Roland-Garros 2024 | Arnaud Clément : "Quitte à ce que Nadal sorte rapidement, autant que ce soit contre Zverev"

Quand son nom est apparu sur la ligne 33 du tableau, juste au-dessus de celui de Rafael Nadal, des murmures ont parcouru l'Orangerie d'Auteuil. Tous les observateurs attentifs du circuit le savaient : pour la première fois non-tête de série à Roland-Garros, la légende majorquine aux 14 titres était exposée. En lui réservant Alexander Zverev pour son 1er tour et peut-être dernier match dans le tournoi qui a façonné sa légende, l'ordinateur n'a eu aucun égard pour ses accomplissements passés.

Son ultime passage sur sa si chère terre battue parisienne risque donc fort d'être écourté. Parce que la dernière apparition de Nadal en compétition à Rome n'a pas du tout rassuré (défaite sèche dès le 2e tour contre Hubert Hurkacz 6-1, 6-3, NLR) et parce que Zverev a, lui, plus qu'impressionné en remportant ce Masters 1000 pour la deuxième fois de sa carrière. L'Allemand est peut-être le joueur le plus en forme et en confiance du moment, et Arnaud Clément, pour avoir commenté sur Eurosport son quart de finale contre Taylor Fritz, en sait quelque chose.

"Zverev n'a jamais été aussi fort qu'en ce moment, avec un tennis un peu plus ambitieux et plus d'agressivité, témoigne notre consultant. Il prend plus d'initiatives qu'avant. On l'a vu à Rome se faire violence de temps en temps, monter au filet. C'est nécessaire pour qu'il aille chercher ce qui lui manque pour gagner en Grand Chelem. Il est sur la bonne voie, avec une base qui est sa qualité de service assez dingue avec un pourcentage de premières énorme et beaucoup de points gratuits récoltés."

Dans ces conditions, difficile d'envisager une issue positive pour Rafael Nadal, les dynamiques des deux hommes étant si opposées. "Pour Rafa, ce sera un défi incroyable. On ne sait pas s'il va être en capacité de pouvoir matcher. Mais sur un 1er tour, bien préparé, avec de l'énergie, on va voir… Tout le monde espère une surprise, c'est-à-dire qu'il y ait un match, ajoute Arnaud Clément. On savait qu'il était très court quand il a repris à Barcelone, on pensait que ça irait mieux à Rome, ça n'a pas été le cas. Le score très sec face à un autre gros serveur, Hubert Hurkacz, et son incapacité à tenir l'intensité plus longtemps que quelques jeux… Mais bon, il a eu deux semaines de plus de préparation, on ne sait jamais."

Le sort a donc été particulièrement dur pour le Taureau de Manacor. Mais difficile de ne pas voir dans ce hasard un sacré clin d'œil du destin. Alexander Zverev symbolise à ce jour le dernier grand combat mené par Nadal à Roland-Garros. Il y a deux ans, lors d'une demi-finale extrême en termes d'intensité, les deux hommes bataillaient depuis plus de trois heures et moins de deux sets quand un cri strident a résonné dans le court Philippe-Chatrier. L'Allemand venait de se déchirer trois ligaments de la cheville droite, mettant ainsi un terme dramatique au combat.

A quel point ce souvenir pourrait-il peser dans la tête du grand Sascha lors du 1er tour à venir ? Pourrait-il voir ce match comme l'occasion de prendre une revanche symbolique sur ses malheurs passés ? "Je pense que la blessure de Zverev est derrière lui, psychologiquement, considère notre consultant. Il est déjà revenu à Roland l'an dernier. C'est sûr que s'il ne prend pas sa revanche là… C'est rigolo parce que la pression est bien évidemment sur Zverev. Normalement, tous ceux qui jouent Rafa sur terre depuis toujours n'ont pas de pression."

Un avis partagé par l'ex-champion espagnol Alex Corretja, aussi consultant pour Eurosport. "J'étais stupéfait quand j'ai vu le tirage, nous explique-t-il. J'ai réalisé que ça pourrait être le match le plus dur du tournoi d'emblée. Si Rafa gagne, c'est incroyable, immense. Sinon, c'est normal. Ce serait très inattendu vu sa forme mais rien ne peut nous surprendre venant de lui quand on sait tout le succès qu'il a eu ici. Même si c'est l'un des pires adversaires qu'il pouvait prendre au 1er tour, ça va le soulager de cette pression."

Et l'ex-capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis de reprendre : "Il y a un côté émotionnel à gérer, même si c'est Zverev, même s'il a de l'expérience. C'est un match qui va être très particulier dans sa carrière en Grand Chelem, alors que c'est un 1er tour seulement. Et on sait qu'un des défauts qu'a pu avoir Zverev dans sa carrière en Grand Chelem, c'est d'être embarqué dans des matches en cinq sets contre des joueurs à sa portée. Quand il avait joué Rafa il y a deux ans, il n'était pas favori. Il avait fait son match, il s'était lâché. Ce n'est pas pareil, cette fois. Il y a pas mal d'inconnues en fait avant cette partie."

Il est toutefois clair que la balance penche en faveur de Zverev. Et certains observateurs et admirateurs inconditionnels de Nadal doivent regretter que l'Espagnol n'ait pas eu plus de chance pour ce qui a de grandes chances d'être sa dernière participation au tournoi. Le rêve d'une épopée à la Jimmy Connors lors de l'US Open 1991 ou même d'un beau parcours à la Roger Federer (sur une jambe) à Wimbledon en 2021 est sans doute passé.

Mais pour Arnaud Clément, ce n'est peut-être pas plus mal. "Quitte à ce qu'il sorte rapidement, autant qu'il sorte contre un des gros favoris du tournoi plutôt que contre un joueur peu connu du grand public, fait-il enfin remarquer. Je suis sûr aussi que Zverev n'est pas ravi de tirer Nadal au 1er tour. Parce que Nadal non-tête de série, ce n'était jamais arrivé à part quand il avait 8 ans, et que même des années où il était moins favori pour d'autres raisons, il lui est arrivé de gagner Roland."