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Gilles Simon, le pénible qui se regardait jouer

Laurent Vergne

Mis à jour 03/11/2020 à 09:03 GMT+1

Vainqueur de 14 tournois et 6e mondial en 2009, Gilles Simon a mené sa barque avec un jeu atypique et une compréhension du jeu très poussée, même pour un joueur de haut niveau. Si le tennis rend fou, comme il l'écrit en titre de son livre, le Niçois a aussi rendu dingue quelques joueurs de sa génération.

Gilles Simon | Tennis | ESP Player Feature

Crédit: Getty Images

C'était à Bercy, en 2015. Gilles Simon s'inclinait en deux manches contre le numéro un mondial, Novak Djokovic. A sa sortie du court, interrogé à chaud, le Français avait livré une analyse su précise et juste de son match achevé une poignée de secondes plus tôt, qu'il donnait l'impression d'avoir effectué ladite analyse avec trois jours de recul et un debrief vidéo approfondi.
On n'avait pas attendu ce jour-là pour découvrir cette faculté chez le Niçois, mais elle fut particulièrement bluffante à travers ses mots après cette joute précise. Comme s'il avait regardé son match en même temps qu'il le jouait. C'est peut-être ça, Gilles Simon : l'homme qui regardait ses propres matches.
Trois mois plus tard, Djokovic et Simon remettaient le couvert en huitièmes de finale de l'Open d'Australie et si le Djoker allait à nouveau en sortir vainqueur, il lui faudrait pour cela cinq sets, quatre et heures et demie de jeu avec, au passage, 100 fautes directes. "Gilles a un jeu difficile, qui n'est pas orthodoxe, dira alors le Serbe. Il vous oblige presque toujours à jouer une frappe de plus, et ça augmente le risque de faute." Un bon résumé. Un pénible, ce Simon, qui, toute sa carrière, aura dû user de forces que d'autres n'avaient pas, ou moins, parce qu'il manquait de ce coup fort qui facilite tant l'existence sur un court.
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Djokovic à Simon : "Gilou, tu m'en as fait baver !"

Crédit: Getty Images

"Il fallait que je trouve des points faibles de l'autre côté"

Certains possèdent une première balle dévastatrice. D'autres un coup droit à trouer les murs. Gilles Simon, lui, n'avait rien de tout ça. Mais il restera sans doute comme un des joueurs les plus "intelligents" de sa génération. Sa capacité de décryptage du jeu adverse et du jeu en général et sa compréhension du tennis lui ont permis, sans coup fort, de se hisser jusqu'à la 6e place mondiale.
Dans son livre, "Ce sport qui rend fou", le Niçois l'assure : tout se travaille. La technique, le physique, le mental. Mais dans cette qualité-là, quelle est la part de l'inné et de l'effort sur la durée ? Lui-même peine à asséner une réponse définitive, comme il nous l'a confié :
"Tout se travaille. Mais on a forcément des prédispositions. Il y a des secteurs où on est plus forts naturellement, pour différentes raisons. Gamin, j'étais plus petit que les autres, j'avais forcément du mal à m'appuyer sur des points forts, donc il fallait que je trouve des points faibles de l'autre côté. Est-ce que c'est ça qui fait que j'ai abordé le tennis de cette manière-là et que ça s'est développé ou est-ce que je l'avais déjà en moi avant de le développer ? Ce n'est jamais facile à dire. Le fait est qu'effectivement, c'est une de mes plus grandes forces sur le terrain. Peut-être parce que ça fait partie de mon histoire, sans doute aussi parce que je n'avais pas le choix."

"Si mon esprit s'égare, c'est fini"

Revers de cette médaille, cet atout indispensable à la performance, Gilles Simon pouvait le voir s'évaporer sur le court s'il n'était pas maître de ses nerfs. C'est Jan De Witt, qui fut son entraîneur à partir de 2013, qui a pointé cet aspect des choses. "Jan m'avait très bien compris, explique Simon. Il était venu me voir en m'expliquant mon jeu, qu'il avait compris de manière très précise. Il savait où il voulait aller avec moi. Et il a très vite mis aussi le doigt sur quelque chose : ce sens tactique, c'était une très grande force, mais elle pouvait disparaître instantanément quand je m'énerve."
Banal, après tout. Un joueur qui s'énerve perd le plus souvent ses moyens. Mais il peut vite les retrouver. "Pour certains, c'est différent, note-t-il. Un gars très énervé, si son point fort c'est le service et qu'il envoie une première à 220, ça le libère, ça va mieux."
Dans le cas de Gilles Simon, réenclencher une spirale positive était plus complexe que pour d'autres. "Moi, quand je commence à m'énerver, je perds ma plus grande force, reprend le Français. Je ne réfléchis plus, je switche dans quelque chose d'autre et je ne me sers plus du tout de cette force. Si je ne suis plus calme, si mon esprit s'égare, c'est fini. Là, je subis complètement le jeu. Il se présente à moi mais il n'y a plus rien. J'ai toujours eu besoin d'être calme pour que cette qualité-là s'active, et ça n'a pas toujours été simple." Ce sport rend fou, comme l'écrit Gilles Simon, mais lui aura rendu fou quelques adversaires dans sa carrière.
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Gilles Simon

Crédit: Getty Images

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