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Coupe de France : Comme l’ASSE, le Red Star est bien plus qu’un club de foot pour sa ville

Geoffrey Steines

Mis à jour 10/02/2015 à 09:24 GMT+1

Opposé à Saint-Etienne mardi en huitièmes de finale de la Coupe de France (21h00), le Red Star revendique un socle de valeurs communes avec l’ASSE. Maillon essentiel de la vie de Saint-Ouen, ville de Seine Saint-Denis frappée de plein fouet par la crise économique, le club francilien s’investit d’une mission qui va bien au-delà du sportif.

Samuel Allegro, capitaine du Red Star, et ses coéquipiers après la victoire contre Arles-Avignon

Crédit: Panoramic

Troisième de National et qualifié pour les huitièmes de Coupe de France : le Red Star revient en pleine lumière cette saison. Créé en 1897 par Jules Rimet, ce club historique du football français croisera la route de Saint-Etienne mardi à Jean-Bouin (21h00), pour une place en quarts de la Coupe. Un adversaire avec lequel la formation audonienne a davantage en commun que l’analyse stricte de leurs récents résultats pourrait le laisser penser.
Et ce bien au-delà du vert qui accompagne les deux clubs. "On est attaché à certaines valeurs fortes chez nous, comme l’antiracisme ou la tolérance, nous confie Vincent Chutet-Mezance, président du collectif "Red Star Bauer". On est supporters, mais aussi défenseurs de notre club et de notre histoire. Là-dessus, on se rejoint avec l’AS Saint-Etienne". "On se sent proches de ces villes ouvrières et populaires, à l’ombre de voisins plus riches, reconnait Pauline Gamerre, directrice générale du Red Star. Elles connaissent une situation économique fragile et trouvent l’occasion de briller par le biais d’un club de football. C’est ça que nous avons à Saint-Etienne et à Saint-Ouen." Ce sont surtout des entités ancrées profondément ancrées dans leur territoire. En cela, l’exemple du Red Star est particulièrement intéressant.
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L'entrée du Stade Bauer, antre du Red Star

Crédit: Panoramic

Un point de repère pour les habitants
Quintuple vainqueur de la Coupe de France avant-guerre, le club francilien est récemment passé par des périodes troublées. Ses soucis sportifs (relégation en National en 1999, puis en CFA en 2001) se sont accompagnés de graves difficultés financières, jusqu’au dépôt de bilan de la SEM du club en 2002. "On ne s’est pas bien rendu compte à quel point cet événement a eu des répercussions sur l’ensemble d’un territoire, nous assure Pauline Gamerre. On a enlevé un point de repère aux habitants". Reparti de Division d’Honneur en 2003, le Red Star a lentement remonté la pente jusqu’à retrouver le National en 2011. "Qu’il arrive à grandir de nouveau aujourd’hui, c’est important pour une ville et un département", explique la DG du club. Elle reconnait aisément un socle de valeurs communes avec des clubs comme Saint-Etienne, Lens ou Liverpool. Ce dernier, le Red Star lui a même emprunté son célèbre "You’ll never walk alone".

Un lieu de rendez-vous incontournable

Dans son vétuste stade Bauer, enceinte à l’anglaise où une tribune n’est plus accessible au public et l’affluence dépasse rarement les 2 000 spectateurs en National, le Red Star ne déplace pas les foules. Mais il participe à donner du lien social dans une cité touchée de plein fouet par la crise économique et les problèmes sociaux qui l’accompagnent. "C’est un lieu de rassemblement, qui permet de se mélanger", souligne la numéro 2 du club. Les soirs de match de l’équipe fanion, le "Collectif des parents" gère la buvette et la discussion s’engage souvent autour d’une pâtisserie ou d’une boisson chaude. "Nous avons 600 licenciés au club, mais j’ai envie de dire que nous avons 600 familles". Un esprit de corps symbolique des valeurs que défend le Red Star depuis sa création.
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Le stade Bauer

Crédit: Panoramic

Un club de gauche, oui mais…

Contrairement à la croyance populaire, entretenue par la sensibilité politique de Jules Rimet et de ses acolytes au moment de la création du club, le Red Star n’a rien à voir avec le Parti Communiste. "C’est une erreur de le croire, ce n’est pas du tout le cas. Le club a été créé avant le Manifeste de Marx", sourit Pauline Gamerre. Mais la directrice générale ne nie pas l’héritage de gauche qui perdure au sein de son club. Un patrimoine qu’assume Patrice Haddad, président du Red Star depuis 2008 et qui s’inscrit dans cette lignée. "Il est clair qu’on est positionné à gauche, de par nos valeurs, admet Pauline Gamerre. Mais ça ne veut pas dire qu’on a un engagement politique, on ne veut pas en avoir."
Surtout qu’il est certainement plus compliqué d’afficher sa "couleur" depuis que la mairie de Saint-Ouen a basculé à droite, une première dans son histoire, lors des élections municipales de mars 2014. La direction l’assure néanmoins, l’engagement de la mairie aux côtés du Red Star n’a pas évolué depuis cette passation de pouvoir. Dans les tribunes de Bauer, les supporters soignent eux leur identité de gauche, anarchiste sur les bords. "Flic, arbitre ou militaire, qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour un salaire ?", se demandent-ils à chaque décision arbitrale qu’ils jugent injuste. Preuve faite que chasser le naturel…
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Les supporters du Red Star en Coupe de France contre Arles-Avignon

