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Juan Fernando Quintero peut-il vraiment percer à Rennes ? La Colombie s'interroge aussi

Thomas Goubin

Mis à jour 04/02/2016 à 07:56 GMT+1

Depuis son arrivée en Ligue 1, le cas Juan Fernando Quintero fait débat. Le Colombien a enthousiasmé les supporters dès ses premiers crochets. Plus réticent, Philippe Montanier l'avait utilisé à doses homéopathiques. Pour mieux comprendre la complexité du cas Quintero, nous avons notamment interrogé deux de ses anciens entraîneurs.

Quintero (Rennes)

Crédit: Panoramic

L'arrivée de Rolland Courbis à la tête du Stade Rennais va-t-elle changer l'histoire française de Juan Fernando Quintero, marquée jusqu'à présent du sceau de la frustration et de l'intermittence ? Les choix effectués par "coach Courbix" lors de ses deux premiers matches en Rouge et Noir pourraient incliner à le penser. Titulaire face à Ajaccio, puis face à Bordeaux, Quintero a reçu la confiance de son entraîneur, même s'il n'a terminé aucune des deux rencontres, sorti à chaque fois aux alentours de la 70e minute. Un glissement du banc, où il a passé la majeure partie de son temps en Bretagne, vers le onze de départ appelé à durer ?
En France, Juan Fernando Quintero a l'image d'un joueur au standing bien supérieur à celui du club à qui le FC Porto l'a prêté. Son sort breton n'a toutefois rien d'une anomalie dans une carrière où le Colombien n'a jamais fait figure de titulaire indiscutable en club, même lors de sa meilleure saison à Porto, en 2013-2014. "En théorie, Rennes est un bon choix pour lui, estime Pedro Sarmiento, l'entraîneur qui l'a lancé en pro alors que le prodige n'avait que 17 ans, mais le problème est que son manque de rythme ne lui permet pas d'être compétitif pendant 90 minutes."
Selon son ancien coach de l'Envigado FC, petit club de la banlieue de Medellin réputé pour la qualité de son centre de formation, d'où est notamment sorti James Rodriguez, Quintero n'est d'ailleurs pas loin de faire face à une problématique qui tient de la quadrature du cercle. "Il faut qu'il trouve un club où l'entraîneur accepte ses carences, pour lui donner une chance de monter en puissance petit à petit,et qu'il devienne un véritable référent de l'équipe", estime Sarmiento. Ce n'était pas le Rennes de Montanier. Sera-ce celui de Courbis ?
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Juan Quintero, le milieu offensif de Rennes, face à Ajaccio.

Crédit: Panoramic

Des supporters toujours plus enthousiastes que ses entraîneurs

Quintero est arrivé à Rennes lesté de quelques kilos en trop, au terme d'une saison au FC Porto qu'il a terminée blessé, après avoir ciré le banc avec assiduité. "On prendra le temps qu'il faudra pour qu'il soit bien physiquement", avait déclaré Montanier lors de la présentation du joueur, début septembre. Une prudence qui a agacé dans une L1 sevrée de spectacle, tant le petit Colombien (1,68m) réjouit par sa conduite de balle déroutante, ses frappes enroulées, ou ses services en profondeur extra-lucides.
Quintero a toujours emballé les foules. Fin 2010, Pedro Sarmiento avait ainsi fini par céder à la pression du public, lors d'un match de barrage pour la montée en première division. A son grand regret, puisque le jeune homme, buteur à l'aller, sera victime d'une fracture tibia-péroné quelques minutes après son entrée en jeu. A l'Atlético Nacional, l'un des grands du foot colombien, où le gaucher débarqua en 2012, Quintero disposait aussi d'une belle cote auprès des tribunes. "Il donnait du style à l'équipe, se rappelle son entraîneur, Santiago Escobar, c'est un joueur collectif, généreux avec ses coéquipiers, qui aime donner des passes. Il fait partie de ces joueurs dont le plaisir de jouer est palpable, et que le public adore."
Ce qu'il ne sait pas faire, il ne s'efforce pas de l'apprendre
Malgré les louanges de son ex-entraîneur, Juan Fernando Quintero n'était toutefois pas titulaire lors du semestre qu'il passa à l'Atlético Nacional, avant de rejoindre Pescara, modeste club de Serie A. Un temps de jeu réduit, imputé à son jeune âge, qui n'empêchait pas la Colombie de s'emballer pour son “nouveau James Rodriguez” auquel tant de paramètres le rapprochent : pied gauche de feu, débuts à l'Envigado, vocation de meneur de jeu, ou son recrutement par le FC Porto, en 2013. Auteur d'un excellent Mondial U23 en 2013 (trois buts en quatre matches), puis buteur lors de la Coupe du monde 2014 face à la Côte d'Ivoire, l'ascension de Juan Fernado Quintero paraissait alors irrésistible. Sa dernière saison au FC Porto refroidira toutefois les ardeurs de ses partisans. "Je crois qu'il n'a pas acquis cette discipline qu'on demande en Europe, estime Sarmiento, à l'entraînement, je me rappelle qu' il fallait le pousser, insister pour qu'il fasse l'effort de repli. Ce qu'il ne sait pas faire, il ne s'efforce pas de l'apprendre. Il faut voir quand il parviendra à acquérir cette maturité..."
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Juan Quintero au duel avec Cauley Woodrow pendant le Festival Espoirs de Toulon

