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Manchester United - Anthony Martial, keep calm and fight

Bruno Constant

Mis à jour 26/01/2017 à 11:42 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Pendant que Wayne Rooney sortait de son banc pour sauver Manchester United et battre le record de buts de Bobby Charlton, l'entourage d'Anthony Martial, absent à Stoke, se plaignait du traitement infligé par Jose Mourinho. Etrange décalage.

Anthony Martial sous le maillot de Manchester

Crédit: AFP

J'étais d'abord parti pour écrire cette chronique sur Wayne Rooney, nouveau recordman du nombre de buts inscrits dans l'histoire du club de Manchester United : 250 en 546 matches joués. Ce n'est pas rien. C'est même exceptionnel. Et il y aurait beaucoup de choses à dire. Sur ce gamin de Liverpool dont l'histoire aurait pu être très différente s'il avait signé chez les Reds, à l'âge de 9 ans, à l'issue d'un essai où il se rendit vêtu du maillot de... Everton. Sur sa place dans l'histoire de ce club même s'il ne sera jamais autant vénéré que Sir Bobby Charlton, par son histoire tragiquement liée à celle du club (il est l'un des huit rescapés du crash de Munich qui a décimé l'équipe en 1958).
Sur la chasse au record d'Alan Shearer en Premier League (260), difficile à atteindre voire impossible pour l'international anglais (195) devenu un joker un de luxe à United. Sur l'avenir trouble du joueur de 31 ans - qui aimerait jouer davantage - vers la Chine ou un autre club de Premier League (Everton ? Avouez qu'on en rêve tous). Oui, il y aurait tellement à dire...

Mourinho n'explique pas ses choix, pas plus que Guardiola, Wenger ou Ferguson

Et puis, mon attention a été détournée par une information publiée par mes confrères de SFR Sport sur l'absence d'Anthony Martial, "écarté sans la moindre explication" pour le déplacement à Stoke (1-1), samedi, où Rooney est devenu le héros en évitant la défaite à son équipe d'un coup franc magnifique. Rien à dire avec l'article, plutôt bien informé. En revanche, je reste étonné par le message passé par l'entourage du joueur : "agacé et circonspect par ce traitement très particulier subi depuis le début de saison".
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Anthony Martial

Crédit: Panoramic

Interrogé en conférence de presse, Mourinho s'est contenté de dire que Martial n'était simplement "pas sélectionné". On a le droit de ne pas le croire. Mais on peut aussi lui donner le bénéfice du doute. Le Français a pris part aux trois précédentes rencontres qu'il a d'ailleurs toutes débutées. Avant cela, il était resté sur le banc à West Ham (2-0), le 2 janvier, ce qui avait déjà fait jaser, alors qu'il avait égalisé face à Middlesbrough (2-1), 48 heures plus tôt. Il n'était pas non plus du voyage à Crystal Palace (2-1, le 14 décembre) mais avait été titulaire lors des trois précédentes rencontres de championnat.
Cela n'avait donc rien d'exceptionnel, d'autant plus pour un match à l'extérieur où, en plus d'avoir titularisé Mata et Mkhitaryan sur les côtés, Mourinho bénéficiait de Rooney, Lingard et Rashford sur le banc. Résultat de la gestion d'un effectif pléthorique - le plus riche de PL - où tous les postes sont doublés. Mourinho l'avait d'ailleurs expliqué en décembre dernier : "Je ne peux pas le (Martial) faire jouer cinq ou six matches à la suite quand j’ai d’autres joueurs qui méritent aussi".
Aujourd'hui, le manager des Red Devils est revenu l'absence du Français : "Je ne pense pas qu'il a perdu sa concentration mais il n'a pas saisi à deux mains la grande opportunité qu'il a eue." Mourinho fait référence à sa dernière prestation, Liverpool (1-1), contre qui il fut remplacé à la 65e minute. Ce jour-là, j'avais dit que l'ancien Monégasque se faisait "bouffer" par le jeune Alexander-Arnold, 18 ans. Martial n'a réellement pris le dessus sur son joueur qu'une seule fois en seconde période, action au bout de laquelle il tenta un geste difficile - reprendre le centre de Mkhitaryan derrière sa jambe d'appui - alors qu'il aurait pu frapper de l'intérieur du droit. Quelques minutes plus tard, il fut remplacé par Mourinho...
Le deuxième grief était que Mourinho n'aurait pas livré la moindre explication au joueur. Surprenant ? Non. Ou c'est découvrir le fonctionnement de Mourinho ! A Manchester comme à Chelsea, au Real ou à l'Inter, le Special One n'explique pas ses choix. Pas plus que Guardiola, Van Gaal, Mancini, Wenger ou Ferguson lorsqu'il dirigeait United.
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Anthony Martial remplace Wayne Rooney

