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Roland-Garros 2024 - Les mille défis d'Elina Svitolina

Mis à jour 24/05/2024 à 15:35 GMT+2

Elina Svitolina s'apprête à retrouver Roland-Garros, où elle avait vécu de fortes émotions l'an dernier. Des doubles retrouvailles, d'abord en Grand Chelem puis aux Jeux Olympiques. Une ambition à sa mesure, elle qui ne cesse de relever les défis, à la fois pour elle, plus encore depuis qu'elle est devenue maman, mais aussi pour ses proches et son pays, l'Ukraine.

Elina Svitolina.

Crédit: Getty Images

Dans une carrière comme dans une vie, il est des lieux et des moments qui marquent davantage que d'autres. Pour Elina Svitolina, championne ukrainienne unie à son confrère et désormais mari français Gaël Monfils, la France tient une place particulière. Dans son existence de femme et de maman. Dans celle de la joueuse de tennis aussi. C'est là, à Strasbourg, qu'il y a tout juste un an, elle avait soulevé le premier trophée du reste de sa vie, celle de son après-grossesse. Dans la foulée, à Roland-Garros, elle avait vécu de fortes émotions en atteignant les quarts de finale.
Revenir à Paris n'est donc pas anodin pour elle. Cette année encore moins qu'une autre. Il y aura une double dose de Roland, du Grand Chelem printanier au rendez-vous olympique estival. Avec, inévitablement, de la pression, de nature différente, et l'espérance de fortes émotions. A l'approche de la trentaine, c'est peu dire qu'Elina Svitolina fait face à une somme d'envies et de défis. Cette famille qui s'est agrandie avec la naissance de la fille, la petite Skai, qu'elle a eue avec Monfils, sa vie de maman à gérer en même temps que ses ambitions retrouvées sur les courts, sans oublier l'ombre angoissante de la guerre que mène son pays depuis l'invasion de ce dernier par les troupes russes en février 2022.
Je dois accepter que mon corps n'est plus le même
Au quotidien, son statut de mère de famille ne constitue pas le challenge le moins excitant. Il nécessite des ajustements, forcément. Raemon Sluiter, le coach qui l'accompagne depuis son retour à la compétition en avril 2023, ne le perd jamais de vue. "Oui, c'est un défi, nous précise le Néerlandais. Tennistiquement, je privilégie la qualité, si elle est un peu fatiguée, ou si elle a beaucoup de choses à gérer. Je me moque qu'elle ne s'entraîne pas certains jours. Je lui ai dit, dès le début : 'chaque fois qu'on rentre sur le court, on recherche la qualité'. Si, pour quelque raison que ce soit, physiquement ou mentalement, elle n'y est pas, elle n'a pas l'énergie nécessaire, on ne s'entraîne pas. Repose-toi et on repart demain."
"Je dois accepter que mon corps n'est plus le même et j'ajuste ma façon de travailler en fonction", concède Svitolina. Elle n'est pas la première championne à revenir au plus haut niveau après avoir donné naissance à un enfant, mais cette composante n'est jamais neutre. "Le corps n'est plus tout à fait ce qu'il était avant la grossesse, poursuit Sluiter. Physiquement, parfois, c'est un défi." Avec désormais plus d'une année de recul, alors que sa joueuse s'est réinstallée dans le Top 20 et a joué un quart et une demie en Grand Chelem, il se dit bluffé :
"Je ne me serais pas engagé avec elle si je ne l'avais pas crue capable de revenir. Mais je ne pensais pas que ça irait aussi vite. Il y a beaucoup de travail pour retrouver son meilleur niveau, physiquement, mentalement, en termes de rythme. La façon dont elle est revenue, c'est impressionnant. Même si je la vois travailler, elle continue de me surprendre. Elle continue toujours d'avancer, elle est dureau mal."
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Elina Svitolina à Wimbledon en 2023.

