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US Open 2023 - La supériorité de Djokovic n'est pas seulement mentale : elle est aussi (surtout ?) tactique

Rémi Bourrières

Mis à jour 11/09/2023 à 22:38 GMT+2

La victoire de Novak Djokovic face à Daniil Medvedev, dimanche en finale de l'US Open, au terme d'une démonstration de tennis offensif, est venue rappeler encore une fois son intelligence tactique et sa capacité unique à s'adapter à l'adversaire, quel que soit son profil. Et si c'était finalement là-dessus qu'il était plus fort que tout le monde ?

Inébranlable en défense, perturbant en attaque : comment Djokovic a asséché Medvedev dans le 1er set

Aryna Sabalenka et Novak Djokovic ont un point commun : ils sont tous deux devenus - ou redevenus - n°1 mondiaux ce lundi. Ils ont en revanche connu des destinées bien différentes lors de leur finale de l'US Open respective, marquée d'un côté par l'effondrement psycho-tactique de la Biélorusse face à Coco Gauff, et de l'autre par le chef d'œuvre stratégique livré par le Serbe face à Daniil Medvedev.
On ne va pas enfoncer une porte ouverte, et encore moins tirer sur une ambulance. Mais la prestation manquée de Sabalenka, qui s'est échinée à vouloir passer en force dans une journée où elle ne réussissait pas grand-chose, a forcément souffert de la comparaison avec l'invraisemblable QI tennistique déployé par Djokovic, le lendemain, tout au long d'une finale plus âpre et compliquée à négocier que le score en trois sets pourrait le laisser supposer.
Ce n'est pas toujours le cas dans un match de tennis mais cette fois, les clés de cette finale ont été limpides à décrypter. Novak Djokovic est allé la chercher au filet, où il est monté 44 fois pour 37 points gagnés (soit 84%). Et pas n'importe quels points : le plus souvent, des points cruciaux, le plus notable d'entre tous étant bien sûr cette balle de 2e set, mal négociée il est vrai par Medvedev qui a choisi le mauvais côté pour tirer son passing.
Mais si le Russe a raté, c'est aussi parce que Djokovic a été excellent au filet. Et le mot est faible. On fut proche du fabuleux, et c'est à se demander si le Serbe n'a pas réussi la prestation la plus aboutie, sur ce plan, de sa légendaire carrière. Constamment mis sous pression par un Djokovic très agressif en fond de court, mis au supplice également par ce fameux service slicé court croisé qui a souligné les limites de sa position très éloignée en retour, et cisaillé enfin par le "chip" de revers bien casse-patte de son adversaire, Medvedev n'a jamais vraiment réussi à s'installer dans sa zone de confort. Quand est arrivé le moment le plus chaud, forcément, il a commis l'irréparable.

En 2021, Djokovic était monté 47 fois au filet...

A vrai dire, que Djokovic applique cette stratégie de l'attaque à tout crin contre Medvedev, ça n'était pas une surprise. C'était même attendu. Il l'avait fait, déjà, lors de leur finale de l'US Open 2021, mais avec cette fois un taux de réussite nettement inférieur (31 points marqués pour 47 marqués, soit 66%). Et Medvedev s'était imposé en trois petits sets (6-4, 6-4, 6-4).
A l'époque, la stratégie avait pu passer pour une mission un peu désespérée de la part de "Nole" qui n'était clairement pas dans son état normal lors de cette finale chargée d'histoire. Sauf que deux mois plus tard, en finale du Rolex Paris Masters, il avait répété l'opération commando en montant 36 fois à la volée, pour 27 points marqués (75%). Et il avait gagné en trois sets (4-6, 6-3, 6-3). "Je voulais canaliser son agressivité du fond de court, ça faisait partie du plan. En quelque sorte, j’ai réussià lui couper la 'chique'", avait-il déclaré à l'époque.
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Petit Chelem, razzia, surprises, marathon... Les stats folles de l'US Open 2023

