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Miami vintage : Lendl - Connors, de l'orage dans l'air

Rémi Bourrières

Mis à jour 26/03/2020 à 11:30 GMT+1

Il n'y aura pas de tennis à Miami cette année (merci le coronavirus). Cela nous laisse un peu de temps pour nous replonger dans les grandes heures du Masters 1000 floridien. Chaque jour, retour sur une page marquante ou un match inoubliable restés dans l'histoire. Aujourd'hui, cap sur 1986 et 1987 avec un double affrontement Lendl - Connors qui aura versé, à chaque fois, dans le psychodrame.

Lendl - Connors

Crédit: Eurosport

Ivan Lendl – Jimmy Connors

Editions : 1986 et 1987
Tour : Demi-finales
Vainqueur : Ivan Lendl (Tchécoslovaquie)
Adversaire : Jimmy Connors (Etats-Unis)
Score : 1-6 6-1 6-2 2-6 5-2 def. (1986) ; 3-6, 7-6(7), 7-6(9), 6-3 (1987)

1986 : Connors disqualifié !

Né en 1985 à l'initiative de Butch Buchholz, ancien joueur américain et directeur de l'ATP, le tournoi de Miami – initialement appelé le Lipton International Players Championships - a connu un parcours assez itinérant : d'abord joué à Delray Beach puis transféré à Boca Raton en 1986, il s'est établi en 1987 sur l'île de Key Biscayne, où il est resté jusqu'en 2018 avant de revenir sur le continent, au Hard Rock Stadium. Une chose, toutefois, n'a jamais changé : l'antagonisme et le caractère bouillant d'Ivan Lendl et Jimmy Connors, qui se sont affrontés deux fois en Floride lors de deux demi-finales restées dans les mémoires, en 1986 à Boca Raton puis en 1987 à Key Biscayne.
Lorsque les deux hommes se retrouvent en 1986, leur rivalité est déjà empreinte de 25 duels mais aucun, bizarrement, n'est encore allé aux cinq sets. Ce samedi 21 février 1986, la demi-finale du "Lipton" – alors joué avant le tournoi de La Quinta, lui-même l'ancêtre d'Indian Wells - est donc une première. Le score est de 1-6, 6-1, 6-1, 2-6, 3-2, 30-0 pour le Tchécoslovaque, alors n°1 mondial, lorsque le match bascule dans le psychodrame.
Sur une balle de Lendl qu'il estime au moins "15 centimètres dehors", Connors s'arrête alors de jouer, persuadé que le point est pour lui. Mais le juge de ligne a vu la balle bonne. Et l'arbitre de la rencontre, l'Anglais Jeremy Shales, tendu par l'ambiance électrique qui règne depuis le début du match (plusieurs contestations et un avertissement de chaque côté), ne bronche pas. Il accorde le point à Lendl, à la grande fureur de l'Américain qui se précipite vers lui à grands renforts de gestes de contestation.
"Jimbo", déjà passablement énervé par un arbitrage qu'il estime plus qu'approximatif – même Lendl lui donnera raison ! -, refuse de reprendre le jeu à 40-0. Il écope d'un point de pénalité : 4-2. Puis d'un un jeu de pénalité : 5-2.
Le superviseur Kendall Farrar et le juge-arbitre Alan Mills arrivent alors à la rescousse sur le terrain pour le supplier de repartir. En vain. Connors ne cille pas. Après 3h43 de jeu, il est disqualifié pour la première fois de sa carrière. Une sanction qui lui vaudra une amende de 25 000 $ et une suspension de 10 semaines entre les mois d'avril et mai, ce qui le conduira à manquer Roland-Garros.
Boca Raton 1986 : Jimmy Connors fou furieux après l'arbitre.

