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Docteur Nick ou Mister Kyrgios ?

Laurent Vergne

Mis à jour 27/08/2019 à 17:25 GMT+2

US OPEN - Tantôt brillant, tantôt insupportable, Nick Kyrgios possède une faculté unique à alterner le pire (souvent) et le meilleur (parfois). Mais l'Australien n'a surtout pas d'équivalent quand il s'agit d'attirer l'attention. A New York, où il n'a jamais brillé, il a pourtant les moyens de jouer un rôle. Il débute son tournoi mardi, en session de nuit, face à Steve Johnson. Avec quel visage ?

Nick Kyrgios

Crédit: Eurosport

En préambule, je me sens presque obligé de me justifier : pourquoi prendre la peine de consacrer autant d'attention à un joueur de près de 25 ans qui, depuis un an, végète entre la 25e et la 70e place mondiale, au gré de ses résultats et de ses humeurs, les secondes impactant directement les premiers dans ce cas ? Peut-être parce que le joueur en question ne laisse personne indifférent.
Telle est la principale force de Nick Kyrgios. Tout le monde a un avis sur lui. Le plus souvent très tranché. L'intérêt porté à l'Australien est proportionnel à son potentiel, effarant, et à sa personnalité, hors normes dans le cadre si policé du tennis professionnel, davantage qu'à ses performances. Notamment en Grand Chelem. Sur ses dix derniers Majeurs, le bilan de l'Australien est famélique. Une seule présence en seconde semaine, son huitième de finale à l'Open d'Australie en 2018.
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Rafael Nadal et Nick Kyrgios à Wimbledon en 2019.

Crédit: Getty Images

Pourtant, sur ces derniers jours, une chose frappe : en dehors du trio Djokovic, Nadal, Federer, pas un joueur n'a fait l'objet d'autant d'articles dans la presse internationale que Kyrgios. Et sur le circuit, joueurs, actuels ou anciens, entraîneurs, du présent ou du passé, tous sont prêts à livrer leur sentiment sur le trublion de Canberra, que leur jugement touche à l'homme ou au tennisman. "Paresseux", pour Toni Nadal. "Un mec super sympa, je prends toujours du plaisir à passer du temps avec lui" pour Steve Johnson, son premier adversaire, la nuit prochaine. "Le potentiel pour être Top 4 s'il avait la moitié de l'engagement de Nadal", selon John McEnroe. Et ainsi de suite.
Tout ceci parait assez peu contestable, mais la sortie la plus pertinente, qui touche au cœur du "phénomène" Kyrgios, nous la devons peut-être à Joao Sousa. Le Portugais, 44e mondiale, est une sorte d'anti-Kyrgios. Un quasi-anonyme du Top 50 comparé au pôle d'attraction australien. Mais son regard, porté dans une interview au magazine Record, ne manque pas d'intérêt. "Il fait des choses formidables, d'autres que je n'aime pas, mais quoi qu'il fasse, ça me fait toujours réagir. Nick change le concept de ce qu'est le tennis", résume Sousa.
C'est cela, Kyrgios, même si je n'irais peut-être pas jusqu'à dire qu'il "change le concept du tennis". Mais peu importe. Il est sans doute le seul joueur dont le pouvoir de séduction ou de répulsion est indépendant des résultats. Parce qu'il agit et parle différemment de tous les autres, il intrigue, agace ou séduit sans avoir besoin de figurer sur les plus hautes cimes. Vous pouvez l'adorer OU le détester, voire l'adorer ET le détester. Mais vous le regardez. Et vous en parlez. En cela, Nick Kyrgios est unique. Donc précieux, à sa façon.
Comme partout ailleurs, l'Australien a tout pour être un facteur X dans cet US Open. Peut-être plus qu'ailleurs, même. Cette année, il a uniquement brillé sur cette surface, en s'imposant à Acapulco et Washington, deux ATP 500 sur dur. Soit plus de la moitié de ses victoires en 2019 : 11 sur 19. Pas des titres au rabais. En chemin, il a scalpé Nadal, Wawrinka, Isner, Zverev, Tsitsipas ou Medvedev. Dans cette liste, cinq Top 10 épinglés. Il en avait battu 15 avant cette saison depuis le début de sa carrière. La meilleure preuve que, quand il est bien luné, il est capable du meilleur. Malheureusement, la chose est rare.
La folie new-yorkaise, celle de ses "night sessions" notamment, a également tout pour extraire la meilleure sève de "Kigs". Sauf que cela ne s'est jamais traduit dans les faits. A Flushing Meadows, il affiche une forme de constance dans la médiocrité assez bluffante lors de ses six premières participations : 1er tour. 3e tour. 1er tour. 3e tour. 1er tour. 3e tour. A croire qu'il s'est lancé un défi. Ne vous étonnez donc pas plus que ça s'il se noie face à Johnson sur le Luis-Armstrong. Affiche programmée en soirée, d'ailleurs. Les organisateurs ne sont pas fous. Un autochtone contre Kyrgios, c'est du pain bénit.
On peut donc bien penser ce qu'on veut de lui, mais un Kyrgios en mode Acapulco ou Washington ne pourrait pas faire de mal à cet US Open. Il lui ferait même un bien fou. Rien qu'un 16e de finale contre Stefanos Tsitsipas pourrait constituer un des temps forts de la première semaine. L'un comme l'autre n'y sont pas encore (gare à l'entrée en lice du Grec face au dangereux revenant Rublev) mais la perspective met l'eau à la bouche.
Mieux vaut quand même ne pas trop attendre de Nick Kyrgios. Lui-même est sans doute incapable de prédire quel visage il montrera. L'Australien est comme un melon : on a beau l'observer sous toutes les coutures et le tripoter en jouant les experts en cucurbitacée, il n'y a qu'une fois ouvert qu'on sait avec certitude s'il sera délicieux ou immangeable. Avec Kyrgios, c'est l'un ou l'autre, sans entre-deux.
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Nick Kyrgios - US Open 2019

Crédit: Getty Images

J'ai renoncé à croire à un Kyrgios pleinement mature. Il ne changera sans doute jamais. Tant pis, ou tant mieux. Son "j'ai changé mes sales manies", après son titre à Washington début août m'a plus fait sourire qu'autre chose. A la limite, on ne lui en demande pas tant. J'aimerais juste qu'il reste lui-même.
En avril dernier, mon camarade Bertrand Milliard avait livré un éditorial plutôt élogieux sur son cas dans Eurosport Tennis Club. Il ne guettait qu'un potentiel écueil majeur : qu'il devienne la caricature de lui-même en forçant le trait. C'est exactement ce qui est advenu dans les semaines suivantes, avec une multitude d'épisodes navrants l'ayant rapproché d'un mode clownesque et grotesque dont il n'a rien à gagner.
Il peut faire et dire des conneries, mais qu'il ne cherche surtout pas à jouer un personnage. Or c'est l'impression qu'il avait fini par donner. Le vrai Kyrgios, c'est aussi celui qui joue pendant une heure au ping-pong avec des gamins de six ans juste avant sa demi-finale à Washington contre Tsitsipas. Et il fini par la gagner. Là, il est lui-même. Sans artifices. Mais il peut aussi dégoupiller à chaque seconde, comme à Montréal. Ainsi va Nick Kyrgios, le Jekyll and Hyde du tennis. Reste à savoir lequel des deux va bouffer l'autre à New York.
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