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La conquête d'un public

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 29/10/2011 à 16:16 GMT+2

Le public champion de France n'a ni l'âme d'une ville de foot, ni encore le grand stade qui pourra permettre à de nombreux Nordistes de se rallier à sa cause. Mais avec 14.000 abonnés sur 18.000 places à Villeneuve-d'Ascq et des affluences européennes prometteuses, les signaux sont au vert. Enquête.

FOOTBALL 2011 Lille - Supporters

Crédit: AFP

Il faut avoir connu les mornes soirées à Grimonprez-Jooris pour se rendre compte du chemin parcouru. Lille jouait alors devant 6000 spectateurs, parfois moins. Mais, en mai dernier, les célébrations du doublé Coupe de France-Championnat ont mis en lumière un nouvel engouement. "On a gagné un public, grâce à cette saison mais aussi à la précédente, se réjouissait Rudi Garcia au moment de fêter ce succès devant 20.000 personnes amassées sur le parvis de la maire. J'espère que ça va devenir comme une drogue". Historiquement, le public lillois a pourtant une image froide et bourgeoise. "Ça date de la période d'après-guerre, nous explique Jacques Verhaeghe, historien du club. D'ailleurs, le président était surnommé Louis XIX. Lille se sentait supérieurs aux autres. C'est de là qu'est venue cette image". Mais cette saison, le changement se confirme, les résultats aidant. "Ça n'a pu rien à voir. Les choses ont effectivement beaucoup évolué", confirme Frédéric Paquet, directeur général-adjoint du LOSC. Le club compte aujourd'hui 14.000 abonnés dans un Stadium dont la capacité est limitée à 18.000 sièges. A la boutique du club, rue de Béthune, on nous assure que les ventes de maillots ont été multipliées par trois ou quatre. Les produits dérivés, eux, sont en progression de 500 %.
Ce fut pourtant un travail de longue haleine. "Le public est arrivé petit à petit. C'est le projet de Michel Seydoux, explique Michelle Demessine, sénatrice et adjointe aux Sports à la mairie. En venant à Lille (en 2002, ndlr), il avait ça en tête. Il connaissait la région. Il savait qu'elle en était capable. Il y avait une belle histoire au LOSC donc il y avait déjà un vécu et une envie de retrouver cette histoire". Pourtant, on partait de loin. "Depuis le départ du stade Grimonprez, certains supporters n'avaient jamais remis les pieds au Stadium, raconte M. Verhaeghe. La faute à cette piste d'athlétisme, ce froid, ce vent... On ne les a plus revus". Paradoxalement, c'est lorsqu'il est tombé en Ligue 2 que le LOSC a posé les fondations de son nouveau public. Anne-Sophie Roquette, speakerine du LOSC depuis 21 ans, est bien placée pour en témoigner (Lire son entretien en intégralité). "La descente nous a aidé à reconstituer un public plus large, avance-t-elle. C'est tout un travail qui a été fait à l'époque où Frédéric Paquet venait d'arriver. Les résultats étaient bons. J'étais allé le voir pour lui dire : 'Il faut en profiter pendant que tout va bien pour construire le public de demain'".
"On était un des plus mauvais publics de L1"
Arrivé dans le Nord en 2000, Frédéric Paquet se souvient effectivement. "A cette époque, le public avait très mauvaise réputation, dit celui qui était alors responsable de l'organisation des compétition. Quand je suis arrivé, il était encore classé parmi les plus mauvais publics de Ligue 1 alors que ça fait un bout de temps que Lille était en Ligue 2 !". Sous sa houlette, le club a alors entamé un "long processus" basé sur un "dialogue régulier" qui se poursuit aujourd'hui avec Didier De Climmer. "L'idée était d'abord de repositionner chacun à sa place, c'est-à-dire que les supporters supportent et les dirigeants dirigent. Il y a 12 ans, ça n'était pas forcément l'idée que pouvaient avoir certains supporters. Il a fallu trouver un équilibre, détaille le dirigeant. Un discours s'est instauré. On a expliqué ce qu'on ne voulait pas parce que ça n'étaient pas nos valeurs et puis parce que ça pouvait être dangereux".  Aujourd'hui, si "on a toujours une petite minorité de débiles qui peuvent parfois mettre à mal le système sur une fois, ça se passe bien à 90 % parce qu'on a affaire à des gens qui ont compris l'importance de leur rôle".
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FOOTBALL 2011 Lille - Supporters

