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"Les gens ont dû se dire 'ce type est complètement cinglé' " : Medvedev, l'impulsif qui se soigne

Laurent Vergne

Mis à jour 08/09/2019 à 14:28 GMT+2

US OPEN – Il y a deux Daniil Medvedev. L'homme, posé, et le joueur, impulsif. Le second joue parfois des tours au premier, et ce n'est pas nouveau. Mais en dépit de sa quinzaine parfois tumultueuse, le Russe a produit un gros effort sur lui-même ces dernières années. Plus jeune, il pouvait complètement péter les plombs.

Daniil Medvedev pendant l'US Open

Crédit: Getty Images

Quand nous l'avions rencontré pour la première fois il y a près de trois ans, Daniil Medvedev naviguait aux abords du Top 100 mondial. C'est peu dire que sa carrière a décollé depuis mais, au fond, il n'a pas changé. Ils n'ont pas changé. Il y a toujours deux Medvedev. Celui à la ville, tempéré. Et celui sur le court, bouillant. Le premier tente toujours de dompter pleinement le second.
A l'époque, il avait évoqué ses tourments récurrents. "Dans la vie, je ne suis pas vraiment nerveux, nous avait-il dit. Quand quelqu'un me cherche, je suis plutôt du genre à ne pas m'emballer à dire 'OK, laisse tomber ce n'est pas grave'. Mais sur le court, c'est vrai, je suis une personne différente. Je suis trop nerveux mais j'essaie de me calmer. J'ai progressé ces derniers temps à ce niveau. Mais parfois, je me laisse encore emporter et ce n'est pas bon."
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Daniil Medvedev à l'US Open

Crédit: Getty Images

Prendre un jeu de pénalité, ce n'était pas très dur pour moi
Parfois, ça lui arrive encore, effectivement. Cet US Open est encore là pour en attester. Son comportement lors de son 16e de finale face à Feliciano Lopez, qui lui a valu d'être pris en grippe par le public de Flushing (s'il y a du mieux, le Arthur-Ashe s'est massivement rangé derrière Grigor Dimitrov vendredi lors de sa demi-finale), est une réminiscence de son tumultueux passé. "Chez les juniors, j'ai eu beaucoup, beaucoup de problèmes, a-t-il avoué vendredi. Je ne me faisais pas disqualifier mais, disons que prendre un jeu de pénalité, ce n'était pas très dur pour moi."
Pour résumer, il ne fallait pas le chercher, Daniil. Et il suffisait parfois d'un élément déclencheur minime pour que la cocotte-minute explose complètement. "Quand j'avais 14-15 ans, si quelqu'un, par provocation, applaudissait une de mes fautes, je me mettais à hurler dessus, à l'insulter, raconte celui qui, lundi, sera numéro 4 mondial. Je pense que beaucoup de gens ont dû se dire 'ce type est complètement cinglé', il ne deviendra jamais un grand joueur."

Travail avec une psychologue

Cette dualité l'a rendu fou, parfois. "Cela fait longtemps que je travaille là-dessus, assure le Moscovite. Chaque fois que je faisais quelque chose de mal sur le court, je me posais tranquillement et je me disais 'tu n'es pas comme ça dans la vie de tous les jours. Que t’arrive-t-il ?" Sur le court, il aimerait ressembler au Daniil de la vie de tous les jours : "Tout ce que je peux dire c'est que, dans la vie, je suis très calme. Pour me mettre en rogne, il faut vraiment faire quelque chose de dingue pendant une semaine entière ou, je ne sais pas, frapper à la porte de ma chambre d'hôtel à 6h du matin plusieurs jours de suite. Alors, peut-être que je vais être un peu énervé (sourire)."
Medvedev est donc un impulsif qui se soigne. Il travaille notamment avec une psychologue du sport, Francisca Dauzet. "Elle a intégré l'équipe, explique son coach Gilles Cervara. C'est son job, donc je ne saurais expliquer exactement comment ils travaillent tous les deux, mais ils parlent beaucoup. Elle a fait du bon boulot avec lui." Le très grand public, américain notamment, a sans doute découvert le joueur russe dans cette quinzaine. Avec une image partiellement trompeuse. Car, globalement, Medvedev a beaucoup avancé sur ce terrain, même si, comme il le concède, "ça reste un combat permanent."
Parfois, sans aller jusqu'aux esclandres du match contre Lopez, son impulsivité se manifeste à travers des petits gestes plus anodins, mais pas moins révélateurs. Comme ces petits pouces levés et sarcastiques en direction de son box, en plein match. Comme pour dire "super, tes conseils, Gilles." Il l'a refait contre Dimitrov. "Quand je fais ça, ça veut dire qu'à ce moment-là, je ne suis pas à 100% calme disons, sourit Medvedev dans un euphémisme. Ça fait partie des choses que je dois corriger, ça ne m'aide pas à jouer mieux."

Cervara, le compagnon de route idéal

Gilles Cervara est sans doute le compagnon de route idéal pour cela. Les deux hommes ont tissé un lien très fort, au-delà du rapport coach-joueur. "Dans ces moments-là, reprend Medvedev, il ne dit rien, il comprend. Il m'a raconté, quand il était jeune, des histoires à propos de lui. Gilles, c'était le contraire de moi. C'est en dehors du court, dans la vie, qu'il était comme ça. Parler avec lui m'aide à comprendre comment fonctionnent les émotions d'un être humain."
"Daniil est quelqu'un de très intelligent, juge le technicien français. Après le match contre Lopez, on a un peu parlé tous les deux, mais il n'y avait pas besoin d'en dire beaucoup. Il est suffisamment lucide pour savoir ce qu'il fait de bien ou de mal et dans quelle direction il doit aller. Mais il n'a pas franchi la ligne rouge à mon avis. Il aime aussi jouer avec ça."
Et s'il y a deux Medvedev, au fond, ils se ressemblent, tranche Cervara : "Son jeu est comme sa personnalité : différent. C'est un peu comme avoir affaire à un génie. Parfois, les génies sont différents. Il faut juste se connecter avec eux. Je crois qu'on arrive à faire ça très bien tous les deux."
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Gilles Cervara, l'entraîneur de Daniil Medvedev.

Crédit: Getty Images

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