Crédit: AFP

Dimanche, face à Bordeaux, Rolland Courbis a opté pour un choix peu conventionnel, en faisant évoluer Quintero en pointe. L'exiler du cœur du jeu, était-ce une manière de lui épargner certains efforts de replacement alors que Montanier avait critiqué sans pincette le manque d'application défensive de son ex-joueur ? Le choix s'est, en tout cas, avéré contre-productif, puisque le petit Colombien a paru totalement égaré à un poste qui n'est pas le sien. A se fier à Sarmiento et Escobar, Quintero n'a d'ailleurs rien d'un joueur capable de rendre service selon les besoins de son entraîneur.

Un numéro 10 à l'ancienne… et rien d'autre ?

Il est un pur milieu axial, qu'il faut savoir entourer, pour que ses limites ne portent pas préjudice au collectif. "Il faut qu'il joue dans l'axe, qu'il soit proche de ses attaquants, estime Sarmiento, c'est un joueur libre, il n'a pas le tempérament ni la discipline pour charbonner dans l'entre-jeu, il faut l'entourer de milieux qui ont des qualités de récupération pour que lui s'occupe exclusivement du registre offensif." "Ce n'est pas qu'une question de volonté, considère pour sa part Santiago Escobar. De par son biotype, on ne peut exiger de lui des grandes courses de repli, on ne peut le dispenser de tâches défensives mais sa zone à couvrir doit être réduite."
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Juan Quintero a un temps de jeu très réduit à Rennes

Crédit: AFP

A l'ère de la polyvalence, Quintero figure une espèce en voie d'extinction : le numéro 10 à l'ancienne. Une spécificité qui complique son insertion dans un collectif. Quintero ne dispose ainsi pas des qualités pour évoluer, si besoin, sur un côté, à l'instar d'un James Rodriguez, ou dans une position axiale plus reculée, à la Pirlo, les deux zones du terrain où les meneurs de jeu modernes ont été exilés, pour la plupart. "C'est vrai que le football d'aujourd'hui est plus physique, athlétique, reconnaît Escobar, et Juan Fernando est petit, plus rapide mentalement que physiquement, c'est logiquement plus difficile pour lui de se faire une place, mais on a aussi besoin des talentueux, il faut simplement savoir à qui les associer. Il faut profiter de son potentiel offensif, de sa frappe de balle, de la fluidité qu'il donne au jeu".
Autrement dit, pour que Quintero s'épanouisse, il faut organiser l'équipe autour de lui. Rolland Courbis va t-il oser prendre ce pari pour un joueur de 23 ans dont l'option d'achat à 20 millions d'euros rend peu vraisemblable la prolongation de son séjour sur les bords de la Vilaine au-delà du terme de la saison ? Risqué, mais Rennes n'a-t-il pas tout à y gagner ?
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