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WIMBLEDON – Djokovic, les trois bottes secrètes du roi de l'herbe

Rémi Bourrières

Mis à jour 11/07/2022 à 19:10 GMT+2

WIMBLEDON - Novak Djokovic, qui a décroché dimanche (face à Nick Kyrgios) son 7e titre à Wimbledon, est devenu au fil de sa carrière un impitoyable joueur de gazon en se basant sur trois atouts majeurs : son retour, qu'on lui connaît, son service, souvent mésestimé, et son incroyable sang-froid dans les moments chauds, qui a particulièrement impressionné sa victime en finale.

Novak Djokovic in Wimbledon

Crédit: Getty Images

Parce que les clichés ont la dent dure, parce que la réalité des choses change plus vite que les mentalités, Novak Djokovic ressemble à peu près à tout sauf à l'idée que l'on se fait généralement du joueur typique de gazon : à savoir un gros serveur, un gros volleyeur, et même tant qu'à faire un gros serveur-volleyeur. Joueur de fond de court par excellence, a priori plutôt considéré comme (encore) meilleur sur dur, le Serbe est devenu au fil des années un immense joueur de gazon, désormais l'un des plus grands de l'histoire avec ses sept Wimbledon qui font de lui l'égal de Pete Sampras, à une unité du record de Roger Federer, deux joueurs plus raccords avec les standards traditionnels des herbivores.
Bien entendu, Novak Djokovic est avant tout le reflet de son temps, du ralentissement du gazon et de l'évolution générale du jeu vers le fond de court. Ses sept Wimbledon victorieux ne se comparent pas tellement aux cinq de Björn Borg, qui forçait sa nature en suivant la plupart du temps sa première balle au filet. Ni au "one shot" d'Andre Agassi, l'un des rares joueurs - peut-être le seul – à avoir gagné sur le gazon d'antan en restant essentiellement campé sur sa ligne. Si le gazon n'avait pas été changé en 2002, il est possible que le Serbe n'aurait pas gagné sept fois dans le Temple, même s'il y aurait à coup sûr fini par y triompher un jour, tant il est fort.
Ce double paramètre combiné, à savoir l'évolution de la surface et des styles, fait qu'il n'y a pas aujourd'hui une seule manière de briller sur gazon. Il y en a plusieurs et Novak Djokovic les combine toutes, avec notamment trois armes principales qui font de lui probablement, aujourd'hui, le joueur ultime sur cette surface : le service, le retour et le sang-froid dans les moments chauds, si important sur une surface qui, ralentie ou pas, force souvent les matches à se jouer sur des détails.
J'ai l'impression qu'il n'a rien fait d'extraordinaire. Mais il était tellement calme... (Nick Kyrgios)
Ce fut d'ailleurs criant lors de cette finale contre Nick Kyrgios qui s'est peut-être jouée en quelques fractions de secondes. Précisément, il y a eu deux moments-clés : d'abord ce jeu à 4-4 dans le 3e set lorsque Kyrgios, menant 40-0 sur son service, s'est brièvement déconcentré, ce qui a suffi au Djoker pour jaillir de sa boîte et breaker au bon moment, remportant dans la foulée ce 3e set pour faire basculer le match de son côté.
Puis il y a eu le jeu décisif d'un 4e set lors duquel les serveurs ont fait la loi, jusqu'à 6-6, donc. Dans un tie-break, on dit souvent que les meilleurs serveurs sont avantagés. Peut-être, mais ce sont surtout ceux qui parviennent le mieux à tenir leurs nerfs. Djokovic y est parfaitement parvenu en menant ce tie-break de main de maître, sans la moindre émotion apparente sur son visage malgré l'énormité de l'enjeu, à l'inverse de Kyrgios dont le cerveau, c'était visible, était en ébullition, en dépit de ses louables efforts pour rester sage.
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D'accord, c'est souvent un peu comme ça avec lui, mais s'il y a un domaine dans lequel Novak a impressionné ce dimanche, plus encore que par son jeu, c'est bel et bien par son sang-froid absolu dans ces moments chauds. Ce dont a d'ailleurs parfaitement convenu sa victime : "C'est bizarre, j'ai l'impression qu'il n'a rien fait d'extraordinaire. Mais il était tellement calme. Je pense que c'est sa plus grande force, il n'a jamais l'air déstabilisé. Chapeau à lui", a reconnu l'Australien en conférence de presse.

