Milliards, casino, Atlético, Football Manager : voici Hafiz Mammadov (Lens)

Gervais Martel n'est pas parti en Azerbaïdjan, à 4000 kilomètres de Lens, pour trouver le sauveur du Racing. En tout cas, pas au sens propre. On le sait peu mais c'est à Cannes que l'emblématique président du RCL a rencontré Hafiz Mammadov… dans un casino ! C'est un loueur de bateaux de luxe qui a joué les entremetteurs entre ses deux clients à l'été 2012. A la recherche d'un repreneur, Martel, alors en vacances dans le coin, décide de tenter sa chance. Les deux hommes se rencontrent autour des machines à sous. Et, selon le président, c'est le "coup de foudre" immédiat avec le milliardaire fou de foot. Il raconte qu'ils ont passé une grande partie de la nuit à discuter. Au petit matin, Mammadov est séduit par le projet de Lens. Un an plus tard, il devient officiellement propriétaire du club et injecte 20 millions d'euros pour le sauver.

En Azerbaïdjan, Hafiz Mammadov est une personnalité incontournable. A l'image des oligarques russes comme Roman Abramovich à Chelsea ou Dmitry Rybolovlev à Monaco, l'Azéri a fait fortune dans le pétrole, le gaz et les transports. Fondateur du groupe Baghlan, l'homme d'affaires de 48 ans est à la tête d'un conglomérat de 41 entreprises. Mais le flou entoure sa fortune. Elle atteindrait plusieurs milliards d'euros. Mais ce sont surtout les conditions dans lesquelles il l'a amassée qui ont soulevé des interrogations. Ses liens étroits avec le pouvoir azerbaïdjanais lui auraient permis de remporter de nombreux marchés sans appels d'offres. Plusieurs membres de sa famille sont engagés dans la vie politique. Il est surtout un proche du président Ilham Aliev, réélu pour un troisième mandat en octobre dernier avec 84.7% des suffrages et nommé personnalité la plus corrompue de l'année en 2012 par l'ONG américaine Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP).

A côté de ses nombreuses activités, Mammadov est un véritable passionné de football. Le RC Lens n'est d'ailleurs pas le seul club où il est présent. Son amour pour le ballon rond s'est d'abord concrétisé en 2004 lorsqu'il a pris possession du FC Bakou, le club de la capitale sacré champion en 2006 et 2009. Également membre de la fédération nationale de football, le milliardaire azéri s'est rapidement tourné vers l'Europe. Dans son escarcelle, on trouve aussi l'Atlético Madrid et le FC Porto. Mais il n'y est pas aussi impliqué qu'à Lens. Dans ces deux clubs, Mammadov est sponsor maillot où une publicité pour son pays ("Azerbaïdjan, Land of Fire") apparait sur le torse de Diego Costa et la saison prochaine sur le celui de Jackson Martinez. Et ce slogan pourrait bientôt fleurir aussi en Angleterre.

Hazif Mammadov a une immense fortune et aime que ça se sache. Fan de vins français et de montres de luxe (on l'a vu en offrir à des journalistes), il possède sept téléphones portables, dix-huit gardes du corps et se déplace avec cinq Mercedes blindées. Rien que ça. Il ne rate d'ailleurs pas une occasion d'afficher sa richesse. "Il offre des montres, y en a d’autres qui offrent des fleurs ou des cornichons", préfère s'en amuser Martel. Dans Le Point, Stéphane Borbiconi, premier Français à avoir évolué au FC Bakou, raconte cette scène surréaliste : "Lors d'une réception, un coéquipier brésilien était venu avec sa femme et son fils, qui venait de naître. Le président l'a félicité et lui a offert un cadeau... avant de glisser une liasse de billets dans le landau !" L'ancien défenseur de Metz se souvient "de la gêne des joueurs". Mais en Azerbaïdjan, "refuser un cadeau peut être très mal interprété". 

A la tête du FC Bakou, Hafiz Mammadov a déjà pu poser sa patte. La décision qui a le plus marqué les esprits est la nomination de Vugar Huseynade au poste de manager en novembre 2012. Un jeune Suédois d'origine azerbaïdjanaise de 21 ans. Mais, plus que son âge, c'est son CV qui étonne. Diplômé de management sportif à l'université de Boston, il a été un peu rapidement présenté comme un spécialiste de… Football Manager. On connaissait Everton, qui a racheté la base de données du célèbre jeu vidéo, ou Nice, qui a ainsi recruté Pejcinovic. Mais c'est la première fois qu'un club confie un poste à responsabilité à un geek. Et c'est d'autant plus surprenant lorsque l'on sait que Jean-Pierre Papin avait lui aussi été contacté pour le poste. Un JPP qu'on a d'ailleurs retrouvé dans les négociations pour l'arrivée de Mammadov à Lens.