme la fin de l'état de grâce pour Grigor Dimitrov. Après sa défaite face à Federer en finale du tournoi néerlandais, le Bulgare va disputer 16 tournois. 16 tournois pour… sept défaites au premier tour et cinq dès le 2e. Pas loin d'être catastrophique pour "Baby Federer". A l'exception notable d'une demi-finale à Monte-Carlo, le Bulgare va traverser comme un fantôme une grande partie de saison.

Frustrant… mais presque attendu, diront certains. Depuis le début de sa carrière, 2017 mis à part, Dimitrov a souvent connu des trous d'airs, enchaînant fulgurances et déceptions. Pourtant, cette décompression 2018 interpelle davantage, étant donné le nouveau statut du Bulgare. Le classement ATP délivre sa punition : encore 5e en août, Dimitrov finit l'année dans la queue de peloton du top 20 (19e).

Pas le temps de digérer son repas de réveillon pour David Goffin. Fidèle à ses habitudes, le Liégeois a décidé de jouer, même de beaucoup jouer, en cette année 2019, et participe au tout début de janvier au tournoi de Doha. Mais celle nouvelle année ne chasse pas les nuages de 2018. En seulement trois mois, le Belge va subir quatre défaites au premier tour (Doha, Montpellier, Rotterdam et Indian Wells).

En manque de rythme, il a même semblé touché le fond en perdant il y a quelques jours contre le modeste Italien Salvatore Caruso… au Challenger de Phoenix. Un Challenger très côté, certes. Mais au standing assez éloigné des ambitions d'un ancien membre du Top 10.

Mais n'est-ce pas en touchant le fond qu'on peut ensuite rebondir ? L'Open de Miami pourrait bien être le cadre de cette "rennaissance". Facile tombeur de Pablo Andujar au premier tour, "la Goff", actuel 20e mondial, aura l'occasion d'enchaîner une deuxième victoire contre Marco Cecchinato, pas vraiment un cador sur surface dure. Prudence toutefois : la dernière rencontre entre les deux hommes avait tourné en faveur de l'Italien à Roland-Garros. S'il passe l'obstacle, Goffin retrouverait Frances Tiafoe ou David Ferrer.

Son "meilleur ennemi de 2017" est, peu ou prou, dans la même situation. Grigor Dimitrov, qui n'avait plus joué de matchs officiels depuis sa défaite face à Frances Tiafoe en huitième de finale à Melbourne, a expédié le vétéran Feliciano Lopez (6-1, 6-3) lors de son entrée en lice. Son prochain tour, face à Jordan Thompson (77e) s'annonce plus qu'abordable, avant un possible duel contre Kevin Anderson en huitième. Gare tout de même à l'Australien Thompson qui a éjecté Karen Khachanov au tour précédent.

Comme en 2017 et 2018, Dimitrov et Goffin pourraient bien poursuivre leur curieux mimétisme et épouser la même trajectoire. Pour le Bulgare comme pour le Belge, l'occasion est surtout belle de retrouver de la confiance et d'enchaîner les victoires sous le soleil de Floride. Une étape nécessaire pour ressentir de nouveau l'ivresse des sommets. Comme lors d'un 19 novembre 2017, parmi "les maîtres" de Londres.