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L'oeil de Rio : La boxe française, ou les forces de l'esprit

Laurent Vergne

Mis à jour 16/08/2016 à 01:15 GMT+2

JO RIO 2016 - La boxe tricolore brille de mille feux dans ces Jeux. Déjà assurée de quatre médailles, elle pourrait aller plus loin encore. Mardi, elle a l'occasion de signer une performance historique. Une belle récompense pour un groupe exemplaire, uni, et porté par le souvenir d'Alexis Vastine, auquel tous veulent rendre hommage au Brésil.

Tony Yoka

Crédit: AFP

Lors du tout premier billet publié dans cette chronique quotidienne, j'avais évoqué la puissance potentielle de la dynamique collective. Je parlais à la fois de façon globale, pour une délégation nationale, et spécifique, dans un même sport. Une fois encore, ces Jeux de Rio sont en train de le confirmer. Jusqu'à la caricature pour le pire, mais parfois pour le meilleur.
La natation et le tennis se sont englués, par-delà des résultats sportifs décevants pour l'un et catastrophiques pour l'autre, dans des déchirements internes et règlements de compte ou des caprices de petite diva. A l'autre extrémité de cette échelle, voici la boxe, gentiment en train de devenir le grand coup de cœur collectif de ces Jeux côté français. Elle est arrivée sur la pointe des pieds. La bave aux lèvres. Le cœur gros. Mais le cœur grand.
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Sofiane Oumiha - JO Rio 2016

Crédit: AFP

Jusqu'à il y a quelques jours, en dehors des aficionados de la chose pugilistique, les noms de Tony Yoka, Sofiane Oumiha, Mathieu Bauderlique, Estelle Mossely ou Souleymane Cissokho ne disaient pas grand-chose à personne. Ils seront peut-être les héros de cette seconde semaine olympique du côté tricolore. Cissokho a officiellement ouvert le bal avec son bronze lundi soir. Il y en aura, dans le pire des cas, quatre.

Ici, les mots ont un sens

Mardi peut même devenir une journée historique. Si tout se goupille bien, Sofiane Oumiha deviendra le premier champion olympique tricolore depuis Brahim Asloum en 2000, à Sydney. Mathieu Bauderlique boxera lui pour une place en finale et passer, au minimum, du bronze à l'argent. Tony Yoka, qui dispute son quart de finale, assurera une nouvelle médaille en atteignant le dernier carré. Idem pour Sarah Ourahmoune.
Cette réussite, inédite par son ampleur en France, doit d'abord à la qualité du groupe. Ce sont d'abord de sacrés boxeurs. C'est tout sauf un hasard si la France a débarqué à Rio avec 10 combattants (dont deux filles, une première). Jamais elle n'avait compté un groupe olympique aussi pléthorique. L'Olympiade a été fructueuse, prometteuse, et les JO 2016 ont été placés sous le signe de l'ambition. Il y a beaucoup de qualité dans ce groupe, bien structuré. Du DTN Kevin Rambaud aux entraîneurs nationaux, Luis Mariano Gonzalez Cosme et John Dovi pour les hommes, Anthony Veniant et Mehdi Nichane pour les femmes, tout le monde maitrise son affaire.
Mais il y a autre chose. Cette équipe de France de boxe, c'est plus, tellement plus qu'une somme d'individualités, même brillantes. Depuis le début des épreuves, au Pavillon 6 du Rio Centro, on entend sans cesse les mêmes mots. Dans toutes les bouches. Solidarité. Famille. Esprit d'équipe. Soudés. Pas des éléments de langage de conseiller en comm'. Non, ici, les mots ont un sens. Parce qu'entre les rêves et les ambitions de chacun coule un ciment commun, qui transforme ces jeunes hommes et ces jeunes femmes en un bloc uni, convergeant vers un devoir collectif : l'hommage à rendre à l'un des leurs, volé beaucoup trop tôt par la grande faucheuse.
Le 9 mars 2015, Alexis Vastine a trouvé la mort avec neuf autres personnes, dont Camille Muffat et Florence Arthaud, dans un accident d'hélicoptère, alors qu'il participait à un jeu pour TF1. C'est peu dire que la boxe tricolore a été éprouvée. Au niveau olympique, tout particulièrement. Vastine était un des leurs. Médaillé de bronze à Pékin après une décision arbitrale controversée, éliminé à Londres au pied du podium dans les mêmes conditions, il avait fini par trouver la force de se relever pour repartir au combat, à tous les sens du terme. Rio l'attendait, lui aussi.
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L'hommage rendu à l'INSEP à Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine

Crédit: AFP

Le grand absent de ces Jeux enveloppe pourtant les Bleus de sa présence. Il est partout et donne une dimension poignante à la quête des boxeurs français ici à Rio. Quand il vient à Rio Centro, Luis Mariano Gonzalez Cosme a toujours près de lui le T-shirt qui avait été confectionné en hommage à Vastine au moment de sa disparition. Il avait été son protégé, son élève. Sofiane Oumiha, finaliste en -60 kg, a dit vouloir le titre "pour sa famille, la boxe, et pour Alexis Vastine". Il a évoqué "une source de motivation supplémentaire".
Il est là, près de nous, on le sent
Pour Souleymane Cisshoko, la situation est plus particulière encore. Il boxe dans la catégorie des -69 kg, celle où Vastine avait ferraillé à Londres en 2012. Comme les autres, et peut-être plus encore que les autres, le capitaine des Bleus, qui s'est donc paré de bronze, pense en permanence à Alexis Vastine. Samedi, lui aussi avait eu des mots pour son ancien camarade : "Il est là, près de nous, on le sent. C'est pour nous, mais aussi pour lui, que l'on veut ramener un maximum de médailles. Et de la bonne couleur. Parce que c'était vraiment un mec en or."
Le 31 décembre 1994, dans la dernière de ses 14 allocations de vœux de bonne année aux Français, François Mitterrand, se sachant à l'hiver de sa présidence mais aussi de son existence, avait eu ces mots célèbres : "Je crois aux forces de l'esprit, et je ne vous quitterai pas". Le mysticisme, comme la foi, sont des choses à la fois universelles et éminemment personnelles.
J'ignore si Alexis Vastine croyait aux forces de l'esprit. En revanche, ce qui est certain, c'est qu'il ne les a pas quittés. A l'heure des combats, il est là, sur le ring, avec eux, et si ce n'est pas quantifiable, vous ne trouverez personne dans le clan tricolore pour vous dire que son esprit ne donne pas aux boxeurs bleus un supplément d'âme et de force. L'histoire d'Alexis Vastine est tragique et son destin olympique fut à la fois inabouti et injuste. Mais aujourd'hui, disparu de ce monde, il trouve encore le moyen de foncer vers l'or par procuration. C'est quand même une sacrée victoire, témoignage de l'influence qu'il a et de l'homme qu'il fut.
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