Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Pas de points pour Wimbledon ? L'ATP et la WTA ont choisi la pire des réponses

Laurent Vergne

Mis à jour 25/06/2022 à 13:48 GMT+2

WIMBLEDON – Mécontentes de la décision du All England Club de bannir les Russes et les Biélorusses de cette édition 2022, l'ATP et la WTA ont contre-attaqué en choisissant de ne pas attribuer de points cette année au tournoi londonien. Désormais, tout le monde se retrouve puni. Pour certains, ne pas scorer au classement sera regrettable. Pour d'autres, catastrophique.

Les trophées des simples messieurs et dames de Wimbledon.

Crédit: Getty Images

Quoi qu'il arrive, ce Wimbledon sera différent. Il sera peut-être légendaire, remarquable, intéressant ou très oubliable, la quinzaine à venir le dira. Mais il restera à part. Le Grand Chelem londonien se voit amputé de plusieurs joueurs et joueuses de premier plan, à commencer par le numéro un mondial Daniil Medvedev après avoir décidé d'interdire la présence des Russes et des Biélorusses. Les premiers paient l'invasion de l'Ukraine par Moscou, les seconds le soutien de leur régime à Vladimir Poutine.
En choisissant de faire cavalier seul par rapport à Roland-Garros et à l'US Open, le All England Club a placé son édition 2022 sous un drôle de signe. L'affaire aurait pu en rester là. Mais l'ATP et la WTA, mécontents de ce traitement de choc, ont tenu à répliquer de façon toute aussi drastique en refusant d'attribuer le moindre point au classement. Une mesure de représailles, très clairement. "Vous ne voulez pas des Russes et des Biélorusses ? Vous les punissez de façon unilatérale ? Très bien. Alors personne ne marquera le moindre point." Voilà en substance la contre-attaque des deux instances.
Le positionnement de Wimbledon peut être perçu comme une injustice pour un Medvedev, un Rublev, une Sabalenka et tous les autres, rangés au rang des dommages collatéraux de la politique de leurs dirigeants. Leur tort, c'est donc leur naissance. Chacun verra midi à sa porte pour déterminer si la chose est juste puisqu'il s'agit presque d'une affaire de conscience morale. Sur le circuit comme ailleurs, les avis ont d'ailleurs divergé même si, globalement, une majorité a trouvé excessive cette décision.
picture

La question qui fâche : Exclure Russes et Bélarusses de Wimbledon est-il une bonne décision ?

Mais quel était le but de l'ATP et de la WTA avec cette riposte ? A la fois de marquer de façon significative leur désaccord et sans doute de tenter de faire pression sur les organisateurs britanniques en espérant un rétropédalage. C'était, au mieux, d'une grande candeur. Jamais Wimbledon n'allait revenir sur sa décision pour finalement accueillir Medvedev and co à bras ouverts. Le vénérable Majeur londonien, sûr de sa grandeur et de son aura, est resté droit dans ses bottes. Il a eu raison. Il n'y a pas eu le début du quart de la moitié d'un boycott. "Vous ne nous donnez pas de points ? Alors nous restons chez nous". Tu parles, Charles. On ne renonce pas comme ça à un tournoi du Grand Chelem. A Wimbledon, encore moins.
Andy Murray avait résumé la situation au moment de l'annonce de l'ATP, bientôt suivie par la WTA. "Je suis le golf de près et je n'ai aucune idée du nombre de points que rapporte une victoire au Masters. Mes amis et moi adorons le football et on se fout du nombre de points que reçoit le vainqueur de la Coupe du monde", avait-il tweeté, avant de préciser son propos : "Les joueurs parlent beaucoup de cette décision et chacun a son avis. Oui, c'est dur de ne pas recevoir de points, mais Wimbledon est un tel événement. Vous croyez que les fans se disent 'Oh, il a pris 2000 points !' Non, ils disent 'Wow, il a gagné Wimbledon'".
Oui, Wimbledon se suffit à lui-même et, ici peut-être encore plus qu'ailleurs, les points et le classement ne sont qu'une conséquence et non l'essence même du rêve ou de l'ambition de chacun. Le problème dans cette vision est qu'elle est réductrice. Tout le monde n'est pas Andy Murray. A 35 ans, le classement n'a pas la même importance pour lui que pour d'autres. Sur les hauteurs de la hiérarchie, l'absence de points pose problème.
Dans la course à la qualification pour le Masters, par exemple, qui s'en trouvera automatiquement faussée. Par ailleurs, l'ATP et la WTA vont appliquer une double peine puisque non seulement il n'y aura aucun point en jeu, mais ceux de l'édition 2021 ne seront pas gelés. Le tenant du titre Novak Djokovic, quoi qu'il fasse, est donc contraint à un gadin significatif. Imaginez qu'un jeune joueur, un Alcaraz, un Auger-Aliassime ou un Berrettini décroche son premier titre majeur sur le Centre Court. Il n'en tirera aucun bénéfice comptable. Alors, certes, Murray a raison, là n'est pas l'essentiel. Mais ranger le classement au rang de la simple anecdote, c'est pousser le bouchon un peu loin.
picture

Nadal, Kyrgios, Berrettini and co. tapent la balle avant Wimbledon

D'autant que ce n'est pas pour celles et ceux qui évoluent déjà au sein du gratin que les dommages seront les plus importants. Djokovic s'en remettra. Les autres aussi. En revanche, pour beaucoup, une grosse performance dans un tournoi du Grand Chelem, c'est l'opportunité de changer de dimension. De statut. De vie, même, parfois.
Prenons le cas d'un joueur ou d'une joueuse qui peine à émerger sur le circuit depuis des années et stagne entre la 100e et la 200e place. Soudainement, un quart de finale ou une demie en Grand Chelem et tout s'éclaire. Si Andy Murray pense qu'un Aslan Karatsev, propulsé à 25 ans dans le Top 50 grâce à sa demi-finale à l'Open d'Australie en 2021 alors qu'il galérait en challengers saison après saison, n'accorde pas d'importance aux 720 points alors acquis à Melbourne, qu'il aille en toucher deux mots au Russe. Pas à Wimbledon, bien sûr, puisqu'il ne sera pas là.
picture

Aslan Karatsev à l'Open d'Australie en 2021.

Crédit: Eurosport

Pour tous ceux-là, le classement n'a rien de secondaire. Gagner 20, 30 places, parfois davantage, c'est, au choix, entrer dans le cut pour le prochain Grand Chelem ou accéder aux tournois du circuit principal. Pour eux, pour elles, c'est potentiellement une catastrophe d'être ainsi privés de ce qui aurait dû leur revenir en cas de résultat significatif, voire hors normes à leur échelle. La même performance, dans deux mois à l'US Open, changera peut-être tout. A Wimbledon, nada, en dehors de la satisfaction d'avoir atteint la seconde semaine, les quarts, ou mieux. Cette satisfaction-là est tout sauf négligeable. Elle est même essentielle. Mais il manquera une partie du bénéfice. Au nom de quoi ?
Pour répliquer à ce qu'elles ont considéré comme une injustice vis-à-vis des Russes et des Biélorusses, ATP et WTA ont donc choisi de répondre par une autre injustice. Parce qu'il était choquant aux yeux des deux associations de faire des bouc-émissaires d'un conflit géopolitique de simples sportifs (et parce qu'elles ont probablement été vexées par cette décision unilatérale), les voilà qui sanctionnent tout le monde. Drôle de vision de l'équité. On ne répare jamais une injustice par une autre.
picture

Serena à l'entraînement sur le central

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité