Lampard, monument en péril

A Chelsea, même les anciens sont malmenés. En un peu plus de onze ans, Frank Lampard a rendu de valeureux services au club londonien. Aujourd'hui, il est un joueur comme un autre. Un cadre qui n'en est plus vraiment un. Ou sinon, destitué de son influence, de son aura. A 33 ans, Lampard n'est plus en odeur de sainteté. C'est vrai chez les Blues, cinquièmes de Premier League avant de recevoir Bolton samedi (16h00). C'est aussi vrai en sélection. Cette semaine, Stuart Pierce ne l'a pas retenu en vue du match amical face aux Pays-Bas. A trois mois et demi de l'échéance, cette non-convocation n'augure rien de bon en vue de l'Euro. Elle assombrit considérablement ses chances du voyage en juin prochain. Mais elle fait écho à sa situation londonienne.

Ces derniers temps, Lampard - 90 sélections au compteur - a pris l'habitude de cirer le banc. Comme mercredi, à Naples (3-1). Quand il a remplacé Florent Malouda (70e), le sort de ce 8e de finale aller de Ligue des Champions était déjà scellé. Alimentant un peu plus le scepticisme entourant les choix d'Andre Villas Boas. En se passant volontairement de Lampard, mais aussi d'Ashley Cole, le Portugais s'est attiré les foudres de la presse anglaise. Et de ses joueurs. "C'est vrai que Cole et Lampard n'étaient pas contents, a reconnu le coach des Blues. Mais je fais des choix et ils doivent les accepter. C'est moi le seul responsable, et personne d'autre."

N'en déplaise à Lampard, dont les relations avec Villas Boas, déjà tièdes en août, sont devenues carrément glaciales cet hiver. Début janvier, quand l'ancien joueur de West Ham a offert in extremis la victoire des Blues à Wolverhampton (1-2), il a été snobé par son entraîneur dans le vestiaire. Les tabloïds, si friands de ces remous internes, se sont empressés de relayer la scène, témoignage (anonyme) d'un membre du staff à l'appui : "Aucun joueur ne pouvait le croire. Lampard a tout donné pour son club et ce traitement est dégoûtant."

Depuis, la guerre est ouvertement déclarée. Il y a deux semaines, le joueur ne s'est pas gêné pour souffler sur les braises. Au lendemain de la défaite à Everton (2-0), il a lâché cette phrase aux allures de provocation : "Chelsea est un club en crise." Cette sortie médiatique a eu le don de provoquer un séisme interne. Qui a poussé Roman Abramovitch, par la voix du porte-parole de Chelsea, à sortir de sa réserve. "Lorsque les joueurs remettent en question le manager, cela signifie qu’ils le font aussi en ce qui concerne le propriétaire, a lâché le confident du milliardaire russe. André Villas Boas était le choix personnel de M. Abramovitch. Dans le passé, les joueurs expérimentés ont parfois eu gain de cause lorsqu’un manager était impopulaire. Mais cette fois, Abramovitch en a marre de leurs gémissements."

Jusqu'ici, Lampard s'était pourtant efforcé de répondre sur le terrain où, après une saison tronquée par les blessures, son bilan statistique (12 buts et 3 passes en 35 matches) est un condensé de son rendement londonien. Depuis qu'il en porte les couleurs, il a marqué 181 buts en 538 rencontres avec les Blues. Une façon pour une autre qu'il est "très impliqué ici". "Je servirai toujours la cause de Chelsea, affirmait-il le mois dernier. Chelsea, c'est mon club." Mais pour combien de temps ? Son contrat expire en juin 2013. Et Lampard pourrait ne pas l'honorer jusqu'au bout si ses relations avec son entraîneur restent aussi tendues. Selon le Daily Mirror, il pourrait même retrouver Carlo Ancelotti au PSG. Une hypothèse que le coach parisien n'a pas balayée. "Lampard est une valeur sûre", a récemment lâché l'Italien dans Tuttosport. Depuis son banc londonien, Villas Boas ne partage pas tout à fait cet avis.