Crédit: Panoramic

Du sport, mais pas seulement

Pauline Gamerre l’explique sans se cacher : la mission du Red Star ne se limite pas au sportif. Elle va beaucoup plus loin. Voilà pourquoi le club multiplie les initiatives à destination des jeunes. Chaque jour de la semaine, tout un club accompagne la vie de ses équipes, des plus jeunes à l’équipe première. "Les gamins sont là quatre à cinq fois par semaine, le club est le lieu où ils se retrouvent le plus souvent après l’école, rappelle-t-elle. Nous avons une responsabilité sociale sur un territoire qui n’est pas le plus favorisé. Nous souhaitons donner accès à d’autres disciplines, comme de la peinture, du théâtre ou de la danse. Nous pensons qu’ainsi, nous ferons de meilleurs footballeurs. C’est une conviction de formation. Pour bien former les gamins, pour qu’ils soient bons sur le terrain ou en dehors, ça passe par une autre éducation que celle donnée pendant les entraînements." Le Red Star cultive ainsi l’une des devises de Jules Rimet : "Travailler le corps, éveiller l'esprit".

La formation comme priorité

En course pour la montée en Ligue 2, le Red Star remplirait l’objectif de son patron en cas de réussite. Patrice Haddad a fixé de longue date 2015 comme horizon pour retrouver le deuxième échelon national. Le statut professionnel allant avec cette promotion permettrait aux Franciliens de pouvoir à nouveau bénéficier d’un centre de formation officiellement reconnu. La priorité numéro 1 pour ses dirigeants. "On est dans la Silicon Valley du football, mais on a des pépites auxquelles on ne peut pas donner les meilleures conditions pour grandir", regrette Pauline Gamerre.
Une situation dommageable pour le club, mais aussi pour les joueurs. "Une vingtaine de gamins quitte le club chaque année, pour rejoindre des centres de formations en France ou à l’étranger. Je ne vais pas dire que c’est un drame, mais c’est fortement dommageable pour les gamins, parce qu’un départ à l’adolescence est souvent accompagné d’un déracinement familial et d’une déscolarisation. Cela baisse leurs chances de réussite. Retrouver un centre de formation en Seine Saint-Denis pour donner de l’espoir à ce territoire, si riche en talents et en potentiel, c’est le combat pour lequel on se lève tous les matins." Au Red Star, le foot ne se vit décidément pas comme ailleurs. Il est un marqueur social fort et un maillon essentiel de sa ville. Comme à Saint-Etienne, finalement.
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Samuel Allegro entouré de deux jeunes filles lors de Red Star - Marseille Consolat

Crédit: Panoramic

Bauer, ce sujet brûlant

Ce qui constituera l’un des temps forts de la saison du Red Star se déroulera sans eux. Eux, ce sont les supporters réunis au sein du collectif "Red Star Bauer". La raison ? La délocalisation du match contre Saint-Etienne à Jean-Bouin. Un choix qu’ils n’acceptent pas et ils le font savoir, par la voix de leur président. "On est furieux envers la direction du club", nous confie Vincent Chutet-Mazence. Il l’accuse d’avoir pris prétexte de la décision de la Fédération française de football, qui a jugé Bauer trop exigu pour accueillir la rencontre, afin de justifier une lucrative délocalisation (plus de 10 000 places ont déjà été vendues). Ce dont se défend Pauline Gamerre. "Les supporters auraient aimé qu’on fasse appel. Mais on savait très bien que c’était peine perdue et le risque était celui d’une inversion." Au lieu de se rendre au stade, Vincent Chutet-Mezance et le reste du collectif se réuniront devant la mairie de Saint-Ouen pour vivre le match devant un écran géant.
Les ultras du Red Star, qui vivent comme "un crève-cœur" d’aller jusqu’au boycott, craignent que leur club "teste" avec la rencontre à Jean-Bouin un principe de délocalisation qui pourrait devenir la norme la saison prochaine, en cas de montée. Sur ce point, les dirigeants audonois se veulent rassurants. "Nous voulons jouer en L2 à Bauer. Mais sans des travaux de mise aux normes, ce ne sera pas possible", se désole Pauline Gamerre. Elle met la pression sur les collectivités locales, propriétaires du stade, pour engager les démarches nécessaires au plus vite. "Il y a une vraie urgence". Vincent Chutet-Mezance abonde, il "défend un certain type de football" et "tire la sonnette d’alarme" pour ne pas que le Red Star devienne "un club comme les autres". Là sera toute la difficulté : garder son identité sans entraver sa croissance. Un défi que le Red Star devra relever pour conserver sa place si particulière dans le foot français.
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Les supporters du Red Star face à Luzenac (saison 2013-2014)

Crédit: Panoramic

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