Mirra Andreeva, le début d’une ère nouvelle ? "C’est la meilleure joueuse du monde, et de loin"

Victorieuse ce week-end de son premier WTA 1000 à Dubaï au prix d’un parcours de feu, la Russe Mirra Andreeva, désormais 9e mondiale, impressionne par son tennis complet et sa maturité tactique. Alors qu’Aryna Sabalenka et Iga Swiatek donnent des signes de "moins bien", elle incarne peut-être le début d’une nouvelle ère, comme l’estime notamment son ancien entraîneur Jean-René Lisnard.

Mirra Andreeva lors du tournoi WTA de Dubaï 2025.

Crédit: Getty Images

Frimousse rieuse à la Monica Seles, sens de la géométrie du court à la Martina Hingis. Excusez du peu. Mirra Andreeva, victorieuse samedi du WTA 1 000 de Dubaï en dominant Clara Tauson en finale (7/6, 6/1), ne cesse de susciter la comparaison avec les plus grandes et, si elle en est évidemment encore loin en termes de palmarès, elle est en tout cas elle aussi partie sur des bases très élevées en termes de précocité.
A 17 ans et 299 jours – elle est née le 29 avril 2007 à Krasnoïarsk, en Sibérie -, la pépite russe est devenue la plus jeune joueuse à remporter un WTA 1000, une catégorie de tournois créée en 2009. Elle l’a fait en terrassant par ailleurs trois gagnantes de Grand Chelem (Marketa Vondrousova, Iga Swiatek et Elena Rybakina), du jamais vu pour une joueuse de cet âge depuis Maria Sharapova au Masters 2004. Et, ce lundi, la voici devenue la plus jeune joueuse à figurer dans le top 10 depuis Nicole Vaidisova en 2007. Excusez du peu, là encore...
Mais à vrai dire, son titre ressemble plus à un avènement qu’à une révélation. La révélation, c’était plutôt en 2023, quand elle avait atteint les huitièmes de finale du WTA 1000 de Madrid en fêtant ses 16 bougies en plein tournoi. Quelques semaines plus tard, elle prenait le premier set face à Coco Gauff au 3e tour de Roland-Garros, puis elle menait 6-3, 4-1 face à Madison Keys en huitièmes de finale de Wimbledon. Et en 2024, à Paris, elle était devenue la plus jeune demi-finaliste en Grand Chelem depuis Martina Hingis en 1997.
Alors, même si l’ouragan n’a pas toujours déferlé à la même vitesse ensuite – la "faute" aussi, ne l’oublions pas, à une limitation de tournois imposée aux joueuses par la WTA jusqu’à leur majorité -, on ne peut pas dire non plus que la voir s’imposer aujourd’hui à Dubaï constitue la sensation du siècle. Là où l’affaire devient intéressante, ou plutôt symbolique, c’est qu’elle le fasse au moment précis où Aryna Sabalenka et Iga Swiatek, qui dominent le tennis mondial depuis plusieurs années, traversent en ce début de saison ce que l’on pourrait qualifier de petit coup de "moins bien", certes relatif, mais tout de même prégnant.
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Mirra Andreeva, 16 ans et tueuse à tête d'ange

