"Prêt à me battre"

"Mon palmarès appartient au passé et ne m'intéresse pas. C'est ce qu'il y a devant qui m'intéresse. C'est pour ça que j'y retourne ! Et puis, la Route du Rhum est une course majeure du calendrier, une occasion aussi d'offrir une très bonne visibilité à notre sponsor."

"J'avais 13 ans lors de la 1ère édition, en 1978, et on tout le monde de la course au large se souvient de l'arrivée d'une petite libellule, un trimaran de 12 mètres (l'Olympus photo de Mike Birch), grillant la politesse à un monocoque de 21 mètres (le Kriter V de Michel Malonowski). Cette course a été la bascule de l'hégémonie du monocoque à la longue vie du multicoque. La technologie, je suis tombé dedans tout de suite : je suis né dans un chantier navale - pas de construction mais d'entretien et d'hivernage de bateau de plaisance. Tout petit, je jouais déjà à faire des modèles réduits de monocoques. Tout de suite, en 1978, on s'est aperçu que le multicoque était ce qu'il y avait de plus magique, de plus magnifique. A part 1978, j'ai été marqué par 1986 et la disparition de Loïc Caradec et 1990, avec la victoire de Florence Arthaud. Notre monde de machos d'alors s'étonnait qu'une femme puisse gagner !"

"On l'a fait en six mois - contre huit au précédent - et j'ai quasiment passé les trois deniers mois avant la mise à l'eau à faire du 7 jours sur 7 sur le chantier. Il est tout neuf mais on ne l'a pas juste fait pour avoir un joli cadeau de Noël. On a voulu aller chercher de la performance là où la jauge nous contraignait, sur les formes de pont, les flancs de la coque, la surface de voile. Comporte-t-il une innovation particulière ? Je ne parlerai pas d'innovation car c'est un terme très galvaudé. Pour preuve, on ramène aujourd'hui sur nos bateaux des technologies, des astuces oubliées depuis trois ou quatre siècles. Des choses d'antan qui marchent car fait de la simplicité.

Et tout ça ne s'est pas fait au détriment de la solidité, même si je ne connaitrai la fiabilité de mon Foncia qu'à l'arrivée. En termes de construction, j'ai imposé des coefficients de sécurité supérieurs au précédent bateau - qui n'avait pourtant pas cassé - afin de pousser plus le bateau sur la Barcelona Word Race qui suivra. On a aussi amélioré le couple de redressement, mis en place une cloison étanche supplémentaire : on en a six alors que la jauge en impose cinq. On a rajouté une trappe de survie dans le fond du bateau alors qu'elle n'est pas obligatoire. Sans avoir mégotté sur la qualité, le bateau se trouve en dessous du devis de poids proposé par l'architecte.

Voilà, j'ai donc hâte de le confronter aux autres. Je veux être à la hauteur de tout le boulot qui a été fait par mon équipe, et je peux vous dire que je suis prêt à me battre ! Le bateau a-t-il été mis à l'eau trop tard ? Tous les avis sont dans la nature mais l'histoire ne retiendra que le nom du vainqueur. Si ce n'est pas le mien qui sort du chapeau -ce qui est possible - je me demanderais alors pourquoi et comment."

"Après avoir fait deux la Route du Rhum fois en multicoque (Géant), je vais y participer en monocoque. En tout, j'ai fait trois transat en multicoque, et je sais que le maniement d'un multi est beaucoup, beaucoup plus compliqué ! C'est un jeu d'équilibriste. Je trouve juste dommage d'avoir une classe "Ultime" disparate du genre qui nous avait poussé à des excès ORMA il y a quelques dizaines d'années, notamment avec la disparition de Loïc Caradec (sur Royale). Aujourd'hui, je suis très content d'être sur la Route du Rhum 2010, dans la catégorie IMOCA 60 où il y a une équité sportive. Le seul problème est que lorsque les "Ultime" seront arrivés, on ne saura pas dire si le vainqueur avait le meilleur bateau, s'il a tiré les meilleurs bords. Je ne saurai pas dire et personne d'autre non plus, je pense. Bon, je n'ai rien contre ces coureurs, ces bateaux ou l'organisateur. Il a besoin de ces bateaux pour sa course."

"Pendant les six mois de sa construction, j'ai fait très peu de navigation, ordinairement ma principale source de préparation physique, mais ça ne m'a jamais fait défaut. Sur l'eau, je fais de bonnes nuits mais c'est la météo qui planifie mes phases de sommeil. Le bonhomme est à la disposition du bateau ! Paradoxalement, c'est dans le petit temps qu'il faut être présent car c'est là où il y a de grosses différences de vitesse à faire. Quand il y a de la brise, c'est à la limite là où il faut dormir car il ne se passe pas grand-chose. On a par exemple de faibles surfaces de voile, faciles à manœuvrer."

"Je suis un amoureux de levé de soleil et des couchers de soleils mais en général, le matin, je suis en train de dormir et je ne les vois pas toujours. Est-ce un moment agréable pour moi de recevoir un classement qui me place en tête ? Je me méfier des classements : ils sont exprimés en distances au but et ils ne préjugent pas le parcours restant à couvrir en fonction du vent dans le temps et dans l'espace. Bref, je regarde plus la position de mon bateau (par rapport aux autres)."

"Il n'y a pas de mauvais élève dans la classe, et même que des bons ! Nous ne sommes pas très nombreux (neuf) mais le plateau est relevé, dense. Je vous laisse jouer aux pronostics, ça ne m'intéresse pas !"

"Je n'ai pas spécialement d'idée du concurrent avec qui lutter dans un final. Le jeu est toujours le même : franchir la ligne d'arrivée, en premier."