Federer ne décolle pas

Vous l'aimez aérien, vif et fulgurant ? Il faudra attendre. Roger Federer a les pieds plus lourds que prévu. Et à la première envolée, il s'est perdu dans les bourrasques monégasques face à Jürgen Melzer. "Je me suis retrouvé mené un set à zéro sans avoir l'impression de faire un mauvais match", a-t-il constaté. "Ensuite les conditions sont devenues très difficiles avec le vent qui s'est levé. Ma défaite est une combinaison de plein de facteurs. Ça arrive, il faut vivre avec."

Le vent a fait basculer la rencontre ? C'est un peu léger dirait-on, si ce n'était pas Roger en face de nous qui argumente : "(Le vent) cela affecte toujours les deux joueurs mais ça n'aide pas lorsqu'on court derrière le score. Le vent est arrivé au moment où je cherchais à trouver mon rythme, à créer quelque chose. Mais j'ai eu quand-même mes chances de revenir dans le match. C'est évident que j'ai raté trop de balles de break aujourd'hui." Et Nadal confirme : "C'était compliqué de jouer dans ces conditions et cela n'a pas dû l'aider et je pense aussi que Melzer a fait un bon match."

Federer avait fait deux matches "solides", selon ses propres mots, devant Philipp Kohlschreiber et Marin Cilic au premier et deuxième tours. Solides, mais sans éclat. Les deux adversaires avaient donné beaucoup de points précieux à un joueur qui ne les dominait pas. Ce qui marque le tournoi de reprise du Suisse, c'est la difficulté à changer de rythme dans l'échange, et un décalage entre ses certitudes et la "réalité du terrain".

Dans le jeu, Federer cueille encore eux qui se montrent trop répétitifs (Kohlschreiber, Cilic), mais il cale plus souvent contre ceux qui savent le déplacer : à Monaco, "(Melzer) a su être agressif et bien varier le jeu", admet-il. Et là, on pense très fort à Novak Djokovic, qui sait très bien le faire. Federer c'est la vivacité et une main exceptionnelle.

Enlevez-lui un peu de cette rapidité dans le déplacement, et cela le pénalise. Moins sur dur, car sa main lui permet de compenser, mais sur terre, cela donne un peu plus d'espaces aux opportunistes. Et vous le noterez, surtout côté revers. Le fait que Melzer soit un gaucher ne l'a pas travaillé : "Ecoutez, je ne pense pas avoir perdu contre un gaucher autre que Nadal depuis sept ou huit ans." Sa diagonale revers lui a pourtant coûté beaucoup d'énergie. "Je suis toujours surpris quand Roger (Federer) perd", dit Nadal. Sur terre, il en sait quelque chose, cela lui arrive plus souvent qu'ailleurs.

Sans réellement "brouiller les pistes", on perd parfois la trace de Federer ces derniers temps. Son palmarès lui sert de bouclier face aux critiques : "J'ai quand-même fait trois fois finales ici (2006, 2007, 2008), ça veut dire que je peux bien jouer ici". Et l'an passé (impasse) comme en 2009 (2e tour), cela ne l'a pas empêché de faire des beaux parcours ensuite à Madrid et Roland-Garros. Cela dit, nous notons le contraste entre les déclarations de début de semaine : "Dès les entraînements la semaine dernière, je me sentais à l'aise", et celles de ce vendredi : "Je ne m'attendais pas à être tout de suite à mon meilleur niveau. Ça aurait été une surprise agréable plus qu'autre chose."

Roger Federer estimait aussi qu'il n'avait pas assez joué l'an passé. Là, il se contente de trois matches, et part en Suisse pour travailler ses gammes : "Je retourne en Suisse pour m'entraîner sur terre battue. J'espère qu'il fera beau, sinon il faudra jouer sur court couvert, aller ailleurs ou partir plus tôt à Madrid. Je suis content de rentrer chez moi.C'est un mois très important pour travailler sur tous les aspects de mon jeu", poursuit-il, déçu mais sans inquiétude. "Il vaudra mieux être prêt physiquement et mentalement pour encaisser le gros programme qui m'attend avec Madrid, Rome, Roland-Garros, Halle et Wimbledon." Plaqué à terre par Melzer, il faut peut-être simplement une piste un peu plus longue pour le décollage d'Air Federer.