Crédit: Getty Images

Pas revenue pour s'amuser

Raemon Sluiter définit sa joueuse comme Gaël Monfils décrit sa compagne : une guerrière. Mais jamais elle ne cherche à surjouer dans ce registre. Au contraire. Elle mesure les contraintes de son métier, de leur métier (le stress, les voyages, les absences), mais s'estime plutôt privilégiée dans la façon de mener de front sa vie professionnelle et sa vie de famille.
"En tant que joueurs de tennis, nous devons faire preuve de flexibilité, mais nous avons beaucoup de gens pour nous aider, en qui nous avons confiance, explique-t-elle. On doit donner la priorité au bien-être de Skai, donc on ne peut pas la prendre tout le temps avec nous sur les tournois. On l'emmène pour les longs voyages, en Australie ou aux Etats-Unis par exemple. Mais sinon elle est bien à la maison, avec ses grands-mères, ou sa nounou. Donc ça rend les choses beaucoup plus faciles pour nous."
S'est-elle malgré tout étonnée depuis son retour ? Oui et non. "Je ne suis pas revenue juste pour m'amuser, insiste l'ancienne numéro 3 mondiale, mais parce que j'avais de grandes ambitions pour moi-même. Je veux revenir dans le Top 10 (elle est actuellement 17e). Il y a du travail. Je dois être patiente. Je dois passer par des moments difficiles." Des frustrations, aussi, comme cette défaite à Rome contre Aryna Sabalenka après avoir obtenu plusieurs balles de match. Mais comme à chaque fois, elle est prête à repartir "au combat".

Faire ce qu'elle peut pour son pays

Les guillemets sont plus que jamais de rigueur pour insister sur le côté métaphorique de ces luttes. Ce qu'elle a construit dans sa vie personnelle avec Gaël Monfils a largement coïncidé, au niveau temporel, avec ce que vit son pays depuis maintenant plus de deux ans. "Il y a de très beaux moments mais aussi des jours beaucoup plus difficiles parce que je sais parfaitement ce qui se passe dans mon pays et je suis ça de près", nous confie la native d'Odessa, qui a encore une partie de sa famille et de nombreux amis en Ukraine. Tous sont directement confrontés à la guerre.
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Elina Svitolina à Roland-Garros en 2023. Elle avait atteint les quarts de finale.