Video credit: Eurosport

La Biélorusse, qui avait pourtant débuté l’année sur les chapeaux de roue en s’imposant à Brisbane, semble avoir mal digéré son coup d’arrêt en finale de l’Open d’Australie face à Madison Keys. Elle n’a gagné qu’un match au total de ses deux tournois de la tournée du Moyen-Orient, battue dès le 2e tour à Dubaï par la futur finaliste, Clara Tauson, après avoir été sortie d’entrée à Doha par Ekaterina Alexandrova. Quant à la Polonaise, elle n’a pas encore joué de finale en 2025. D’accord, elle avait eu balle de match en demies à Melbourne face à Keys. D’accord, on n’est pas sur la surface la plus propice à son jeu. Mais la manière dont Andreeva l’a balayée en quarts à Dubaï, comme Jelena Ostapenko l’avait fait une semaine plus tôt en demies à Doha, interpelle forcément un peu.
Sabalenka, c’est très fort, Swiatek a du feu dans le bras. Mais tennistiquement, Andreeva, c’est encore un cran au-dessus.
De là à dire que le tennis féminin est à l’aube d’une nouvelle ère incarnée par la jeunesse triomphante d’une Mirra Andreeva ? On en est loin. Mais on n’est pas dans la science-fiction non plus. "Pour moi, Mirra Andreeva est la meilleure joueuse du monde, et de loin, estime Jean-René Lisnard, qui l'a formée pendant deux ans, en 2022 et 2023, au sein de son académie de l’Elite Tennis Center, à Cannes (où il a également accueilli sa grande sœur Erika). Sabalenka, c’est très fort, Swiatek a du feu dans le bras. Mais tennistiquement, Andreeva, c’est encore un cran au-dessus. Cette fille, si elle ne gagne pas 10 ou 15 Grands Chelems à la fin de sa carrière, c’est qu’il aura manqué quelque chose. Pour moi, elle aurait déjà dû gagner un gros truc l’année dernière."
Ode aux passings, aux accélérations de revers long de ligne et à l’exploitation des angles les plus improbables d’un court de tennis, la compilation des highlights de Mirra Andreeva à Dubaï est en effet un régal pour les yeux. Techniquement, la Russe sait tout faire. Elle démontre une maîtrise technique et une maturité tactique d’autant plus déconcertantes qu’elles sont un peu à contre-courant de la mouvance du tennis moderne, davantage versée sur la puissance à tout crin.
"Par rapport à beaucoup d’autres joueuses, elle contrôle la balle, elle comprend le jeu et ça, c’est beaucoup plus dur à faire que de mettre des 'cachous' dans tous les sens, poursuit 'JR', qui a bu du petit lait ce week-end en voyant un autre de ses anciens élèves, Alexandre Müller, atteindre la finale à Rio. Même si son revers est effectivement un coup très sûr, sa force, c’est surtout qu’elle sait tout faire. Elle est capable de contenir la puissance de l’autre mais elle est aussi capable de tenir longtemps l’échange à une cadence élevée. En plus, elle sert bien, elle a de la puissance et un bon 'kick'. Elle pourrait peut-être transférer un peu plus vers l’avant. Mais tennistiquement, c’est extrêmement complet."
Mentalement, en revanche, la joueuse – mais comment le reprocher à une adolescente ? – a parfois eu du mal à endiguer ses frustrations sur un court. On se souvient notamment de ce duel contre Coco Gauff à Roland-Garros en 2023, quand elle avait réchappé à une possible disqualification après avoir balancé une balle en tribune. A Dubaï, elle a expliqué avoir travaillé sur la question grâce à des discussions avec une psychologue mais aussi, bien sûr, avec l’ancienne championne espagnole Conchita Martinez, avec laquelle elle s’entraîne depuis un an tout en bénéficiant désormais des structures de la All-In Academy.
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"Cette négativité dont elle parle, c’est quelque chose de très fréquent chez les jeunes très talentueux, reprend Jean-René Lisnard, dont l’aventure auprès de la jeune championne s’était arrêtée en raison d’un désaccord contractuel. Ils veulent aller très haut, très vite donc ils ne sont jamais satisfaits de ce qu’ils font. En revanche, Mirra n’est jamais tombée dans l’autodestruction. Elle dégage une espèce de force tranquille et un calme qui la préservent de ça, avec en plus un entourage qui ne s’excite pas trop dans la victoire ou dans la défaite, comme c’est souvent le cas. Avec l’expérience et la maturité, elle a fini par s’améliorer logiquement."
L’ancien 84e joueur mondial (en 2003), qui a poli de nombreux diamants et notamment Daniil Medvedev au sein de sa structure, connaît néanmoins assez la musique pour s’en tenir aujourd’hui à une forme de prudence. "Plus jeune, Mirra faisait partie des très bonnes joueuses mais attention : elle était moins forte que les sœurs Fruhvirtova ou qu’une Marta Kostyuk, donc ce n’est pas non plus la prodige qu’on dépeint aujourd’hui. Il y a énormément de paramètres, alors il faut rester prudent. Mais pour moi, encore une fois, sur le plan tennistique, c’est elle la meilleure du monde. Et il n’y a pas photo."
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