Roland-Garros 2023 - Stefanos Tsitsipas a-t-il un complexe Carlos Alcaraz ?

Bis repetita pour Carlos Alcaraz. Comme l'an passé, l'Espagnol aborde ces quarts de finale avec une attente particulière autour de lui, encore plus après sa démonstration face à Lorenzo Musetti en 8e de finale. Comme l'an passé, le tournoi bruisse déjà de cette potentielle demi-finale face à Novak Djokovic, comme il espérait le duel générationnel face à Rafael Nadal en 2022. Comme l'an passé, il défie un membre de la Next Gen qu'il a déjà mis dans le rétro, Stefanos Tsitsipas. Mais, justement, c'est à ce stade qu'il s'était écroulé l'an passé, battu sans débat par un impressionnant Alexander Zverev. Alors, bis repetita pour Alcaraz ? L'identité de son adversaire laisse présager une tout autre histoire.

Car, ce mardi, Alcaraz va affronter l'une de ses victimes préférées. Comme face à Dusan Lajovic et Albert Ramos-Vinolas, l'Espagnol mène 4-0 au bilan des confrontations avec le Grec. La dernière en date a encore renforcé l'impression d'une vraie classe d'écart entre les deux hommes : à Barcelone, en finale, Alcaraz avait été parfait, agressif et créatif, pour noyer complètement Tsitsipas (6-3, 6-4). Une démonstration qui lui avait valu ces mots, plein d'ironie et d'admiration – presque de déférence - du finaliste du dernier Open d’Australie : "Carlos, vas-y mollo mon gars. Tranquille ! Partager c'est prendre soin des autres, tu sais ?"

Admiration parce qu'au fond, Alcaraz est devenu ce que Tsitsipas devait devenir : le petit prince de la terre battue derrière le roi Nadal. Depuis sa finale ici-même en 2021, le Grec n'a soulevé qu'un seul titre sur ocre. Dans le même temps, le n°1 mondial a remporté sept tournois sur la surface. Créatif, offensif, charismatique, inspirant et vainqueur à la fin, voilà le destin qui était promis à Tsitsipas. Mais, ces derniers mois, le Grec semble stagné dans son jeu et dans son identité. Tout l'inverse d'un Alcaraz en progression constante et désormais installé comme patron du circuit.

Interrogé dimanche sur son rapport à Alcaraz, Tsitsipas n'a pas changé de ton. "Son jeu nous pousse tous à être meilleur, a-t-il ainsi expliqué. Ce genre de rivalité, c'est la chose la plus dure que vous pouvez avoir dans notre sport. Je ne sais pas si ça fait sens mais le jouer le plus possible vous donne quand même plus de chances de le battre."

Mathématiquement, le raisonnement se tient. Tennistiquement, un peu moins. En quatre duels, Tsitsipas n'a jamais trouvé la clé malgré un premier duel prometteur à New York en 2021, bouclé en cinq sets. Sans doute parce que, tactiquement, Alcaraz est l'antithèse parfaite au style du Grec. "Son jeu est vraiment bien pour le mien", a d'ailleurs admis l'Espagnol à l'évocation de leurs duels passés.

Joueur et offensif, surtout sur terre, Tsitsipas se retrouve souvent à la merci des contres supersoniques de l'Espagnol, sans doute le meilleur contre-attaquant du circuit avec Novak Djokovic, dans un style différent. Ses carences en revers et sa tendance à jouer loin de sa ligne en retour offrent aussi un terrain idéal pour l'arme fatale d'Alcaraz : les amorties.

Après Barcelone, le Grec avait détaillé le pourquoi du comment. "Alcaraz frappe vraiment très fort la balle, rappelait-il. C'est vraiment compliqué de jouer contre lui puisqu'il envoie des frappes très lourdes et très puissantes mais aussi des amorties qui sortent de nulle part. Donc, toi, tu restes un peu à mi-chemin. Tu dois jouer très long et très bombé pour empêcher ça. Pas le plus simple…". Mais ce n’est pas tout.

"Le plus dur pour Tsitsipas, c'est le coup droit de Carlos qui monte très vite sur son revers, confirme notre consultant Alex Corretja, qui n'avait pas manqué une miette du duel barcelonais. Derrière, s'il joue court, il sait qu'il va prendre un coup gagnant. Ensuite, dans la diagonale de revers, Carlos peut tenir éternellement et peut plus varier que Stefanos. Dans la diagonale de coup droit, je ne crois pas que Carlos soit effrayé par le coup droit de Stefanos. Donc, pour moi, Stefanos devra très bien servir, il devra réussir à trouver sa place sur les seconds services d'Alcaraz pour lui faire mal. Si Carlos est à l'intérieur du court, vous êtes morts."

Ajoutez-y une tendance récente de Tsitsipas à céder sur ses matches face au Top 10 (8 défaites sur les 10 dernières confrontations) et vous aurez le panorama complet du cauchemar promis au Grec, qui avait déjà nourri pareil complexe face à Daniil Medvedev avant de finalement trouver la clé par deux reprises sur les deux derniers mois. Est-ce pour cette raison que nos consultants s'attendent à une vraie bagarre ? Peut-être. Peut-être aussi parce qu'Alcaraz, mine de rien, joue gros. Et parce que Tsitsipas, malgré ses errements ou ses creux, reste un joueur à part.

"Contre Carlos, il faut absolument être agressif, comme le fait Sinner sur dur. Je crois que Tsitsipas va tenter de faire. OK son revers à une main n'est pas aussi bon que celui de Musetti mais il est suffisamment têtu pour essayer d'imposer les rallyes à Carlos", estime ainsi Mats Wilander à l'heure de se pencher sur le duel tactique. Alex Corretja, lui, insiste sur le mental. "Stefanos est plus calme, plus agressif qu'à Barcelone, avec un coup droit revenu à son meilleur niveau. Pour moi, il est bien plus près qu'à Barcelone où il ne semblait pas super heureux sur le court. C'est le meilleur des cinq sets, c'est presque un autre sport. […] Au fond, il sait qu'il peut faire mal à Carlos." L'heure est venue d'enfin le montrer.