Crédit: AFP

Pour avoir suivi Arsenal pendant neuf ans et souvent discuté avec les Français ou Francophones qui y sont passés (Pires, Sagna, Nasri, Chamakh...) et ceux qui y sont encore (Koscielny, Giroud, Coquelin), Arsène donne son groupe et son onze au dernier moment. Sans se justifier. "Si je devais expliquer à chacun pourquoi je ne l'ai pas sélectionné...", m'avait-il dit un jour. Cela ne dit pas qu'il ne le faisait jamais. Il le faisait, parfois, à des moments précis, quand il sentait le besoin du joueur : à Giroud, par exemple, lorsqu'il lui préférait Walcott en pointe en début de saison passée.

Mkhitaryan, Mata, Rooney… eux n'ont pas bronché

Le troisième grief, enfin, était la réaction du joueur et de son entourage : "circonspects et agacés par le traitement subi depuis le début de saison". Martial a le droit de ne pas être content de son sort, c'est même plutôt bon signe, le signe qu'il n'accepte pas sa situation. Le communiquer est autre chose et montre qu'il n'accepte pas les règles d'un club comme Manchester United où la concurrence est forte.
D'autres sont passés par là à United comme ailleurs et le cas Martial ne doit être le résultat d'un nombrilisme franco-français. Excellent en début de saison, Mata s'est retrouvé sur le banc du jour au lendemain, fin novembre, avec seulement six titularisations en deux mois. Avez-vous entendu l'Espagnol ou son agent se plaindre ? Non. Que dire de Mkhitaryan, totalement oublié en début de saison ? Un mot ? Pas un seul. Et je parle là de joueurs confirmés. A Chelsea, Fabregas cire le banc avec Conte ? L'avez-vous entendu ? Non plus. Cela ne l'a pas empêché de se montrer décisif à plusieurs reprises lorsque l'Italien a fait appel à lui. C'est ce qu'attend un entraîneur de son joueur, non ? C'est donc ce qu'attend Mourinho de Martial.
Or, le Français, cette saison, c'est six buts et trois passes décisives toutes compétitions en 21 apparitions. C'est très loin des statistiques de sa première saison mancunienne (17 réalisations et 8 passes décisives). Mais il y a une différence notable entre cet exercice et le précédent. L'an passé, Martial était LA recrue de l'été, achetée 53 M€ (80 M€ bonus compris). Ses premiers pas sous le maillot des Red Devils face à Liverpool (3-1) avaient été tonitruants.
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Anthony Martial (Manchester United)

Crédit: Panoramic

J'étais à Old Trafford ce jour-là. Avant la rencontre, les supporters étaient incapables de prononcer son nom correctement. Mais, après son premier but, ils ont très vite appris. Martial était bien le crack espéré. L'équipe s'en remettait souvent à lui et chaque prise de balle du Français provoquait des frissons chez les fans. "He's got something", disaient-ils ("Il a quelque chose").
Cette saison, le paysage est bien différent. Sous l'impulsion du nouvel entraîneur (Mourinho), Ibrahimovic et Mkhitaryan sont arrivés et le club a déboursé 105 M€ sur Pogba. Martial n'est plus le centre de toutes les attentions. Le ballon ne passe plus autant sur le côté gauche. L'équipe est moins dépendante de ses étincelles que des buts de Zlatan qui aimante logiquement les ballons et avec lequel Pogba aime jouer. Cela ne fait pas de Martial un joueur moins bon, mais il doit désormais exister avec les autres. Quelque chose qu'il a du mal à faire cette saison. Ses statistiques le montrent et cela explique aussi pourquoi Mourinho fait jouer la concurrence.

