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La méthode Antonio Conte (Chelsea) peut-elle s'exporter hors d'Italie ?

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 15/08/2016 à 09:51 GMT+2

PREMIER LEAGUE - A la tête de Chelsea, Antonio Conte compte bien faire ses preuves à l'étranger et ramener les Blues parmi les toutes meilleures formations européennes. Reste à savoir si ses principes sont compatibles avec les mœurs locales.

Antonio Conte (Chelsea) - Premier League 2016/2017

Crédit: AFP

Au rythme où l'on va, la Premier League sera bientôt rebaptisée Prima Lega. L'historique triomphe du Leicester de Ranieri a provoqué un effet domino puisque de nombreux compatriotes lui ont emboîté le pas. Francesco Guidolin l'avait rejoint dès le mois de janvier à Swansea. Une demi-saison anonyme dans l'ombre de Sir Claudio, mais il pourrait bien s'agir d'un tour de chauffe pour cet excellent entraineur. Walter Mazzarri, fraîchement nommé à Watford, est également un technicien qui a largement fait ses preuves dans son pays, il a soif de football après avoir pris près de deux années sabbatiques pour étudier l'anglais. Et que dire alors d'Antonio Conte. On ne le présente plus, mais sa prestation avec l'Italie lors du dernier Euro a permis de remettre les pendules à l'heure concernant ses compétences. Or, pas certain qu'elles soient adaptées à son nouveau lieu de travail.

Etre compris le plus rapidement possible

"Nous n'avons pas de rivaux sur le plan tactique, et maintenant, nos entraineurs se sont mis à étudier les langues étrangères", voici comment Renzo Ulivieri a synthétisé les raisons de la bonne cote des coaches transalpins à l'étranger. Le président de l'association des entraineurs italiens exagère à peine, l'Italien connait les rudiments de l'anglais afin de communiquer avec les nouvelles recrues étrangères mais guère plus. Conte était attendu au tournant sur ce point, et il faut croire qu'il a bien bossé ses verbes irréguliers depuis début avril et l'annonce officielle du contrat signé avec Chelsea. Lors de sa conférence de presse de présentation, beaucoup se sont moqués de son accent très marqué, pourtant, il a fait un sans-faute grammatical. Mais on peut imaginer que cette première sortie publique avait été étudiée au mot près, le plus important étant d'être aussi audible en privé avec ses joueurs.
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Antonio Conte (Chelsea) lors de la préparation d'un match d'International Champions Cup 2016

Crédit: AFP

Ce qui semble être un détail insignifiant est au contraire un facteur décisif. Une des principales caractéristiques d'Antonio Conte réside dans cette communication continue qu'il entretient avec ses hommes. En match pour les motiver, les replacer, les diriger, mais aussi pour mettre l'arbitre sous pression. A l'entrainement, pour expliquer en profondeur ses principes tactiques, et mieux vaut éviter de passer par un interprète, car les mots ont une toute autre signification quand ils sortent de la bouche de l'ancien entraineur de la Juve. L'objectif prioritaire du début de chacune de ses expériences professionnelles est d'inculquer sa mentalité et son attitude. Faire entrer ses gars dans son moule, en utilisant un champ lexical bien précis, haïr la défaite, se remettre constamment en question, ne jamais relâcher la pression. La barrière de la langue peut le pénaliser plus que n'importe quel technicien étranger.

Trouver une identité tactique adéquate

L'autre inconnue est d'ordre purement tactique. Entre la Juventus et la Nazionale, Conte n'a pas lâché son 352 d'une semelle hormis à de rares exceptions. Il connait tout de ce schéma, la coordination des trois arrières centraux, les montées des ailiers, les incursions des relayeurs, les mouvements opposés des deux attaquants. A l'Euro, la Squadra Azzurra est la formation qui a le plus impressionné de ce point de vue, faisant honneur à sa réputation de patrie du tableau noir. Mais ce dispositif a beau avoir été repris par deux formations britanniques en juin (Pays de Galles et Irlande du Nord), il est totalement inconnu en Premier League. Durant la dernière édition, seules 23 des 760 lines-up de départ ont été déployées avec une défense à 3 ou à 5. Parmi eux, le Manchester United de Louis Van Gaal qui est un cas d'école. Embauché après avoir obtenu une belle 3ème place au Mondial 2014 avec la sélection Oranje, le Néerlandais avait tenté de mettre en place ce trio défensif. La greffe n'a jamais pris et le début de son aventure a été laborieux, la suite encore plus. Il s'est ainsi replié sur le 4231 qui vampirise ce championnat, réussissant à limiter la casse.
Conte a visiblement retenu la leçon, puisqu'il a passé ses matches amicaux à bosser sur un curieux 424. Une autre tactique qui n'a pas de secret pour lui depuis les promotions obtenues parmi l'élite avec Bari et Sienne. Il avait même tenté de l'appliquer à ses tout débuts à la Juve ainsi qu'en sélection avant de céder devant le trio Barzagli-Bonucci-Chiellini. Cette fois, il ne sera pas conditionné, tout comme il ne doit pas calfeutrer ses joueurs dans un carcan tactique trop rigide, une attitude qui lui avait permis de tirer 200% de l'Equipe d'Italie la moins talentueuse de l'histoire. Or, la matière première est de toute autre qualité à Chelsea. Il ne manquera pas de joueurs de qualité, et les Hazard, Fabregas, Matic et compagnie auront besoin de faire parler leur instinct.
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Antonio Conte sur le banc de l'Italie à l'Euro 2016

Crédit: Panoramic

Gare à la "Contisation" excessive

Tactiquement, le 442 scolaire mais efficace choisi par Ranieri a eu un rôle prépondérant dans la réussite de Leicester, signe d'une intelligence tactique supérieure. Mais si Conte doit s'inspirer de son compatriote, c'est à propos d'un tout autre aspect révélé par l'intéressé durant les nombreux décryptages de ce titre inattendu : "Les mises au vert et la préparation physique ont moins d'importance en Angleterre où ils ont l'habitude de s'entrainer avec beaucoup d'intensité. La priorité doit être la récupération", mais aussi, "J'étais parfois inquiet de les voir manger autant à table, puis j'ai appris à en sourire. S'ils courent autant, ils peuvent manger ce qu'ils veulent", ou encore, "Ils ont besoin de tranquillité et de respect, il ne faut pas être trop direct ou les brusquer, si vous manquez de tact, ils ne le vous pardonneront pas."
S'adapter aux us et coutumes locales est primordial, ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'on le surnomme Sir Claudio. Une attitude qu'Ancelotti a également adoptée dans son victorieux tour des grandes ligues européennes. Maniaque de l'autorité et à cheval sur la diététique et la préparation physique, l'ancien sélectionneur italien va probablement devoir lâcher du lest. Saura-t-il se "faire du mal" ? Apparemment non puisqu'il vient tout juste de bannir pizzas, sauces et boissons gazeuses de la cantine de Cobham. Le genre de mesure tout à fait légitime qui peut toutefois déjà déstabiliser ses joueurs. Gageons que Conte aura la jugeote de revoir quelque peu ses méthodes, mais il y aura forcément une période de rodage.
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