1987 : Tempête sous un crâne

L'année suivante, en 1987, le "Lipton" a donc pris ses quartiers dans un Tennis Center de Crandon Park encore en friche lorsque les deux joueurs se retrouvent pour la revanche. Lendl est toujours n°1 mondial, et Connors toujours dans le top 10 à 34 ans. Le Tchécoslovaque a désormais totalement la main-mise sur son rival, face auquel il n'a, signalons-le, jamais perdu (15 victoires consécutives !) après une ultime défaite en finale de Tokyo en 1984. Mais honnêtement, pour cette demi-finale, il n'est pas si favori que ça. Arrivé en petite forme, il a connu un parcours difficile, mené notamment 2 sets à 1 au 2e tour par l'Américain Paul Annaconne, puisqu'il faut rappeler qu'à cette époque, le tournoi floridien se disputait sous le format d'un Grand Chelem, qu'il rêvait d'ailleurs de devenir.
Et puis, ce vendredi 6 mars 1987, le temps est tellement exécrable sur Miami qu'il rend les choses plus qu'incertaines. Des rafales de vent à plus de 80 km/h, un crachin continu… Et le plus nerveux des deux, dans ces conditions quasi-apocalyptiques, c'est Lendl. Il ne lui faut pas un jeu pour demander à l'arbitre, l'Américain Richard Kaufman, l'interruption du match.
Au deuxième jeu, après avoir manqué deux balles de break, il expédie une balle dans les tribunes et hurle au superviseur Kendall Farrar, au bord du court : "vous vous foutez complètement de la qualité du jeu !" Lendl est furieux après ce dernier. Après s'être octroyé une pause toilettes au début du 2e set, et alors que Farrar lui demande où il était, Lendl se moque ouvertement de lui : "Avec mon père, au téléphone !" Ambiance…
Connors sent bien que son adversaire est fébrile, prenable. Il se détache 6-3, 5-3, ne manquant pas d'enfoncer le clou en haranguant les 11 000 spectateurs totalement acquis à sa cause. Dans la tempête, Lendl a alors une réaction de grand champion. Il débreake et finit par revenir à un set partout après un jeu décisif très serré. Mais c'est pour mieux rechuter au 3è set, où l'on atteint le paroxysme de la tension. Dans ce 3è set, Connors se détache 4-1, deux balles de 5-1. Alors que le crachin redouble, Lendl hurle sa rage auprès de l'arbitre, qui finit par lui coller un avertissement, ce qui ne fait qu'attiser son courroux. Le public, chauffé à blanc par Connors qui plaisante avec des spectateurs du premier rang pendant l'altercation, est en délire.
Mais là encore, Lendl a une immense réaction d'orgueil. Il opère sa remontée, tandis que Jimmy multiplie en toute discrétion (et donc en toute impunité), les gestes obscènes, et chambre son rival en mimant un geste d'épéiste après avoir réussi une interception au filet. A 5-5, le Tchécoslovaque nous sort sa "spéciale" : un passing sur l'homme tiré à bout portant et de toutes ses forces, qui, heureusement freinée par la bande du filet, finit dans la gorge de Connors. Lequel réfute le temps mort médical mais prend tout son temps pour récupérer, ce qui lui vaut… un avertissement !
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Ivan Lendl à Key Biscayne en 1987.

Crédit: Getty Images

Dans le stade, cela devient du délire absolu et sur le terrain, à vrai dire, il n'y a plus grand-chose de cohérent non plus. Lendl sert à 6-5 pour le 3e set mais se fait débreaker sous une pluie désormais battante, ce qui le met hors de lui. 6-6. Le match est alors interrompu. Connors sort du terrain en murmurant : "That's war." C'est la guerre…
Le match reprend le lendemain en début d'après-midi, sous un soleil revenu. On entre tout de suite dans le vif du sujet, puisque les deux hommes attaquent par le tie break du 3è set. Mais la nuit n'a visiblement pas calmé les ardeurs du scénariste de ce match. Lendl se détache 6 points à 1 mais se fait remonter à 6-6 par un Connors qui sauve une balle de set supplémentaire à 7-6, avant d'en obtenir deux à 8-7 et 9-8. En vain. Lendl finit par arracher la mise. Il a fait le plus dur. Connors le sent, qui pulvérise une chaise d'un coup de pied rageur. L'arbitre fait mine de n'avoir rien vu. Lendl l'applaudit, ironiquement.
Le 4e set sera toutefois plus facile pour le Tchécoslovaque qui finit s'imposer après 4h42 de jeu effectif. Lui qui était si avare en compliments - surtout envers Connors - aura ensuite ces mots, rapportés par Tennis Magazine : "Connors n'est peut-être plus ce qu'il était mais il a gardé quelque chose qui n'appartient qu'à lui : sa faculté de revenir après des passages à vide". Le lendemain, vidé de tout son influx, Ivan Lendl sera balayé en finale par Miloslav Mecir.
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