Des problèmes qui datent d'avant l'Euro

L'origine de la baisse de ses performances n'a d'ailleurs rien à voir avec le Portugais. Elles sont arrivées bien avant, à l'Euro, que Martial a traversé comme un fantôme. Une méforme qu'il a étirée durant les deux premiers mois de la saison. L'explication ? Des problèmes personnels - la séparation avec sa compagne avec qui il a eu un enfant - qu'on peut tous comprendre, notamment à un si jeune âge - 20 ans à l'époque -, ce qui a nécessité le soutien de ses parents, venus s'installer à Manchester.
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Anthony Martial et Didier Deschamps à l'entrainement à Clairefontaine, lundi 6 juin 2016

Crédit: AFP

L'autre problème serait son positionnement : sur un côté alors qu'il préfère évoluer dans l'axe. C'est un débat qui avait déjà fait surface lorsqu'Arsène Wenger avait justifié l'absence d'intérêt d'Arsenal pour Martial lors de sa signature à Manchester ("je le vois davantage comme un ailier et nous avons déjà du monde"). L'agent de Martial avait alors répondu en rappelant le parcours du joueur au poste d'avance-centre chez les jeunes à Lyon. Mais où joue Martial depuis son arrivée en Angleterre ? Sur un côté, le gauche, là où trois grands entraîneurs - Wenger, Van Gaal et Mourinho - voient son potentiel. Là où le voit également Didier Deschamps en équipe de France.

Un froid entre Mourinho et l'agent du joueur

Le principal grief de Mourinho n'est pas contre Martial mais son agent dont les commentaires publics sur l'éventualité d'un prêt du joueur à Séville - "qui a un grand coach" - ont fortement déplu auprès des dirigeants du club mancunien et de leur manager. Et Mourinho n'a pas manqué : "Martial doit m'écouter moi, il ne doit pas écouter son agent".
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Mourinho: "Martial doit m'écouter et pas son agent!"

L'attitude du clan Martial est d'autant plus surprenante au regard de ce que vit par exemple Wayne Rooney. Car, s'il y en a un qui pourrait se plaindre du "traitement subi", c'est bien lui, non ? Capitaine, treize saisons au club, cinq titres de champion d'Angleterre, une Ligue des Champions, recordman du nombre de buts à United et en équipe d'Angleterre et relégué sur le banc par Mourinho. Et le joueur ne bronche pas.
Je ne dis pas que Rooney a toujours été exemplaire, notamment avec Ferguson, mais certains de mes confrères anglais vous diront que Paul Stretford, son agent, considéré comme l'un des dix plus puissants dans le football, a joué une grande part dans ces clashs. "Lui continuerait à jouer pour 50 £ par semaine", lançait d'ailleurs Shearer, samedi.

Le plus grand talent offensif français de sa génération

Le propos, ici, n'est pas de remettre en cause le talent de Martial. Certainement pas. Ce garçon a un potentiel et des qualités énormes. Il n'y a pas de doute possible là-dessus. Il est même, à mes yeux, le plus grand talent offensif de la génération dont dispose la France à ce jour. A condition de le laisser grandir à Manchester, de le laisser souffrir, s'endurcir et devenir un meilleur joueur. Car il a tout pour lui : la vitesse, la puissance, des dribbles déroutants, une lucidité formidable face au but.
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Anthony Martial (Manchester United)

Crédit: AFP

Sa façon de conduire son ballon avec l'extérieur du pied droit face à son adversaire puis d'amener celui-ci de l'intérieur pour déborder ou, au contraire, repiquer dans l'axe et frapper me rappelle Thierry Henry depuis son premier but face à Liverpool. "Titi" est, lui aussi, passé par des moments difficiles à la Juventus avant d'exploser à Arsenal dans une position axiale. Martial évoluera peut-être un jour au poste qu'il affectionne. En attendant, il doit être patient, se montrer décisif quand son entraîneur fait appel à lui et se battre pour gagner sa place. C'est aussi pour ça qu'il a choisi Manchester United et pas Séville ou Naples.
Et pour conclure, je vais citer les déclarations d'un attaquant français qui vivait cette situation il y a un mois : "C'est énervant d'être sur le banc mais c'est une épreuve à passer. C'est comme ça que tu progresses, en te forgeant mentalement." Ces propos sont de... Anthony Martial. Alors Anthony, keep calm and fight. Reste calme et bats-toi.
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1 et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
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