Crédit: Getty Images

Elle vit cette tragédie nationale de façon ambigüe. Touchée au cœur, mais à distance du drame au quotidien. "Parfois, reprend-elle, quand vous vivez une vie normale en dehors de l'Ukraine, vous vivez dans un monde à part. Mentalement, c'est parfois un peu dérangeant. J'essaie d'utiliser cela comme une source de motivation parce que même si je ne suis pas en Ukraineactuellement, je peux me rendre utile pour les miens, pour les Ukrainiens, pour les enfants de mon pays aussi."
A sa manière, elle veut "représenter l'Ukraine". Elle parle "d'une mission". Il y a la fondation qui porte son nom, qu'elle a fondée en 2019 et qui a vocation à aider de jeunes Ukrainiens à se former au tennis. Elle est également devenue, aux côté d'Andriy Chevtchenko, l'ancienne star du football ukrainien, l'ambassadrice de l'association U24, créée par le président Volodymyr Zelensky. "Le tennis est un grand sport et j'essaie de m'en servir comme d'une plateforme pour pouvoir lever des fonds et attirer l'attention", résume-t-elle.
Elina Svitolina parle d'une situation "extrêmement difficile". Les bombes qui tombent, l'incertitude permanente et la peur pour les siens. Elle ne joue plus seulement au tennis pour elle. Mais elle ne se prend pas pour ce qu'elle ne veut pas et ne peut pas être. L'héroïsme est ailleurs, comme elle le rappelle : "Mentalement, pour nous, les sportifs, ce n'est pas toujours facile car nous portons une partie de l'Ukraine sur nos épaules. Nous avons l'impression d'avoir une blessure, le cœur qui saigne. Mais c'est aussi une motivation. Nous devons le faire pour ceux qui se battent au front, en première ligne. Ce sont eux, les vrais héros."
C'est une récompense de travailler avec elle
Mais quand elle se bat sur le court, elle ne le fait plus seulement pour elle, ni même pour son homme ou sa fille, mais pour ce qu'elle peut apporter à son pays. Même modestement, à sa place. A tel point qu'aujourd'hui, elle l'avoue, si on lui donnait le choix entre remporter un premier Grand Chelem à Roland-Garros ou Wimbledon ou être sacrée championne olympique cet été à Paris, elle n'hésiterait pas une demi-seconde et choisirait l'or : "Parce que ce serait pour mon pays et, en ces temps difficiles, ce serait encore plus important." A Tokyo, en 2021, Svitolina avait déjà ramené une médaille, en bronze. Mais la signification serait autre aujourd'hui.
Beaucoup de casquettes à porter, beaucoup de défis à relever. Pour toutes ces raisons, de la maman sur le retour qui doit gérer vie de famille et carrière de concert à la représentante de ce pays qu'un autre Etat cherche à faire disparaître de la carte, au moins sous sa forme actuelle, Elina Svitolina-Monfils (elle porte le nom du Français à l'état civil et l'affiche d'ailleurs sur ses réseaux sociaux mais souhaite garder son nom de jeune fille sur le circuit) n'est plus tout à fait une joueuse comme les autres.
Être auprès d'elle, c'est autre chose. Raemon Sluiter le ressent ainsi. "C'est lourd, parfois, mais c'est aussi une récompense de travailler avec elle, juge-t-il. Souvent, dans le tennis, vous avez un esprit très étroit et vous devez être comme ça d'une certaine manière car dans ce métier c'est très important d'être ainsi. Seul compte le prochain match, vos résultats, votre classement, ceci et cela."
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Le coach et le mari : Raemon Sluiter et Gaël Monfils.

Crédit: Getty Images

Monfils : "Chapeau bas"

Elina Svitolina n'a plus ce luxe. A titre personnel, son coach le vit comme une chance. "Elargir sa vision en tant qu'entraîneur et voir qu'il y a bien plus que simplement frapper une balle de tennis dedans ou dehors, c'est aussi gratifiant, concède le technicien batave. J'aime cette sensation. Les résultats, quand ils sont bons, c'est bien pour votre ego. Mais l'aider d'une autre manière, l'aider à pouvoir aider les autres, voir ce qu'elle accomplit avec sa fondation, avec United24, ça vaut le coup pour moi, et c'est une des raisons pour lesquelles je me suis engagé auprès d'elle."
Raemon Sluiter n'a pas seulement du respect pour la joueuse qu'il entraîne mais aussi pour la personne. Depuis une position toute différente, Gaël Monfils ressent un peu la même chose. Voir Elina revenir aussi rapidement au top niveau l'a impressionné, parce qu'il connaît, pour exercer le même métier, la difficulté de la mission. Mais il y a désormais autre chose. Il le découvre au fur et à mesure des événements de la vie, bons ou mauvais. Non sans une admiration certaine pour celle qui l'accompagne.
"J'apprends de ma femme maintenant énormément de choses, glisse Monfils. Il y a plein d'étapes. Au début, c'est ta copine, et derrière, c'est ta fiancée, puis c'est ta femme. C'est aussi une athlète incroyable. C'est aussi quelqu'un de très engagéeavec tout ce qui se passe dans son pays. Après, ça devient une maman. Et c'est aussi l'athlète qui revient après avoir accouché. Donc, je ne cesse d'apprendre de ma femme à chaque moment, chaque période. Et à chaque fois, je dis vraiment chapeau bas à cette femme. Cette femme, j'ai la chance que ce soit ma femme." La femme de tous les défis. Ceux de la joueuse, de la maman, et de l'Ukrainienne. Prête à tous les relever. Pour elle, mais pas que.
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