Djokovic remporte le dialogue service-retour

C'est un fait mille fois démontré, Novak Djokovic est un reptile à sang-froid, qui étouffe ses victimes à petit feu à la manière d'un boa constrictor, plus qu'il ne les foudroie sans leur laisser la moindre chance de salut. Après, évidemment, il serait peut-être un peu réducteur de résumer sa domination générale aux deux brefs moments dont on a parlé. Si l'on se penche un peu plus en détails sur les statistiques, le Serbe a dominé LE facteur-clé du jeu sur herbe : le dialogue service-retour.
Que Kyrgios soit un meilleur serveur que Djokovic, tout le monde en conviendra sans doute. Que Djokovic soit un meilleur relanceur, on ne devrait pas trouver grand-monde pour le contester non plus. Restait à savoir lequel des deux serait le meilleur dans la combinaison de ces deux coups. Et pour cela, il n'y a qu'un indicateur fiable : le pourcentage de points gagnés derrière la première et derrière la deuxième balle. Djokovic a dominé ces deux secteurs : 83% (contre 70) derrière sa première, et 61% (contre 53) derrière sa deuxième. A partir de là, rideau : le match était plié.
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Wilander : "Djokovic a toutes les chances d'atteindre les 8 titres à Wimbledon"

Si Kyrgios n'a pas réussi à hausser encore un peu plus son pourcentage, ce n'est pas parce qu'il n'a pas assez bien servi, bien au contraire. Il a servi le plomb, lui-même l'a dit. C'est plutôt parce que Djokovic, fidèle à sa légende, a su le lire de mieux en mieux au fil du match. Et si le Serbe, de son côté, a déclaré qu'il aurait pu mieux servir (il a commis 7 double-fautes, comme son adversaire, mais moitié moins d'aces, 15 à 30), il a malgré tout mis en lumière le relatif point faible de Kyrgios en retour, notamment en retour de coup droit.

Quatre à la suite, une première pour "Djoko"

Comment ? En variant à merveille son engagement et en utilisant notamment deux types de service qui se sont avérés redoutablement efficaces contre l'Australien, à savoir le petit service slicé extérieur côté égalité, et le service au corps. Sans jamais chercher la vitesse, il a cumulé beaucoup de points gratuits et ce dans des moments importants. Son service est peut-être aujourd'hui ce qui résume le mieux l'ensemble de son jeu : ce n'est pas forcément "clinquant" de prime abord, mais c'est d'une intelligence et d'une efficacité absolument admirables.
Ensuite, à côté de ce dialogue service-retour qu'il a remporté, Djoko a fait du Djoko. Il a limité les fautes (17 à 33 en tout). "Depuis la ligne de fond, dans les trois derniers sets, je n'ai pas raté grand-chose, s'est réjoui le vainqueur face à la presse. Cela faisait partie de la stratégie." Au tennis, tout le monde a pour stratégie de rater le moins possible. Mais personne n'y arrive aussi bien que Djokovic.
Avec ces trois armes-clés que sont donc le service, le retour et le sang-froid, Novak Djokovic s'est mû, petit à petit, en joueur de gazon ultime. Le voilà désormais à la tête d'un trésor de sept Wimbledon dont quatre d'affilée, une performance qu'il n'avait réussie sur aucun autre Grand Chelem. Et encore, l'édition 2020 a été annulée, sans quoi il serait peut-être aujourd'hui à la tête d'un double record de 22 Grands Chelems dont huit Wimbledon. Wimbledon, le tournoi qui le faisait rêver étant petit, aujourd'hui plus que jamais devenu son jardin, et même sa forteresse (quasi) imprenable.
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