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Est-on trop dur avec la NextGen ?

Laurent Vergne

Mis à jour 02/09/2019 à 17:14 GMT+2

US OPEN - Le tennis masculin touche du doigt deux réalités en cette saison 2019. La jeune génération a effectué de vrais pas en avant. Elle progresse. Mais dans le même temps, elle demeure loin, bien trop loin du niveau requis pour ébranler les trois mythes que sont Novak Djokovic, Rafael Nadal et Roger Federer. A qui la faute ?

Alexander Zverev

Crédit: Eurosport

Il y a tout juste deux ans, avant l'US Open 2017, les cinq premiers du classements ATP (dans cet ordre, Nadal, Murray, Federer, Wawrinka et Djokovic) avaient tous dépassé le cap de la trentaine. Dans le Top 15, seuls deux joueurs avaient moins de 25 ans. Aujourd'hui, l'élite du tennis a globalement rajeuni.
Cette année, à Flushing, quatre des dix premières têtes de série (Medvedev, Zverev, Tsitsipas et Khachanov) affichaient moins de 24 ans sur leur passeport. Du jamais vu, en Grand Chelem, depuis près de dix ans puisqu'il fallait remonter au premier Majeur de la décennie, l'Open d'Australie 2010 pour trouver un tel contingent.
Voilà un signe parmi d'autres. En voici un de plus : en 2019, dix joueurs différents de moins de 24 ans se sont qualifiés en seconde semaine d'un Grand Chelem. Cela n'était plus arrivé depuis 2008. On pourrait encore évoquer Félix Auger-Aliassime, plus jeune membre du Top 20 depuis un certain Rafael Nadal en 2005, ou souligner que Stefanos Tsitsipas a signé un exploit peu commun en réussissant à battre avant ses 21 ans Novak Djokovic, Rafael Nadal et Roger Federer, et pas sur des scènes mineures puisque les deux premiers succès ont été obtenus en Masters 1000 et le troisième en Grand Chelem, à Melbourne.
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De l'audace et un mental de fer : Comment Tsitsipas a déboulonné Federer

Le Grand Chelem demeure le juge de paix

La NextGen pousse, donc, et toutes les moyennes d'âge, celle du Top 10, du Top 20, du Top 50 et du Top 100 ont chuté, parfois drastiquement, par rapport aux années 2016-2017, points culminants de la suprématie des "vieux".
Elles chutent toutes, sauf une : le Top 3. La NextGen a un problème à ce jour insoluble. Elle grimpe au classement, émerge dans les tournois importants, notamment les Masters 1000, en témoigne la récente victoire de Daniil Medvedev à Cincinnati. Or le Grand Chelem demeure le juge de paix. Mais le Big Three demeure hors de sa portée, là où cela compte le plus, là où cela compte vraiment, en Grand Chelem. A eux trois, Novak Djokovic, Roger Federer et Rafael Nadal ont remporté les onze derniers tournois majeurs et, pour être honnête, on ne miserait pas davantage que quelques centimes d'euros sur un achèvement de cette série dimanche soir.
Malgré ses progrès, réels, la jeune génération bute donc systématiquement sur ces trois monstres. Cet état de fait en dit-il plus long sur les nouveaux venus et leurs limites ou sur l'historique trio ? Dans le podcast "Legends" d'Eurosport, en compagnie de John McEnroe, Mats Wilander et Boris Becker, Ivan Lendl livre un regard non dénué d'intérêt puisqu'il a à la fois entraîné Andy Murray, qu'il a accompagné vers ses trois victoires en Grand Chelem, puis Alexander Zverev, avec lequel il a gagné le Masters mais qui peine en Majeur.

Becker : "J'ai le sentiment que leur objectif, c'est juste d'être en deuxième semaine"

Globalement, l'ancien numéro un mondial trouve que l'on est "un peu dur avec cette génération". "Ils ont 21, 22 ans, rappelle-t-il. Je voudrais qu'on attende avant de les condamner. On devrait peut-être attendre qu'ils aient 25 ou 26 ans pour les juger parce que, avoir 33 ans aujourd'hui, c'était avoir 27 ans à notre époque." L'argument n'est pas faux. Il était rarissime pour les immenses champions d'être compétitifs au-delà de la trentaine et de gagner des grands titres au-delà de cette limite. C'est devenu aujourd'hui une norme.
Boris Becker, lui, se montre plus sévère. S'il reconnait que le tennis traverse une "période exceptionnelle avec ces trois joueurs qui sont peut-être les trois plus grands champions de l'histoire", il pointe toutefois la part de responsabilité de la nouvelle génération. "Où sont les autres ? Ils progressent, oui, mais parfois, je ne vois pas chez eux cette mentalité de la victoire à tout prix. Il y a une forme d'acceptation de la défaite chez ces jeunes. Un problème d'attitude et d'approche. A notre époque, dit-il en prenant ses acolytes à témoin, si on arrivait en demi-finale, on avait raté notre tournoi. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que leur objectif, c'est juste d'être en deuxième semaine."
Alors, la jeunesse manque-t-elle d'ambition ? Lui met-on trop de pression ? Lendl n'achète pas ce dernier argument. "La pression est celle que l'on s'inflige soi-même", juge l'octuple vainqueur en Grand Chelem, lui-même taxé de joueur fragile mentalement à ses débuts et qui a dû attendre 24 ans avant de s'accomplir pleinement. Mais ce n'était pas à cause des attentes des autres, assure-t-il : "j'avais de très grandes exigences vis-à-vis de moi-même, mais je me foutais complètement de ce que pensaient les autres."
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Alexander Zverev et Ivan Lendl

Crédit: Getty Images

Quand on veut braquer une banque, on ne frappe pas à la porte

A la décharge de la jeune génération, elle n'est pas la seule à souffrir de cette hégémonie du triumvirat composé par Federer, Nadal et Djokovic. La "MiddleGen" n'y arrive pas davantage. Prenez David Goffin. Voilà un joueur revenu à un niveau Top 10, mais qui vient d'être stoppé lors des trois derniers tournois du Grand Chelem par Nadal (Roland-Garros), Djokovic (Wimbledon) et Federer (US Open). Le Belge n'est pas loin de penser que ces trois-là sont, tout simplement, hors d'atteinte. Il l'a encore dit ce dimanche après avoir été étrillé (6-2, 6-2, 6-0) par le Suisse :
C'est dur de les battre. Ils sont très différents, mais tous les trois très compliqués à jouer. Mentalement, ils sont tellement forts. Et j'ai l'impression qu'ils continuent de progresser. Même à plus de 30 ou 35 ans, physiquement, ils sont toujours là. Ils veulent tout gagner. Veulent tous les trophées. Ils veulent rester là où ils sont.
Les trois gloutons n'ont, clairement, aucune intention de laisser la place. Les jeunes vont devoir la prendre. Ou attendre que ces trois-là disparaissent d'eux-même. Cette génération, celle des Tsitsipas, Zverev, Auger-Aliassime et Cie finira très probablement par gagner des Grands Chelems. Mais pour sa crédibilité à l'aune de l'Histoire, le mieux serait de commencer à le faire tant que Federer, Nadal et Djokovic sont encore là.
Pour résumer, oui la NextGen arrive, mais avec ce sentiment diffus qu'elle reste gênée d'ouvrir la porte. Qu'elle la pousse du bout des doigts quand on aimerait la voir y mettre un énorme coup d'épaule. Quand on veut braquer une banque, on ne dit pas s'il vous plait avant d'entrer.
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