Makahi... qui ?

Il a une sacrée bonne bouille, ce Makahiki. Robuste, compacte, le regard franc, le toupet électrifié, les naseaux courts, le chanfrein large, l'encolure épaisse, la fesse tonique... À trois ans seulement, le champion japonais impose le respect. Tant par sa prestance naturelle que par la puissance que dégage son être tout entier. Hier, la star de l'écurie de Yasuo Tomomichi se présentait pour la première fois aux princes de Condé, foulant cette piste mythique de Chantilly qui accueillera bientôt le joyau Prix de l'Arc de Triomphe en compagnie de son cavalier de tous les jours, Yusuke Oe. D'un beau bai étincelant sous le soleil naissant, les quatre membres protégés sous des chaussettes blanches à l'allure sportives, le poulain n'était pas là pour éblouir aussi vite, mais pour prendre ses marques et repérer chaque piège que l'hippodrome qui lui était inconnu aurait pu lui jouer. Averti, bientôt en lice dans le Prix Niel, Makahiki représentera son pays au deuxième jour du mois d'octobre dans la plus grande course du monde, aidé par son pilote Christophe-Patrice Lemaire, l'atout supplémentaire, ce bout de chocolat noir délicatement placé sur la cerise, au sommet d'une pièce montée onctueuse et savoureuse.
Mais qui est ce beau jeune homme d'une demi-tonne ?
Makahiki, fils de Deep Impact, pour ne pas surprendre, est issu d'une souche maternelle argentine, sa grand-mère Real Number s'installant poulinière au Japon il y a un peu moins de quinze ans. Sa mère, Wikiwiki, donnait naissance en 2010 de la propre soeur aînée de notre sujet, Uliuli de son petit nom, jument noire et courageuse, se faisant un nom par deux fois au niveau groupe 3 au cours de sa carrière.
Découvrant la piste de Kyoto à la mi-octobre de ses deux ans face à la foule compacte d'un jour de Suka Sho, groupe 1 affrontant l'élite des pouliches de la génération précédente, Makahiki n'avait alors fait qu'une bouchée du peloton juvénile, remportant son baptême du feu de plusieurs larges et souples foulées d'avance, sans être sollicité, bénéficiant même d'une franche caresse sur les crins à quelques mètres de la victoire.
Déjà impressionnant de carcasse face aux frêles biches de deux ans habituelles, le poulain a effectué sa première sortie cette année le 23 janvier sur le double kilomètre de Kyoto. Monté à mi-peloton, rapproché en troisième épaisseur par Christophe-Patrice Lemaire qu'il découvrait enfin, le champion en devenir parvenait à ajuster à quelques mètres de la photographie le fuyard alezan Noble Mars.
Le 6 mars, victoire de nouveau pour notre couple préféré qui s'impose sur la même distance mais à Nakayama dans le groupe 2 Hochi Hai Yayoi Sho préparatoire aux 2000 Guinées japonaises. Bondissant depuis le fond du peloton, le poulain s'étend, progresse doucement mais sûrement, et s'offre le scalpe du sombre Leontes, champion du Asahi Hai Futurity remporté quelques mois auparavant et qui effectuait alors sa rentrée.
Le 17 avril dernier, drame à Nakayama. Dee Majesty, poulain pas des plus élégants mais à l'accélération ô combien efficace, remporte le Satsuki Sho, l'équivalent de nos Poules d'Essai des Poulains. Surprenant en quelques foulées ceux qui le précédaient, s'envolant vers une victoire franche, il a pris du champ sur notre champion Makahiki venu de l'arrière-garde trop tardivement, lui interdisant rapidement tout espoir de lutte.

La dernière fois que le fils de Deep Impact était en piste, c'était le 29 mai à Tokyo à l'occasion du Tokyo Yushun, le derby japonais. Sur la distance classique, face à ses adversaires habituels et pour la première fois corde à gauche, Makahiki parvint à remonter d'un nez seulement, et au terme d'une lutte sublime, son rival Satono Diamond alors guidé par son partenaire du mois de mars Christophe-Patrice Lemaire. Finement mené par Yuga Kawada, le poulain devient lauréat de groupe 1 face à deux autres fils de Deep Impact, son bourreau Dee Majesty revenant fort saisir la médaille de bronze.

Prochaine sortie de Makahiki dont vous savez tout dorénavant, le Prix Niel à Chantilly. Aux doux souvenirs de Kizuna, premier et dernier japonais à avoir inscrit son nom au palmarès de cette magnifique piste de décollage.