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Federer - Nadal : Les géants meurent quand ils le décident

Laurent Vergne

Mis à jour 27/01/2017 à 19:30 GMT+1

OPEN D'AUSTRALIE - Melbourne vivra dimanche un dénouement aussi extraordinaire qu'inattendu entre Roger Federer et Rafael Nadal. Une invitation au plaisir, mais aussi à la sagesse devant des jugements parfois trop définitifs.

Roger Federer et Rafael Nadal fin 2015 lors de l'IPTL.

Crédit: AFP

Attention, frottez-vous bien les yeux avant de lire cette phrase : la finale de l'Open d'Australie va opposer Roger Federer à Rafael Nadal. Non, nous ne sommes pas en 2009 mais bien en 2017. Les deux plus grands champions du XXIe siècle avaient fini l'année 2016 à l'infirmerie. Ils resteront, quoi qu'il arrive dimanche, les grandes figures du premier grand rendez-vous de la saison 2017.
Le retour de l'un ou l'autre, juste l'un ou l'autre, aurait déjà été savoureux. Mais de par leur simultanéité, leur résurrection confère à cette édition 2017 de l'Open d'Australie un caractère historique. Alors, après avoir écrit ici-même voilà 48 heures que cette tentation-là, celle d'une finale entre Federer et Nadal, était trop forte pour ne pas être désirée, je ne cacherai pas ma joie et elle est sans doute partagée par une grande partie des amoureux de ce sport.
Bien sûr, Grigor Dimitrov aurait tout autant mérité d'être sur la Rod Laver Arena dimanche. Le Bulgare a été formidable vendredi. Il va sans doute mal dormir, aura la boule au ventre, mais le temps des triomphes ne peut pas ne pas venir pour lui s'il garde ce cap. Tennistiquement (qui en doutait?), physiquement et en termes de force de caractère, il a été magistral dans cette demi-finale. Dimitrov a davantage grandi en deux semaines qu'en cinq ans. Mais cette finale Federer-Nadal, devenue tellement improbable au fil des mois, voire des années, c'est comme si on nous autorisait à voyager dans le temps pour repartir en enfance le temps d'un week-end.
Visuel retour sur le futur

Dimanche, l'enjeu sera historiquement majeur pour eux, mais il restera secondaire pour nous

Ils l'ont dit tous les deux à mesure que l'hypothèse gagnait en crédit, ces retrouvailles, ils vont les savourer. Je pense que Federer n'admire aucun champion davantage que Nadal et l'inverse est tout aussi juste. Maintenant, après les amabilités et les marques de respect bien plus que de circonstance, il y aura une finale dimanche. Pour ces affamés, le dernier repas de la quinzaine sera le plus important. Cette finale, ils voudront la gagner, surtout après une si longue diète. A compter de 19h30 heure locale, il n'y aura plus de "belle histoire des retrouvailles". L'agressivité qu'ils n'ont jamais mise dans leurs relations hors du terrain, ils la déploieront comme d'habitude sur le court.
Dans une perspective historique, son issue ne sera pas neutre. En s'imposant à plus de 35 ans et près de cinq années après son dernier sacre, Federer marquerait encore un peu plus son temps et son sport. Il placerait aussi Nadal à quatre longueurs (et Djokovic à six) dans la hiérarchie du Grand Chelem. A l'inverse, le Majorquin pourrait revenir à 17-15 avec l'alléchante idée d'un Roland-Garros dans la foulée. Le record ne serait plus très loin. Mais si ces composantes sont majeures, j'ai presque envie de dire qu'elles sont à mes yeux secondaires. Le plaisir de les voir réunis surpasse de très loin l'enjeu de ce 35e duel entre les deux hommes. Le vainqueur m'ira très bien.
C'est aussi une formidable leçon. Quand on a le privilège, et je pèse le mot, d'être contemporains de tels champions, on les respecte. Et le respect commence par ne pas avoir la prétention de leur dire quand ils feraient mieux de se retirer de la scène qu'ils ont si bien servie. Les géants meurent quand ils le décident, pas avant. Combien de fois les a-t-on mis sous terre ? Combien de fois ai-je lu ou entendu que, pour Federer, c'était la "dernière chance" de gagner un majeur ? On nous a fait le coup à Wimbledon en 2014, en 2015, puis à l'US Open, toujours en 2015, et encore à Wimbledon l'été dernier. Et Nadal... Il avait passé près de trois ans sans voir un dernier carré, il était bon pour la casse. Il commençait même à faire de la peine.
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5 heures d'un combat éblouissant : Nadal est redevenu un guerrier pour éliminer Dimitrov

Roger, Rafa et la jurisprudence Sampras

Soyons clairs, cette finale, je ne l'avais pas vue venir. Elle constitue une énorme surprise. Même avec le plateau du dernier carré sous les yeux, je croyais davantage à un dénouement Dimitrov-Wawrinka. Pour vous dire ma clairvoyance du moment. En revanche, j'ai toujours essayé de ne pas considérer que Nadal ou Federer étaient finis pour de bon. Cela ne veut pas dire que je n'ai pas douté de leur faculté à se relever. Notamment pour Federer en 2013, tant il semblait avoir amorcé un réel déclin. Cela ne veut pas non plus dire que je les croyais en mesure de gagner à nouveau des grands titres. Mais je ne voulais pas écarter trop radicalement cette hypothèse.
Pourquoi ? A cause de ce que j'appellerai la "jurisprudence Sampras". En juillet 2002, l'Américain avait touché le fond au mois de juillet en s'inclinant contre George Bastl au deuxième tour de Wimbledon. C'était pathétique. Vraiment. Un peu triste, aussi. Et comme beaucoup, j'étais convaincu que, pour Sampras, le temps était venu de tirer le rideau. Deux mois plus tard, il gagnait l'US Open et je n'en avais pas cru mes yeux. Ce fut son dernier acte. Il n'a plus jamais rejoué après ça. Sampras, en géant qu'il était, avait choisi sa sortie.
Depuis, je me méfie toujours de moi-même et de mes jugements définitifs. Même quand ils apparaissent tentants. Après sa défaite contre Fabio Fognini à Flushing en septembre 2015, alors que l'hallali sonnait, et que Rafa semblait au plus bas, j'avais écrit ceci : "Je ne sais pas s'il a les outils pour s'en sortir, mais Nadal est un champion rare. Suffisamment pour respecter son passé, mais aussi son avenir." Le titre, ironique, de cet article était : "Bon pour la casse Nadal ? Oui, comme Federer il y a deux ans". Depuis Melbourne, où ils doivent goûter cette finale peut-être un peu plus que d'autres, ils nous ont encore donné une leçon. On ne saurait trop les en remercier.
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