Medvedev était donc prévenu, et de longue date. D'autant que Djokovic n'est pas le premier à s'essayer au service-volée face à lui. Carlos Alcaraz l'avait fort bien fait, également, à Indian Wells et à Wimbledon cette année. Mais contrairement à ce qu'il avait pu mettre en place deux jours plus tôt contre l'Espagnol, face auquel il avait pris une somptueuse revanche en demi-finale, il n'a cette fois jamais trouvé l'esquisse d'une réponse. Lui, le "Chessmaster" du tennis, est resté sans solution tactique. Dans ce domaine, Novak Djokovic lui aura été nettement supérieur. Un peu comme si Karpov avait mis échec et maths Kasparov (ou l'inverse) en quelques coups seulement.
"C'est vrai que les services-volées de Djokovic ont été l'une des clés du match, a reconnu le Russe en conférence de presse. Contrairement à la demi-finale contre Carlos où j'ai fait l'un des meilleurs matches de ma vie, cette fois, je n'ai pas réussi à retourner de loin. J'aurais sans doute dû changer ma position en retour. Mais d'ordinaire, même si ça me complique un peu la tâche, un joueur qui fait service-volée, ça ne me perturbe pas plus que ça. C'est surtout que Djokovic l'a très bien fait."
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La scène plaisir du tournoi : Djokovic et Medvedev entre chambrage et louanges

C'est une évidence, et la performance est d'autant plus à saluer que Djokovic s'essaie rarement à l'exercice. Si le Serbe, d'ordinaire plutôt raillé pour sa piètre qualité de smash, était considéré comme un pur serveur-volleyeur, ça se saurait. D'après des statistiques recensées par l'Equipe, il n'avait tenté que huit services-volées au total de cet US Open (dont six face à Laslo Djere, dans un match en cinq sets). Il en a fait 22 contre Medvedev, pour 20 points marqués. Une masterclass, on vous dit.
Celle-ci a été poussée par la nécessité, aussi. Même s'il en paraît dix de moins, il s'avère que Novak Djokovic a 36 ans, et que cela s'est parfois vu durant cette finale. Lorsque le Russe a durci l'intensité du combat au cœur du 2e set, on a alors vu le Serbe plus en difficulté que son adversaire sur le plan physique, comme il l'avait été en finale de Cincinnati contre Carlos Alcaraz. Et s'il avait gardé le cap de la bataille physique, dans laquelle beaucoup d'autres se seraient possiblement enfermés à sa place faute de pouvoir faire autre chose, il y a fort à parier qu'il l'aurait perdue. Comme un joueur "normal".
Mais Novak Djokovic n'est pas un joueur "normal". Sa faculté d'adaptation sur le plan tactique est hors normes. Si certains ont souligné la "facilité" de son tableau dans cet US Open jusqu'à la finale, reste qu'il aura affronté des joueurs avec des profils différents : des puncheurs du fond de court comme Alexandre Müller, Bernarbe Zapata Miralles et Laslo Djere, puis des attaquants explosifs voire surpuissants comme Borna Gojo, Taylor Fritz et Ben Shelton, et enfin un remiseur-cogneur assez inclassable comme Daniil Medvedev. A chaque fois, il a mis en place ce qu'il fallait pour s'imposer. Le plus souvent très facilement.

Une force obscure ?

Cette intelligence de jeu n'est pas forcément l'atout le plus visible de sa manche et il n'est pas interdit de penser que cela l'a parfois desservi, en termes d'image, par rapport à ses compères du Big Three notamment. Parce que contrairement à un Roger Federer et sa beauté grâcieuse, ou à un Rafael Nadal et sa force animale, Novak Djokovic n'a pas pu compter sur un attribut aussi facilement visible à l'œil nu. Ses forces à lui ont toujours été plus obscures, donc moins comprises.
On a tout de même souvent souligné, à juste titre, sa fluidité technique, sa solidité du fond de court et bien entendu son incroyable force mentale. Mais c'est finalement son intelligence tactique qui demeure le principal catalyseur de toutes ces (autres) qualités. Et peut-être aussi son secret principal pour continuer, à 36 ans, de se réinventer ainsi en permanence, match après match, rival après rival.
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