Wimbledon - simple messieurs : Tu deviens un homme, Fils...

Arthur Fils, qui défie Alex de Minaur ce lundi à Wimbledon, a atteint ici son premier huitième de finale en Grand Chelem sans surjouer, mais en démontrant une belle maîtrise de ses nerfs qui lui a permis de surmonter pas mal de chausse-trappes. Le signe qu'à 20 ans, il semble avoir passé un cap sur le plan mental.

Pourquoi le tennis français cartonne à Wimbledon ?

Video credit: Eurosport

Lorsqu'on lui a rapporté, sur le plateau de BeIN sports, les propos de Giovanni Mpetshi Perricard – qualifié comme lui pour la deuxième semaine – qui rêve déjà d'une confrontation entre "potes" en demi-finales de Wimbledon, Arthur Fils a levé les yeux au ciel et préféré en sourire : "Ouais, dis-lui déjà de se concentrer sur son huitième, moi je me concentre sur le mien, et après on voit !, a-t-il chambré son ami d'enfance. Ce serait cool, mais dis-lui un peu de se concentrer, p… Qu'est-ce qu'il raconte, là !"
La scène, amusante, est tout de même assez révélatrice de la manière dont le jeune Français d'à peine 20 ans refuse de voir plus loin que le bout de son nez – enfin, de son prochain match – sur ce Wimbledon. Il aurait pourtant de quoi se regarder dans la glace, après une première semaine qui lui a permis de :
Mais Arthur Fils ne s'enflamme pas, et il faut le souligner de la part d'un joueur qui s'est suffisamment vu reprocher par le passé, de manière sans doute un peu sévère sinon injuste, d'afficher trop haut et trop fort son ambition. Le Fils cru Wimbledon 2024 fait plutôt dans le sobre, voire dans le profil bas. Il ne pratique même pas le tennis étourdissant qu'on l'a vu parfois atteindre l'an dernier lors de son éclosion au plus haut niveau. En revanche, il impressionne par la manière dont il a su éviter pas mal de peaux de banane glissées dans l'herbe depuis le début de sa campagne londonienne.
Face à Hurkacz, le joueur élu "révélation ATP de la saison 2023" s'est ainsi retrouvé dans l'étrange situation de devoir patienter de longues minutes avant de négocier une balle de set contre lui – une balle de deux sets partout -, le temps que le Polonais, qui venait de se blesser au genou, se fasse soigner. Panique à bord ? Oui, un peu. Mais le Français a accepté, n'a pas bronché et s'en est finalement sorti.
Au troisième tour, face au dangereux Roman Safiullin, quart de finaliste sortant, il s'est retrouvé mené deux sets à un, dans des conditions de vent et de pluie à avoir franchement envie de rentrer à la maison plutôt que de ferrailler sur un terrain de tennis. Mais là encore, il a accepté, n'a pas bronché. Et il s'en est sorti, en cinq sets.
"A la fin du troisième set, j'étais vraiment "down" mentalement et, franchement, il y a un an, j'aurais pris 6-0 au quatrième, a-t-il ensuite reconnu en conférence de presse. Et puis, je me suis dit à moi-même : 'Maintenant, tu fermes ta gueule, tu arrêtes de te plaindre'. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai gagné. Parce qu'ensuite, j'étais dedans, très focus. Et je suis heureux de la manière dont j'ai su réagir dans les deux derniers sets."
Qu'Arthur Fils atteigne la deuxième semaine d'un Grand Chelem, c'était évidemment une question de temps. Qu'il le fasse ici, sur une surface qui n'est pas naturellement la plus adaptée à ses puissants appuis, maintenant, après une première moitié de saison souvent compliquée, et de cette manière, c'est-à-dire en descendant à la mine plus qu'en cherchant à monter trop haut dans les tours, est plus surprenant. Mais c'est ce qui est d'autant plus intéressant dans son parcours.
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Le flair de Fils : il anticipe le smash de Zverev et trompe l'Allemand

Video credit: Eurosport

"Ce qui m'a plu contre Safiullin, c'est la manière dont il a réussi à garder son calme, à rester concentré et à élever franchement son niveau dans les deux derniers sets, notamment au service, a commenté son coach Sébastien Grosjean, sans doute pas étranger à ses progrès sur herbe, déjà entrevus à Halle, puisqu'il fut deux fois demi-finaliste à Wimbledon en 2003 et 2004. Il faut qu'il continue de gérer aussi bien ses émotions. On sait que c'est un joueur qui aime les fins de sets, maintenant il faut aussi rester vraiment concentré et lucide sur les entames de set. Mais c'est vraiment une grosse satisfaction de s'imposer en cinq sets face à un très bon joueur."
A priori, ce n'est pas maintenant qu'Arthur Fils va commencer à s'enflammer. Surtout à l'heure d'affronter "l'un des joueurs les plus dangereux du tableau", en la personne d'Alex de Minaur, l'un des deux seuls à n'avoir pas encore perdu un set, avec Alexander Zverev. "Pour l'instant, je n'ai pas commencé à rêver, a-t-il encore posément lâché. Ce n'est que la deuxième semaine. C'est génial, hein ! Mais ce n'est que le début de la deuxième semaine... Je ne sais même pas qui je jouerais après Alex."
En l'occurrence, ce serait peut-être Novak Djokovic mais, on l'aura compris, ça n'est pas le sujet. Le Francilien voit loin, ce qu'il fait depuis toujours, mais désormais sans regarder trop loin. Comme le disait Roger Federer, la gestion d'un match de tennis est un marathon entrecoupé de sprints. La gestion d'une carrière, elle, implique une vision à long terme et une focalisation sur le court terme. C'est le subtil alliage de ces qualités souvent antinomiques qui est, souvent, le plus difficile à trouver. Sur ce Wimbledon, Arthur Fils donne l'impression d'avoir fait un gros pas en ce sens. Quel plus beau symbole que de le faire ici, dans l'écrin du fameux poème de Rudyard Kipling : "Tu seras un homme, mon fils…"
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