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La Juventus a-t-elle eu raison de vendre Paul Pogba ?

Valentin Pauluzzi

Publié 24/01/2017 à 13:19 GMT+1

SERIE A - Déjà battu quatre fois en Serie A, le quintuple champion d'Italie en titre cherche la solution à ce problème de fébrilité. Et si le gros chèque encaissé par la vente de Pogba avait occulté les conséquences technico-tactiques de son départ ?

Paul Pogba (Juventus), buteur à Carpi le 20 décembre 2015

Crédit: AFP

"L’an dernier, nous avions un joueur qui était le LeBron James ou le Usain Bolt du football. Il était impressionnant même quand on ne le voyait pas. Je me réfère évidemment à Pogba." Pour la première fois depuis cet été, un joueur de la Juve a publiquement regretté le départ du milieu de terrain français à Manchester United. Il s’agit de Giorgio Chiellini. Un mea culpa prononcé après la défaite à Florence le 15 janvier dernier et qui a eu un réel écho, au point de devoir corriger le tir quelques jours plus tard dans une interview accordée au Corriere dello Sport : "Je ne faisais pas de comparaison, j’ai juste fait remarquer que l’effectif a changé et qu’on ne peut pas prétendre à la même chose envers des joueurs aux caractéristiques différentes. Cela me semble une évidence." Alors, faux problème ? Possible, mais la piste de réflexion est intéressante.

Sous-côté à force d'être "surcoté"

Déjà, il s’agit de remettre les choses à leur place. N’ayons pas peur de l’admettre, car on est tous concernés, à force de parler du prix démesuré de son transfert, de le voir dans toutes les campagnes de pub Adidas, et d’observer un début de saison plus que poussif avec Manchester United, dans la lignée d’un Euro qui nous a laissés sur notre faim, on a probablement un peu trop forcé sur la piste du redimensionnement de ce joueur.
Oui, Pogba n’est peut-être pas le futur Ballon d’Or annoncé, le fameux Messi du milieu de terrain, mais il n’en reste pas moins un des tout meilleurs footballeurs du moment. Un des plus complets. Est-il un joueur surcoté ? Ses prestations à la Juventus avaient objectivement légitimé les nombreux éloges à son égard. Il y a, en réalité, plutôt à redire sur son choix de carrière, avec ce retour chez les Red Devils, une équipe pleine aux as mais sans projet technico-tactique défini depuis bien trop longtemps. D’où, aussi, ses difficultés sur le plan individuel.
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Paul Pogba (Manchester United) contre Middlesbrough

Crédit: AFP

Pjanic vs Pogba

Cet éclaircissement fait, revenons à nos moutons, ou plutôt nos zèbres. La Juve a-t-elle vraiment perdu beaucoup sur le plan du jeu ? Pour ce faire, j’ai comparé les chiffres les plus significatifs entre la dernière saison de Pogba et la première de Pjanic. En me limitant à chaque fois à la Serie A. Les profils sont certes différents, mais inutile de tourner autour du pot : le Bosnien est bien son successeur attitré, il occupe d’ailleurs une zone de terrain assez similaire. Pogba tirait 3,5 fois par match en moyenne contre 2 pour Pjanic, lequel délivre 2,5 passes clé contre 1,5 pour le Français. Un apport offensif quasi identique mais de nature différente.
Concernant les critères défensifs, Pogba taclait plus souvent (2,2 tacles réussis contre 1,1), mais les deux se valent niveau interceptions (1,6 contre 1,1). Là où le discours de Chiellini prend tout son sens, c’est lorsqu’on aborde la prise de risque. 2,9 dribbles réussis pour le Mancunien contre seulement 0,9 pour son remplaçant, ce qui explique aussi les pertes de balle plus nombreuses du Français (2,4 contre 0,9).
Concrètement, la "Pioche" n’hésitait pas à prendre des initiatives. Parfois trop. Cela ne marchait pas tout le temps, mais un café-crème pouvait créer une situation de surnombre, une frappe repoussée provoquer un but, et le tout pouvait permettre de sortir son équipe de situations étriquées. Cela dit, le discours de Chiellini trouve finalement vite ses limites puisque prononcé après un troisième revers chez un ennemi intime auquel il faut ajouter celui chez le Genoa. Or, à la Juve, le Francilien tendait justement à marcher sur des équipes de seconde ou troisième zone et se montrait généralement plus discret lors des gros chocs. Pogba, c'est 2 buts en 28 matches face au Milan, l’Inter et la Fiorentina, trois des quatre bourreaux des Bianconeri cette saison. Plus Nate Robinson ou Christophe Lemaître que LeBron James ou Usain Bolt, donc.
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Miralem Pjanic Dinamo Zagabria Juventus 2016

Crédit: AFP

Le sacrifice du milieu de terrain

Bon, si le défenseur italien se référait aux caractéristiques physiques de son ancien coéquipier, on est raccord. A ce titre, Del Piero l’avait effectivement comparé à "un joueur de NBA, au physique extraordinaire et à la technique de très haut niveau. Comme les grands basketteurs américains, sa puissance physique n'entre pas en conflit avec la qualité". Toutefois, l'angle d’analyse doit être collectif et non individuel, et s’élargir à la totalité du milieu de terrain révolutionné en l’espace de 12 mois, entre les départs de Pirlo et Vidal à l’été 2015 et celui de Pogba par la suite. Le point fort de la Juve depuis son retour en haut de l’affiche. Aujourd’hui, le trio Marchisio, Khedira, Pjanic pèse beaucoup moins sur le jeu. Le premier est définitivement devenu un travailleur de l’ombre, le second plafonne, le troisième est trop irrégulier.
On peut imaginer qu’il s’agit d’un sacrifice voulu et assumé par la direction turinoise. Sachant que la défense apporte des garanties, elle a décidé de déplacer la force de frappe quelques mètres plus haut, afin d’être plus incisif dans la zone de vérité. De Vucinic-Matri et Morata-Tevez, la Vieille Dame est passée au duo Dybala-Higuain devant, et cela lui a couté pas moins de 130 millions d’euros.
D’ailleurs, Pipita s’est chargé plusieurs fois de faire pencher la balance en faveur de son équipe, notamment ce but construit tout seul lors du choc contre la Roma. Ce qui n'est pas le cas de son compatriote, trop souvent poussif, et la blessure à la cuisse qui l’a mis deux mois sur le flanc n’excuse pas tout. C’est lui qui manque à l’appel jusqu’à maintenant. Et gageons qu’en plus de ce raisonnement public, Chiellini se sera chargé, cette fois en privé, de le lui rappeler.
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Paulo Dybala et Gonzalo Higuain n'ont pas su faire la différence face à Séville

Crédit: Panoramic

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