Crédit: AFP

Particulièrement pointés du doigt, les Dogues Virage Est, le kop lillois le plus important, ont ainsi totalement changé de visage. "On nous les a tués, on les a décriés, ils n'ont pas toujours eu des comportements très valorisants pour l'image du club, mais je trouve qu'ils sont exemplaires depuis quelques années, explique Anne-Sophie Roquette qui rappelle tout de même que "à cette époque, si je ne les avais pas eu à Grimonprez-Jooris, je ne serais peut-être plus l'animatrice du LOSC aujourd'hui. Il n'y avait personne d'autre pour chanter". Président des DVE, Fédérico Maenza est arrivé au moment de la remontée en L1 en 2001. Et il a participé en première loge à cette métamorphose. "On devait être une centaine de cartés, se rappelle-t-il dans Nord Eclair. Et puis la progression régulière du club a entraîné une progression régulière de nos adhérents. Tous les ans, on gagne entre 50 et 100 adhérents". Aujourd'hui, le DVE comptent près de 700 adhérents et quelques centaines de sympathisant. Avec les Dogues du Net, les Dogues Devils ou encore les Rijsel Spirit, en tribune sud, ils constituent le noyau dur des supporters.
"On n'aura jamais le public de Lens"
Mais qui forme le nouveau public ? "Le public est plus large. Il est beaucoup plus familial, explique Anne-Sophie Roquette. On voit beaucoup plus de papas et de mamans avec leurs petits. Il y a aussi beaucoup plus de femmes dans les tribunes mais ça ne date pas d'aujourd'hui". Un nouveau profil davantage spectateur que supporter donc. Et qui fait parfois grincer des dents, à l'image de Rio Mavuba. "L’an dernier, on sentait une vraie ferveur dans la dernière ligne droite. (Mardi), c’est vrai que par moments…, semblait regretter le capitaine après le match face à l'Inter. On espère qu’on les retrouvera vite et qu’ils feront beaucoup plus de bruit". "Le public lillois pas encore à la hauteur des grands soirs", pouvait-on même lire dans la presse locale. Du côté des ultras, les DVE se sont aussi agacés de la relative froideur du stade en Ligue des Champions. "Les touristes à la maison" et "public de merde", ont-ils entonnés en choeur. "Il y a les sections de supporters qui nous ont suivi et se sont étoffés au fil de l'évolution du club. Et on a gagné un autre public, peut-être un peu moins supporter et plus attiré par le spectacle offert par le club. On a besoin des deux", défend toutefois Frédéric Paquet.
Car il ne faut pas s'attendre à voir un Lille un public aussi fervent qu'à Marseille ou Lens. "On est une grande ville donc on aura un public de grand ville, c'est-à-dire un mélange de supporters et une grande majorité de spectateurs, sait Frédéric Paquet. On souhaite que les deux se sentent bien dans notre stade".  La proximité avec le voisin lensois et son stade Bollaert pousse forcément à la comparaison. "On a un public différent, estime toutefois Anne-Sophie Roquette. Le public lensois, au même titre que celui de Saint-Etienne ou Marseille, a cette mentalité de terre de football. Lille, comme Lyon ou Nantes, a un public citadin. C'est un public qui est peut-être plus difficile et exigeant que certains". "On n'aura jamais le public de Lens. A Lens, c'est dans les gênes", tranche lui aussi Jacques Verhaeghe. Effectivement, en dehors des festivités, on n'a pas senti la ville vibrer aux couleurs du LOSC au moment du doublé. Loin de la joie populaire qui s'était emparée de Lens lors du titre de 1998 malgré la distribution d'un "LOSC bag" (drapeau, sticker, affiche) aux commerçants de la ville. "Dans la ville, ça n'était peut-être pas visible, concède Michelle Demessine. Mais on vient d'éclore et d'émerger. Cela faisait 50 ans. On renoue avec une histoire. Il y a encore beaucoup de choses à reconstruire". "Mais ça y est, c'est parti", jure-t-elle.
L'enjeu du nouveau stade
Pour le LOSC, le prochain teste sera la livraison de son Grand Stade. Une enceinte de 50.186 places qui coutera près de 282 millions d'euros à la communauté urbaine et qu'il faudra bien remplir. Une échéance qui n'effraie pas Frédéric Paquet, au contraire. "C'est le service que l'on propose avec le fait que l'équipe soit en adéquation avec le stade. On n'est pas inquiets, affirme-t-il. On a un bassin de population de plus de 2 millions d'habitants. On a des spectateurs qui suivent et qui sont présents. Ça fait pratiquement deux ans qu'on joue à guichets fermés". Au club et dans son entourage, on s'appuie notamment sur les précédents matches disputés au Stade de France. A la mairie, on s'appuie également sur "l'expérience de Gelsenkirchen qui a doublé ses abonnements en cinq ans entre 2001 et 2005 avec un équipement confortable de nouvelle génération. Ça va de paire". Mais ce nouveau public est volatile. La fidélisation passera par les bons résultats. Pas seulement selon M. Paquet. "On veut que les gens se fassent plaisir au stade. Et pour prendre du plaisir au stade, il faut que l'équipe joue bien mais aussi que l'on se sente en sécurité et en pleine convivialité", dit-il. En attendant, le Stadium affichera encore complet pour la réception de Lyon, dimanche.
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Grand stade, Villeneuve-d'Ascq

Crédit: Eurosport

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